Publié le 10 jan 2012Lecture 8 min
L’HVG, le diabète, le rein et les recommandations dans l’HTA au programme du 3e e-Direct cardio
M. DEKER
Pour le dernier volet de ces rencontres interactives consacrées à l’hypertension artérielle, organisées avec le soutien institutionnel d’IPSEN, étaient réunis deux cardiologues, P. Gosse (Bordeaux) et D. Herpin (Poitiers), un néphrologue, G. Choukroun (Amiens), et un diabétologue, F. Bonnet (Rennes).
Le débat, modéré par J. Chapsal (Paris), s’est orienté sur 4 thèmes : le dépistage de l’HVG, l’hypertendu diabétique, la surveillance du rein de l’hypertendu et le point sur les recommandations.
Dépistage de l’HVG : de l’ECG à l’échocardiographie
Même si l’échographie est plus performante que l’ECG pour détecter une HVG, ce dernier garde sa place : examen systématique, peu onéreux, il fournit grâce à l’analyse du complexe QRS des renseignements utiles. Plus simple que l’indice de Sokolow ou l’indice de Cornell (leur positivité signe une HVG), la mesure de l’onde R en AVL fournit l’essentiel des informations : une onde R > 8 mm a une spécificité de près de 90 % pour le diagnostic d’HVG, et une sensibilité d’environ 40 %. C’est aussi l’un des paramètres ECG les plus reproductibles et les plus fiables (en tant que dérivation des membres, la place des électrodes importe moins que pour les précordiales). L’amplitude de l’onde R est corrélée directement et de manière continue au risque d’HVG et d’événements cardiovasculaires ; elle régresse sous traitement efficace.
L’échographie est la méthode la plus sensible pour détecter une HVG, mais elle n’est pas fiable à 100 % et la reproductibilité des mesures de la masse VG n’est pas parfaite. C’est dire l’intérêt de l’indexage pour le calcul de la MVG, au mieux sur la taille (en mètres) à la puissance 2,7, en particulier chez les sujets en surpoids, avec un seuil d’environ 50 g/m2,7. Toutefois, les valeurs sont d’autant moins fiables qu’elles se rapprochent de ce seuil, là où elles seraient les plus utiles pour reclassifier les patients à risque. Il est peu utile de réévaluer la MVG chez un hypertendu traité car ses variations sont à la limite de reproductibilité de la technique.
Les indices fonctionnels, tels la fraction d’éjection (FE) ou le pourcentage de raccourcissement du diamètre VG, ne sont pas fiables chez l’hypertendu. D’autres techniques sont plus adaptées : le speckle tracking permet de suivre le mouvement de structures ultrasonores au cours du cycle cardiaque. Plusieurs phénomènes interviennent pendant la contraction ventriculaire, réduction de la cavité sur son petit et son grand axe, torsion, qui peuvent être analysés par le strain, mesure du raccourcissement ou de l’allongement des fibres musculaires. Dans l’HTA, le strain longitudinal est le plus précocement altéré. Des indices peuvent être calculés pour chaque segment du VG, offrant une approche globale de la fonction systolique, le global longitudinal strain, plus fiable et plus sensible que la FE. En outre, le strain peut être apprécié dans plusieurs dimensions, et évaluer le caractère synchrone de la contraction des parois musculaires ; l’asynchronisme pourrait être annonciateur du développement d’une insuffisance cardiaque.
L’HTA du diabétique
L’HTA est fréquemment associée au diabète et peut même le précéder. L’objectif de PA a été fixé à < 130/80 mmHg, de manière consensuelle, malgré le faible niveau de preuves. En pratique, il est difficile de contrôler l’HTA du diabétique jusqu’à cette cible, même avec une plurithérapie ; dans les essais contrôlés, la systolique est aux alentours de 130-140 mmHg, ce qui a conduit certains experts à considérer l’objectif de 130 maximum comme idéaliste. Les récents essais d’intensification du traitement antihypertenseur ont montré un bénéfice rénal et cérébrovasculaire pour un contrôle entre 120 et 130 mmHg, mais une absence de bénéfice sur les événements myocardiques. Aujourd’hui, les recommandations s’orientent vers une pondération : < 130/80 mmHg chez le diabétique ayant une protéinurie ; sinon le plus bas possible entre 130 et 140 mmHg.
