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Imagerie

Publié le 15 mai 2023Lecture 10 min

L’IRM cardiaque de demain : enfin accessible à tous ?

Théo PEZEL, service de cardiologie et de radiologie, CHU Lariboisière, APHP, Paris

En direct du congrès mondial d’IRM cardiaque, Society for Cardiovascular Magnetic Resonance (SCMR) qui s’est déroulé du 25 au 28 janvier 2023 à San Diego.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque est une technique d’imagerie non invasive en plein essor qui a l’avantage de ne pas exposer le patient à des rayons X. De par son excellente résolution spatiale et temporelle, elle est connue pour être la technique de référence pour mesurer les volumes et la fraction d’éjection systolique. Cependant, l’IRM se distingue surtout par son pouvoir de caractérisation tissulaire qui s’avère souvent décisif dans le diagnostic de nombreuses cardiomyopathies. En effet, ces dernières années, de nouvelles séquences de cartographies T1 et T2 sont venues en support du célèbre rehaussement tardif pour aider à préciser la composition du myocarde, et différencier l’œdème, la fibrose, les dépôts amyloïdes… du myocarde sain.

Malgré sa performance diagnostique incontestable, l’IRM cardiaque souffre cependant d’un manque d’accessibilité limitant son utilisation par le plus grand nombre. En effet, l’examen d’IRM cardiaque est un examen plutôt long (de l’ordre de 30 à 45 minutes), nécessitant un tracé ECG de qualité et de nombreuses apnées (de l’ordre de 15 secondes) pour figer le mouvement respiratoire pendant l’acquisition des images. En cas d’arythmie ou d’apnée mal tenue, les images peuvent être « artéfactées », c’est-à-dire être floues ou présenter des images fantômes créées par la respiration. Dans les cas les plus extrêmes, les images IRM peuvent même devenir inexploitables pour le praticien avec une vraie difficulté à conclure avec certitude à la question posée par le clinicien. Bien que de nombreux pacemakers (PM) et défibrillateurs implantables (DAI) soient aujourd’hui compatibles avec l’IRM sous certaines conditions, la qualité des images peut être impactée par la présence de métal à proximité du cœur, surtout pour les DAI. L’IRM cardiaque requiert également aujourd’hui une certaine expertise de la part du manipulateur pour l’acquisition des images, ainsi que de la part du clinicien imageur dans le post-traitement et la lecture de ces dernières. Le rôle des manipulateurs radio est primordial dans la réussite de l’examen et il débute dès le premier contact avec le patient pour lui expliquer la nécessité de réaliser de bonnes apnées. Le positionnement des plans de coupe se base sur des repères anatomiques relativement simples pour un manipulateur formé et entraîné. Cependant, à l’heure où les manipulateurs doivent être de plus en plus polyvalents sur tous les appareils d’imagerie (IRM, scanner, radiographie, etc.) et sur tous les organes, les coupes cardiaques peuvent représenter un challenge certain. À cela s’ajoute la physiologie du patient (morphotype, rythme cardiaque, respiration…), à laquelle le manipulateur doit s’adapter pour obtenir une bonne qualité d’image. L’IRM cardiaque n’est donc pas un examen aussi simple à mener qu’un genou ou un crâne, et demande de l’investissement de la part des centres pour former et entraîner les manipulateurs. L’expertise nécessaire pour réaliser une IRM cardiaque est en réalité un des facteurs limitant son accessibilité. Concernant l’interprétation d’une IRM cardiaque, l’analyse en post-traitement exige de contourner soigneusement le sous-endocarde et le sous-épicarde pour obtenir les volumes, la masse myocardique et la fraction d’éjection du ventricule gauche et du ventricule droit. C’est une tâche qui peut prendre du temps et qui nécessite une courbe d’apprentissage, notamment en ce qui concerne le ventricule droit. D’autres analyses comme celle de la perfusion ou du rehaussement tardif restent uniquement visuelles, faute d’outils permettant de segmenter automatiquement les plages d’hypersignaux du myocarde sain. L’IRM cardiaque est donc un examen diagnostique très performant, mais qui souffre de la complexité de son exécution, à la fois pour les patients qui doivent tenir de nombreuses apnées, et idéalement ne pas avoir de DAI ; pour les manipulateurs qui doivent être formés au placement des coupes et aux aspects techniques propres au cœur pour s’adapter à la physiologie du patient ; et finalement pour le médecin qui va interpréter l’examen et devoir réaliser des mesures souvent longues et sujettes à de la variabilité. Aujourd’hui, la recherche en IRM cardiaque nous apporte des solutions permettant d’espérer que l’IRM cardiaque de demain devienne de plus en plus accessible à la fois pour les patients et pour le personnel paramédical et médical. Au retour du congrès d’IRM cardiaque, la « SCMR » ayant eu lieu à San Diego fin janvier 2023, nous vous proposons de découvrir les dernières technologies présentées à travers les 5 innovations les plus impactantes du congrès.   