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Échocardiographie

Publié le 13 mar 2012Lecture 6 min

Rôle de l’échocardiographie d’effort dans le rétrécissement aortique asymptomatique

S. MARECHAUX, A.-L. CASTEL, F. DELELIS, P.-V. ENNEZAT, P. GRAUX, Groupement Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille


Journées européennes de la SFC (II)
Autrefois contre-indiqué en cas de rétrécissement aortique (RA), l’évaluation à l’effort des patients porteurs d’un RA est devenue la pierre angulaire de la prise en charge. À l’aide d’exemples concrets, nous essaierons de préciser la place de l’échocardiographie à l’effort par rapport au test d’effort conventionnel chez ces patients et d’individualiser les bonnes indications de cet examen.

Monsieur F.D., 78 ans, est adressé par son médecin traitant suite à la découverte d'un souffle systolique. L’interrogatoire ne révèle pas de symptômes francs ; l’activité physique est toutefois réduite et se limite à monter un étage. L’échocardiographie retrouve une fraction d’éjection du VG normale à 60 %, une HVG concentrique (masse VG indexée à 120 g/m2), un RA calcifié, serré avec une vélocité maximale de 4,3 m/s, un gradient moyen de 44 mmHg et une surface valvulaire calculée par équation de continuité à 0,9 cm2, soit 0,5 cm2/m2 de surface corporelle (figure 1). Figure 1. Faible augmentation de l’onde S à l’anneau mitral latéral et altération du strain longitudinal global à l’exercice chez notre patient porteur d’un RA serré présentant une réponse VG anormale à l’exercice. La première question à se poser devant ce patient est : « améliore-t-on son pronostic spontané en lui proposant une chirurgie de remplacement valvulaire aortique ? ». La deuxième est « est-il réellement asymptomatique ? ». Chez un malade symptomatique, le risque de mort subite est élevé (4 %/an) et justifie le recours à la chirurgie. Le test d’effort est, dans ce cas, contre-indiqué, car il n’apporte pas d’élément cliniquement pertinent tout en exposant à un risque d’événement indésirable grave lors du test. Toutes les séries prospectives de patients porteurs de RA asymptomatique montrent que le risque annuel de mort subite est très faible, de l’ordre de 0,8 %(1). À l’inverse, le risque opératoire est évalué entre 1 et 6 %, et peut atteindre jusqu’à 10 % en cas de pontage coronaire associé. Il faut également prendre en compte la morbidité liée à la prothèse valvulaire. Finalement, selon Eugène Braunwald, la cause la plus commune de mortalité dans le RA asymptomatique pourrait être la chirurgie. Environ un tiers des patients porteurs de RA qui se disent asymptomatiques dans leur vie quotidienne sont en fait de faux asymptomatiques et vont développer des symptômes lors du test d’effort (dyspnée, lipothymies, angor)(2). Ces patients vont développer rapidement des symptômes spontanés et devront bénéficier d’une prise en charge chirurgicale anticipée. La plus grande étude publiée sur ce sujet a montré que la survenue de symptômes lors du test d’effort semble être un meilleur prédicteur de la survenue de symptômes spontanés que la chute de pression artérielle ou la dépression du segment ST à l’exercice. Toutefois, la valeur prédictive positive des symptômes d’effort est mauvaise (57 %) au-delà de 70 ans ou chez des patients relativement inactifs(2), une dyspnée d’effort pouvant s’observer à cet âge même sans RA. L’échocardiographie d’effort nous semble ainsi particulièrement intéressante dans cette indication. L’examen est réalisé en position semi-couchée sur un cyclo-ergomètre (figure 2). Tous les éléments du test d’effort conventionnel (ECG, pression artérielle) sont recueillis. Des paliers de 3 min/20 W sont utilisés. Figure 2. Déroulement de l’échocardiographie d’effort. Le patient pédale en position semi-couchée. L’ECG et la pression artérielle sont monitorés tout au long de l’exercice. Les données de l’échocardiographie sont recueillies au repos, pendant l’exercice, au pic de l’effort et en récupération précoce. L’examen permet d’abord de mettre en évidence une réponse ventriculaire gauche (VG) anormale à l’exercice, caractérisée par une altération de la FEVG(3) ou de la fonction longitudinale du VG(4) (figure 1). Il faut noter que cette dysfonction VG d’effort s’observe régulièrement en l’absence de maladie coronaire. Cette réponse VG anormale à l’exercice s’accompagne, en règle générale, de symptômes lors du test d’effort ; elle permet donc de relier la survenue de symptômes d’effort peu spécifiques chez le sujet âgé au RA. Une insuffisance mitrale fonctionnelle triviale au repos peut également s’aggraver et devenir modérée à l’effort chez ces