Tous les diabétiques de type 2 n’ont pas le même niveau de risque. Sont considérés comme à haut risque les patients en prévention secondaire, porteurs d’une artériopathie (a fortiori mal perforant plantaire), d’une atteinte rénale (la microalbuminurie multiplie par ≥ 2 le risque cardiovasculaire) ou d’autres facteurs de risque. Le niveau d’HbA1c est lié au risque cardio- et cérébrovasculaire, surtout pour des valeurs > 8-9 % ; inversement, il n’est pas démontré que le diabétique tire un bénéfice coronarien pour des valeurs < 7 %.
L’impact des diurétiques et des bêtabloquants est minime chez un patient hyperglycémique chronique, mais chez les patients prédiabétiques, ayant un syndrome métabolique, ils majorent l’insulinorésistance, surtout à forte dose. Les bêtabloquants, d’ancienne génération surtout, peuvent favoriser la prise de poids, élever la glycémie et faire basculer un sujet intolérant au glucose dans le diabète, alors que les bloqueurs du système rénine angiotensine (SRA) ont un effet inverse, même modeste. Le risque métabolique lié aux diurétiques concerne surtout l’hypokaliémie (risque dose-dépendant), dont la survenue sous traitement est prédictive du développement d’un diabète. Mais associés aux bloqueurs du SRA, les diurétiques sont utiles ; ils potentialisent leur effet (l’HTA du diabétique comme de l’obèse a une composante volodépendante).
De manière générale, les bloqueurs du SRA sont efficaces chez le diabétique, à doses importantes pour confèrer une protection des organes cibles, en particulier le rein (réduction de la protéinurie, régression de l’insuffisance rénale). Le double blocage du SRA a démontré un effet protecteur à l’égard de la protéinurie, à court et moyen termes, mais pas sur le long terme. Le blocage du SRA n’a pas fait la preuve d’un bénéfice en prévention du diabète chez l’hypertendu. Il ne faut pas exagérer la signification des diabètes induits par les antihypertenseurs, probablement sur-diagnostiqués dans les essais cliniques. Il n’en reste pas moins que ces patients hypertendus sont à haut risque, même si les conséquences cardiovasculaires n’apparaîtront qu’à long terme.
Choisir un diurétique approprié à l’HTA
Le diurétique de référence dans l’HTA est l’hydrochlorothiazide (HCTZ), à la dose minimale de 12,5 mg ; le doublement de la dose permet de gagner en efficacité au prix d’une majoration des effets indésirables. Les dernières recommandations britanniques (NICE) ont déclassé l’HCTZ au profit de 2 autres diurétiques, la chlorthalidone et l’indapamide, ainsi que le bendrofluméthiazide. Ne sont disponibles en France que l’HCTZ et l’indapamide, de puissance d’action comparable. Les diurétiques de l’anse (furosémide) ne sont pas de bons antihypertenseurs, sauf en cas d’insuffisance rénale sévère (< 30 ml/min) où les thiazidiques sont contre-indiqués. Or, il est fréquent de trouver une clairance de la créatinine (ClCr) < 30 ml/min, en particulier chez les sujets âgés très maigres. D’où la nécessité d’apprécier la fonction rénale correctement, par la formule de Cockroft ou celle de la MDRD, qui nécessitent un dosage de créatininémie. La MDRD est plus précise et mieux adaptée chez les plus de 70-75 ans et chez les sujets de poids extrême (obèses ou maigres).
Quel est le rôle du néphrologue ?
C’est d’abord de rechercher une cause rénale d’HTA, surtout chez les < 50 ans. Le bilan minimal associe créatininémie, kaliémie pour dépister un hyperaldostéronisme primaire, analyse d’urines : en l’absence de protéinurie et d’hématurie à la bandelette, une anomalie urinaire ou rénale est peu probable. Le dosage de l’albuminurie peut être utile dans le bilan d’un hypertendu, mais il n’est pas recommandé en France (paradoxalement il faut en tenir compte pour l’évaluation du risque !), contrairement au diabète. En pratique, le rapport microalbuminurie/créatininurie dans le même échantillon d’urines a supplanté le dosage d’albumine sur les urines de 24 h. Le seuil pathologique est de 200 mg/g. Certains médicaments comme les bloqueurs du SRA diminuent la protéinurie et le risque d’AVC et d’IDM chez le diabétique (ce n’est pas formellement démontré chez l’hypertendu).
