Échocardiographie
Publié le 10 avr 2012Lecture 8 min
L’échocardiographie en salle de cathétérisme - Un guidage essentiel des procédures
E. BROCHET, M. SORDI, D. MESSIKA ZEITOUN, P. AUBRY, J.-M. JULIARD, D. HIMBERT, A.VAHANIAN, Hôpital Bichat, Paris
L’échocardiographie s’est imposée au cours de ces dernières années comme une technique d’imagerie essentielle au cours des interventions percutanées non coronaires. Déjà utilisée pour la surveillance de certaines interventions structurales comme le cathétérisme transseptal, les fermetures des défects septaux auriculaires ou les dilatations valvulaires mitrales, l’échocardiographie a véritablement pris une place essentielle en salle de cathétérisme avec le développement récent de procédures complexes, notamment valvulaires (TAVI, mise en place de clip mitral, occlusion de fuite paraprothètique) et avec l’essor de nouvelles techniques échographiques comme l’échographie intracardiaque (EIC) et l’échocardiographie transœsophagienne tridimensionnelle temps réel (ETO 3D RT).
Complémentaire des techniques fluoroscopiques et angiographiques, l’échocardiographie permet la visualisation directe des structures anatomiques cardiaques et un guidage plus précis du geste interventionnel. En plus de cet apport pour le guidage et l’optimisation du geste interventionnel, l’échocardiographie joue un rôle essentiel avant la procédure pour la sélection des patients et la planification du geste interventionnel. Elle s’intègre souvent dans une approche d’imagerie multimodalité (échocardiographie, CT scan, IRM), notamment lorsqu’il est nécessaire de confronter les mesures anatomiques (par exemple, anneau aortique pour le TAVI).
Techniques échocardiographiques en salle de cathétérisme
• L’échocardiographie transthoracique (ETT) est la technique la plus simple, immédiatement disponible pour le diagnostic rapide des complications (tamponnade). L’ETT est également utile pour évaluer le résultat de certaines procédures (alcoolisation septale, dilatation mitrale), parfois couplée à l’ETT 3D (dilatation mitrale).
• L’échographie transœsophagienne (ETO) est la technique la plus employée pour le guidage des procédures en salle de cathétérisme en raison de la qualité de ses images et d’une meilleure analyse des structures intracardiaques. L’introduction plus récente de l’imagerie 3D temps réel et de la technologie Xplan, en fait la technique de choix pour les procédures complexes.
Sa limite principale est sa tolérance, qui nécessite le plus souvent une anesthésie générale (AG) avec intubation trachéale (figure 1).
Figure 1. ETO en salle de cathétérisme sous anesthésie générale. Procédure guidée sur les images écho-graphiques.
• L’échographie intracardiaque (EIC) (cathéter ACUNAV (Biosense Webter) a comme principal avantage de ne pas nécessiter d’anesthésie générale. Cette technique utilise un cathéter d’échographie monoplan, introduit par voie veineuse jusque dans l’oreillette droite. Les images échographiques sont de très bonne qualité et très proches de celles de l’ETO, notamment pour la visualisation du septum interauriculaire. Le cathéter peut être mobilisé dans les cavités cardiaques (oreillette droite principalement, ventricule droit) pour obtenir les différentes incidences. La principale limite de l’EIC est son coût (cathéter à usage unique). Il est aussi moins performant que l’ETO pour l’analyse de la valve mitrale et aortique et ne dispose pas à l’heure actuelle d’imagerie 3D temps réel.
Le choix de la technique d’imagerie dépend avant tout des besoins spécifiques de chaque procédure, mais aussi du recours ou non à une anesthésie générale, et des disponibilités locales. L’échographiste réalisant le guidage interventionnel doit bien connaitre les besoins en imagerie de chaque procédure et être capable de choisir et d’utiliser la technique échographique la plus appropriée.
Enfin, il faut souligner l’importance d’un dialogue et d’un langage commun entre échocardiographistes et cardiologues interventionnels (figure 1). Pour une utilisation optimale, les images échographiques doivent être accessibles aux cardiologues interventionnels sur les écrans de visualisation à côté des images de scopie.
Fermeture de FOP et de CIA
(figure 2)
Figure 2. Fermeture percutanée de CIA. CIA en face vue en ETO 3D (a) ; Déploiement de la prothèse dans l’oreillette gauche (b) ; Vue en face de la partie gauche de la prothèse d’AMPLATZ (c).
Le guidage échographique est indispensable au cours des fermetures de CIA (recommandations ACC/AHA et Européennes). Les deux techniques les plus utilisées sont l’ETO (avec l’apport important du 3D RT) et l’EIC.