Innovation #1 : une IRM cardiaque accélérée ne nécessitant plus d’apnée   L’IRM cardiaque nécessite des apnées pour assurer une bonne qualité d’image. Retenir sa respiration pendant 10 à 15 secondes reste accessible à la grande majorité des patients, mais le caractère répétitif des apnées peut générer de l’essoufflement même chez des personnes ne souffrant pas de dyspnée. De nouvelles séquences entièrement en respiration libre arrivent désormais sur les IRM pour améliorer le confort patient et augmenter la qualité de l’examen chez les patients âgés, avec dyspnée, ou même les personnes n’étant pas capables de suivre les instructions de demande d’apnée. Ces séquences reposent principalement sur une très grande accélération, permettant d’acquérir chaque coupe suffisamment rapidement pour figer le mouvement respiratoire. Cette révolution en IRM cardiaque a débuté récemment avec les séquences ciné « compressed-sensing » (ou « compressed SENSE » selon les constructeurs) qui permettent d’acquérir tous les plans petits axes en 15 secondes et en respiration libre. Aujourd’hui, ce sont les séquences de rehaussement tardif qui bénéficient de ces innovations pour être acquises en respiration libre également. Cela a d’autant plus de sens que ces séquences sont absolument cruciales pour le diagnostic, mais interviennent à la toute fin de l’examen (10 minutes après injection de gadolinium) lorsque le patient est le plus fatigué et tient le moins bien les apnées. Plusieurs présentations du congrès SCMR ont montré que ces nouvelles séquences plus rapides et plus robustes ne modifient pas les mesures réalisées à partir de ces images (figure 1). Figure 1. Comparaison des nouvelles séquences de rehaussement tardif en respiration libre (moco-LGE à droite) avec les séquences conventionnelles en apnée (bh-LGE à gauche) chez 4 patients différents (A à D). On observe ici les fameux artéfacts créés par la respiration des patients, qui ne sont pas du tout présents sur les nouvelles séquences. L’utilisation de ces nouvelles séquences permet ainsi de détecter des prises de contraste (flèches blanches) tout en s’amendant des apnées (adapté de Piehler et coll., Circulation Cardiovascular Imaging(1)).   Innovation #2 : une IRM cardiaque sans électrodes ECG   Accélérer l’installation du patient dans l’IRM est également une piste de développement pour améliorer l’accessibilité de l’examen. L’acquisition des images IRM est synchronisée à l’ECG du patient et cela exige la mise en place d’électrodes pour obtenir un bon tracé. Cette étape prend entre 5 et 10 minutes par patient puisqu’elle nécessite le nettoyage et un éventuel rasage de la peau pour assurer une parfaite adhésion des électrodes. Aujourd’hui, une des nouveautés arrivant sur les IRM est un capteur ECG positionné directement dans l’antenne de surface. Plus besoin de positionner les électrodes ! En effet, pour capter le signal IRM, une antenne de surface est positionnée sur le thorax du patient. Cette antenne peut désormais être équipée d’un capteur qui enregistrera, non pas l’activité électrique du cœur, mais directement son mouvement de contraction. Ce signal est ensuite retranscrit pour donner un signal visible pour les manipulateurs sur le statif de l’IRM ou la console. En plus de faire gagner énormément de temps de préparation pour chaque patient, cela représente également une économie, car l’achat d'électrodes n’est plus nécessaire. Figure 2 Figure 2. De nouvelles antennes sont désormais équipées d’un capteur du mouvement cardiaque (signalé par un rond orange dans l’image du haut), remplaçant complètement le besoin d’un tracé ECG pour synchroniser l’acquisition des images. Le tracé de ce capteur n’est pas identique à celui d’un ECG, car on capte ici une contraction mécanique cardiaque et pas l’activité électrique (encadré orange). Cependant, on peut voir que le début de la systole est parfaitement bien identifié si on le compare à l’ECG chez un patient (triangles blancs). Cette innovation permet de faire gagner un temps précieux lors de la préparation du patient, sans compromis avec la qualité d’image qui reste similaire. Cela fait partie des nouvelles technologies qui vont dans le sens d’accélérer l’examen et donc, d’augmenter le nombre de patients pouvant en bénéficier (adapté de Bianca Samsula et coll., MAGNETOM Flash, SCMR 2023(2)).   Innovation #3 : une IRM cardiaque assistée par intelligence artificielle   Afin de ne pas restreindre la pratique de l’IRM cardiaque à des manipulateurs « experts », des outils d’automatisation de l’examen avec l’aide de l’intelligence artificielle sont désormais proposés. La première fonctionnalité à avoir été proposée est le positionnement automatique des coupes usuelles : les petits axes et longs axes du ventricule gauche (figure 3). Au fil des années, ces outils se perfectionnent pour ajouter de nouveaux plans de coupes et être plus robustes aux cœurs pathologiques. Par exemple, dans le cas d’un cœur hypertrophié, l’identification automatique des repères anatomiques pouvait échouer il y a quelques années. C’est aujourd’hui de moins en moins le cas, puisque les algorithmes de « machine learning » apprennent sur des bases de données annotées de plus en plus grandes, incluant ces cas pathologiques. Évidemment, il restera toujours des cas particuliers, comme les malformations congénitales, pour lesquelles l’intelligence artificielle ne pourra pas remplacer l’expertise d’un manipulateur formé. Cependant, ces outils