Il faut adresser l’hypertendu au néphrologue, en cas d’anomalie suggérant une pathologie rénale : hypercréatininémie, baisse significative du débit de filtration glomérulaire (DFG < 60 ml/min chez un sujet < 60 ans) hématurie, protéinurie (> 300 mg), ou d’HTA réfractaire. La néphroangiosclérose (complication de l’HTA chronique par sclérose des petits vaisseaux du rein) représente 15-20 % des causes de mise en dialyse chaque année en France. À noter les complications des produits de contraste chez les insuffisants rénaux : iodés (à prévenir par l’hydratation) et à base de gadolinium (fibrose néphrogénique systémique, rare).
L’exploration rénale fait d’abord appel à l’échographie, simple, peu coûteuse, mais parfois difficile à réaliser chez les sujets en surpoids. En deuxième intention, on privilégie l’angioscanner si la fonction rénale est proche de la normale, sinon l’angioIRM. L’angioplastie d’une sténose d’une artère rénale peut sans doute apporter un bénéfice chez certains patients (mais lesquels ?) ; les sténoses anciennes peuvent être secondaires à l’HTA et ne pas en être responsables ; le plus souvent, l’angioplastie est inutile et dangereuse.
Que disent les recommandations ?
Diagnostic : les recommandations britanniques (NICE), les plus récentes, préconisent la MAPA pour le diagnostic initial. Le suivi peut être fait par automesure, avec un appareil homologué et en expliquant bien la technique au patient.
Évaluation du risque : alors que la HAS en 2005 limitait cette évaluation au cœur (HVG électrique ou échographique), les recommandations européennes et britanniques sont consensuelles pour évaluer tout retentissement sur les organes cibles (rein et vaisseaux, notamment).
• Stratégie thérapeutique : les recommandations britanniques se distinguent nettement des recommandations françaises et européennes :
– 1re intention : < 55 ans, IEC ou inhibiteur calcique (ICa) ;
> 55 ans, origine africaine ou caraïbéenne, ICa ;
– 2e intention : ajouter l’antihypertenseur non choisi en 1re ligne :
– 3e intention : ajouter un diurétique, indapamide plutôt qu’HCTZ ;
– 4e intention : ajouter alphaboquant ou bêtabloquant.
Les bêtabloquants gardent leur intérêt chez les sujets jeunes avec signes d’hyperadrénergie et les femmes jeunes en âge de procréer.
MAPA ou automesure ? La MAPA a démontré qu’elle est coût-efficace comparativement à la mesure en consultation, alors que l’automesure n’a pas été évaluée comme devrait l’être toute nouvelle technique de diagnostic. Il existe des divergences entre les données de la MAPA et de l’automesure chez environ 20 % des patients qui sont catalogués hypertendus par l’une de ces techniques et non par l’autre.
Quid des bithérapies et des combinaisons fixes ?
En 2005, la HAS n’avait pas recommandé les bithérapies d’emblée, même dans l’HTA sévère, tout en suggérant qu’il fallait y recourir rapidement. Seules 2 combinaisons fixes à mi-doses avaient une indication d’emblée. La bithérapie d’emblée à pleine dose devrait figurer dans les prochaines recommandations dans le cadre de l’HTA sévère, déterminée comme telle sur la foi de mesures cliniques répétées ou certifiée par la MAPA. Quant aux combinaisons fixes, elles ont
l’incontestable avantage de favoriser l’observance, donc l’obtention du résultat souhaité : contrôler l’HTA. On ne peut plus aujourd’hui leur reprocher un manque de souplesse comparativement aux associations libres, car la plupart offrent plusieurs dosages dans leur gamme.
P. Gosse, G. Choukroun, J. Chapsal, D. Herpin et F. Bonnet (de gauche à droite).
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