patients. Même si elle a été reliée à une moins bonne capacité d’effort, sa place dans la prise en charge thérapeutique reste à définir. Plusieurs études ont démontré l’intérêt de monitorer le gradient moyen transvalvulaire à l’exercice(5). Chez des patients dont les données du test d’effort conventionnel obtenues lors de l’échocardiographie d’effort sont normales (patients « réellement asymptomatiques »), une large augmentation du gradient moyen transvalvulaire (> 20 mmHg) est associée à un sur-risque d’événement lors du suivi (figure 3)(6). L’augmentation du gradient moyen transvalvulaire est probablement le reflet d’une augmentation du volume d’éjection systolique rapide à l’effort sur une valve aortique peu compliante ; une réponse biphasique peut toutefois s’observer, c’est-à-dire une augmentation large du gradient en début d’effort suivie d’une diminution de ce même gradient du fait d’une désadaptation à la postcharge qui altère la fonction VG et diminue le flux transvalvulaire et ainsi le gradient(7). Les relations entre données de l’échocardiographie d’effort et données du test d’effort conventionnel sont présentées dans la figure 4. Notre patient présente à l’exercice une dégradation de la FEVG à l’exercice et le stoppe pour dyspnée à 85 W. La coronarographie est normale. Le patient a bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique. Figure 3. Courbes de Kaplan Meier montrant une augmentation du risque lorsque le gradient moyen transvalvulaire s’élève de plus de 20 mmHg. Figure 4. Schéma physiopathologique supposé de l’évolution de l’histoire naturelle du RA asymptomatique. Au début de l’histoire de la maladie, le gradient moyen transvalvulaire s’élève peu malgré une augmentation du volume d’éjection systolique du fait d’un défaut de compliance valvulaire. La diminution de compliance valvulaire avec le temps s’accompagne d’une large augmentation du gradient transvalvulaire. Puis survient la désadaptation à la postcharge avec réponse ventriculaire gauche anormale chez des patients qui développent, en règle générale, des symptômes d’effort. Mme A.L.C., 75 ans, est adressée par son médecin traitant suite à la découverte d'un souffle systolique. Elle est asymptomatique et ne prend pas de traitement. L’échocardiographie par voie transthoracique retrouve une fonction systolique du VG préservée (FEVG 68 %), une HVG concentrique modérée (masse VG indexée à 99 g/m2) et une sténose aortique modérée (Vmax 3,1 m/s, gradient moyen 28 mmHg, surface 1,1 cm2). Depuis les travaux de Rosenhek, on sait que la sténose aortique modérée n’est pas une maladie bénigne. Le risque semble lié au défaut de suivi de ces patients. Or, certains vont s’avérer être des progresseurs rapides qui évolueront précocement vers un authentique RA serré(8). Nous avons pu montrer qu’en cas de sténose modérée, l’augmentation du gradient moyen transvalvulaire >  20 mmHg s’accompagne (comme dans le RA serré) d’un sur-risque d’évènement (HR)(6). Dans le cas précis, on observe une augmentation du gradient moyen transvalvulaire à l’exercice de 21 mmHg, alors que les données du test d’effort conventionnel étaient strictement normales (figure 5). Au suivi échocardiographique à 1 an (donc anticipé par rapport aux 2 ans préconisés par les recommandations), le RA est maintenant serré (figure 5). La patiente restant asymptomatique, elle bénéficiera d’un suivi rapproché tous les 6 mois, afin d’optimiser le moment de la chirurgie valvulaire. Figure 5. Doppler continu transaortique au repos, au pic de l’effort et au suivi d’un an chez une patiente de 75 ans asymptomatique. L’augmentation large du gradient moyen transvalvulaire chez cette patiente porteuse d’une sténose modérée est associée à une progression rapide de la maladie et au développement d’un RA serré en 1 an. En pratique   Ces 2 cas cliniques mettent en évidence l’utilité de l’échocardiographie d’effort en cas de RA asymptomatique. L’échocardiographie d’effort peut relier une dyspnée d’effort peu claire au RA(9). En cas de test d’effort conventionnel normal chez le sujet jeune et actif, elle aide à optimiser le moment de la prise en charge chirurgicale. Elle permettrait également d’identifier les patients porteurs de RA modérés à potentiel de progression rapide afin de les surveiller plus étroitement. La figure 6 propose une intégration de l’échocardiographie d’effort dans la prise en charge des patients porteurs de RA asymptomatique.   Figure 6. Place potentielle de l’échocardiographie d’effort dans le RA asymptomatique par rapport aux recommandations actuelles de la Société européenne de cardiologie.

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