permettent réellement de rendre réalisable beaucoup plus facilement une IRM cardiaque sur des centres non spécialisés. On peut penser par exemple à l’examen d’IRM de stress, qui nécessite uniquement des plans de coupes standards du ventricule gauche. Par ailleurs, ces outils sont également utilisés par des centres experts, pour accélérer le flux de travail. Au-delà du positionnement des coupes, de nouveaux outils d’automatisation voient peu à peu le jour. On peut citer par exemple l’identification automatique du fameux temps d’inversion (TI) pour optimiser la qualité d’image du rehaussement tardif et assurer que le myocarde sain soit bien en hyposignal. Le choix d’un bon TI est crucial pour avoir une bonne annulation du myocarde sain, et ne pas manquer une prise de contraste. Automatiser cette étape permettrait de ne plus la rendre dépendante du manipulateur présent à la console. Figure 3. Exemple d’outil de positionnement automatique des plans de coupes du ventricule gauche basé sur une identification automatique de repères anatomiques par intelligence artificielle. Un total de 5 repères sont identifiés dans une série de coupes « pseudo petits axes » : oreillette gauche, racine aortique, pointe du ventricule droit, ventricule gauche (correspondant au milieu de l’anneau mitral) et l’apex. Les repères anatomiques sont automatiquement détectés et affichés sur les images du patient (A : racine aortique en rouge et oreillette gauche en jaune). À partir de ces repères, trois coupes longs axes (2, 3, 4 cavités) sont ainsi automatiquement positionnées et proposées au manipulateur (B). Le manipulateur peut à tout moment modifier les points de repère à sa convenance et dispose pour cela de guidages (C) pour aider les plus novices. Les coupes finales peuvent également être modifiées par le manipulateur et les positionnements seront propagés aux futures séquences de l’examen, toujours dans une optique de gain de temps.   Innovation #4 : Un post-traitement automatisé par intelligence artificielle   Les logiciels de post-traitement offrent aujourd’hui de plus en plus d’automatisation dans la réalisation des mesures afin de faire gagner du temps au médecin imageur. Par exemple, les cavités VG et VD sont aujourd’hui segmentées automatiquement pour donner les valeurs des volumes télédiastoliques, télésystoliques, les masses et les fractions d’éjection systolique. Lors du congrès SCMR, on a pu constater que de nombreuses équipes de recherche continuent de développer de plus en plus d’algorithmes d’intelligence artificielle pour automatiser toujours plus de mesures. C’est le cas par exemple de la mesure du strain à partir des images ciné. Il a ainsi été montré durant le congrès que la mesure du strain circonférentiel global, mesuré automatiquement sans correction humaine, était associée avec un plus grand nombre d’événements cardiaques chez des patients qui avaient une IRM de stress normale, c’est-à-dire sans rehaussement tardif et sans ischémie (figure 4). Au-delà d’un gain de temps pour obtenir ces mesures fiables directement à l’IRM en quelques secondes, cela permet d’apporter des outils pronostiques intéressants à des médecins imageurs non experts. Figure 4. Le strain circonférenciel global (GCS) est ici mesuré de manière totalement automatique par des algorithmes de machine learning sur des cinés petits axes acquis pendant un, stress (A). Dans cette étude présentée en communication orale à la SCMR, il a été montré qu’avec une valeur seuil de -10 % de GCS, on pouvait identifier les patients les plus à risque d’avoir un événement cardiovasculaire parmi les patients ayant une IRM de stress normale (sans ischémie et sans rehaussement tardif) (B) (adapté de Pezel et coll., SCMR 2023(3)).   Innovation #5 : une bonne qualité d’image en présence de PM ou de DAI   Le port d’un PM et d’un DAI n’est pas une contre-indication à une IRM cardiaque, puisque beaucoup sont désormais « compatibles IRM sous certaines conditions ». Récemment, la valeur pronostique de la présence d’une ischémie sous stress et d’un rehaussement tardif a même été démontrée chez 273 patients porteurs de PM(4). Cependant, les images peuvent actuellement être artéfactées par la présence du boîtier métallique à proximité du cœur, notamment avec les DAI. Cela se traduit par des vides de signal dans les images, des bandes noires sur les cinés, et par des hypersignaux qui ne sont pas pathologiques sur les images de rehaussement tardif (figure 5). Figure 5. La présence d’un DAI empêche l’annulation correcte du myocarde sain dans les images de rehaussement tardif et crée des hypersignaux (flèches jaunes). De nouvelles séquences, dites « wide band », permettent aujourd’hui de diminuer ces artéfacts, comme on peut le voir dans cette comparaison chez deux patients différents (adapté de Schwartz et coll., J Cardiovasc Electrophysiol(5)).   Aujourd’hui, de nouvelles séquences de rehaussement tardif, dites « wide band », ont été inventées pour apporter une solution à ce problème et réduire significativement les artéfacts, de sorte qu’ils restent éloignés du cœur. Alors que le nombre de patients porteurs de PM et DAI augmente chaque année, c’est une très bonne nouvelle.

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