Les avancées récentes dans ce domaine sont liées à l’utilisation de l’ETO 3D RT qui permet une analyse morphologique beaucoup plus précise que les techniques 2D (ETO ou EIC), grâce aux vues « en face » de la cloison interauriculaire. Cet apport est encore plus important dans les CIA multiples et pour apprécier les dimensions de la CIA, élément important pour le choix de la taille de la prothèse.
La procédure elle-même peut être guidée aussi bien en ETO (3D et biplan) qu’en EIC, permettant de suivre les différentes étapes du déploiement de la prothèse et son positionnement correct.
Cathétérisme transseptal
(figure 3)
Figure 3. Ponction transseptale : « Tenting » du septum en imagerie biplan (a) et en ETO 3D temps réel (b).
Le cathétérisme transseptal (TS) est utilisé pour toutes les procédures interventionnelles nécessitant un abord du cœur gauche (procédures mitrales, occlusion d’auricule ou de fuite paraprothétique, etc.). Le guidage échocardiographique n’est pas systématique, surtout utile en cas de difficulté prévisible à réaliser la ponction septale (déformation thoracique, anomalies anatomiques du septum) ou lorsque la procédure exige un site de ponction très particulier (Mitraclip). L’EIC et l’ETO (2D et 3D) sont les deux techniques les plus utilisées, permettant la visualisation de la déformation « en tente » de la région de la fosse ovale, confirmant ainsi la bonne localisation de la ponction.
Procédures valvulaires
Valvulopastie mitrale percutanée
Cette procédure est généralement réalisée sous contrôle ETT, chez un patient conscient, grâce à la technique de dilatation progressive utilisant le ballon d’Inoue. Le contrôle ETT effectué après chaque inflation permet d’optimiser le résultat et de dépister les complications. L’ETT 3D est très utile pour l’évaluation du degré d’ouverture commissurale. Lorsque la procédure est réalisée sous AG, l’ETO 3D permet un guidage très précis et une évaluation immédiate de l’ouverture commissurale.
Réparation mitrale percutanée
(figure 4)
Parmi les différentes techniques proposées pour réduire la fuite mitrale, la technique du Mitraclip est actuellement la plus utilisée. Son principe est de capturer le bord libre des deux feuillets mitraux à l’aide d’un clip, réalisant ainsi un double orifice mitral (principe de la technique chirurgicale d’Alfieri). Il s’agit d’une procédure complexe, dans laquelle le guidage échographique joue un rôle crucial.
Figure 4. Implantation percutanée de prothèse aortique (TAVI). Positionnement de la prothèse d’Edwards avant implantation en ETO2D (a) ; ETO3D(b) ; Evaluation de la fuite aortique paraprohètique (c).
La procédure est effectuée sous contrôle ETO (biplan et 3D temps réel), permettant le franchissement du septum, le guidage de la navigation du clip dans l’oreillette gauche, l’alignement du clip au niveau de l’orifice mitral, la capture des feuillets et enfin le largage du clip.
Cette procédure illustre parfaitement la nécessitée d’une coopération étroite entre cardiologues interventionnels et échocardiographistes, avec une navigation guidée sur des d’incidences échographiques (2D et 3D) standardisées avec une orientation spatiale prédéfinie.
Occlusion de fuite paraprothétique mitrale
(figure 5)
Également complexes, ces interventions percutanées bénéficient elles aussi de l’imagerie ETO 3D temps réel (2D et couleur), en particulier des vues « en face » de la prothèse mitrale, permettant d’identifier avec précision le siège, le nombre et la géométrie des orifices paraprothétiques. La procédure d’occlusion nécessite ici aussi un cathétérisme transseptal, le franchissement de l’orifice paraprothétique par un guide (également facilité par l’ETO 3D) et le positionnement d’une ou plusieurs prothèses d’occlusion. L’ETO permet également de vérifier le bon positionnement du dispositif d’occlusion ainsi que le résultat sur la fuite paraprothétique.
Figure 5. Procédure de mise en place d’un clip mitral (Mitraclip). Positionnement du clip en mode ETO biplan (a).Orientation du clip perpendiculairement à la ligne de coaptation en ETO3D (b).
Implantation percutanée de prothèse aortique (TAVI)
Le TAVI est la technique interventionnelle valvulaire qui s’est le plus développée ces dernières années, transformant la prise en charge de la sténose aortique serrée chez les patients à haut risque chirurgical. L’échocardiographie, au même titre que les autres techniques d’imagerie (scanner cardiaque), joue un rôle essentiel dans la sélection des patients, notamment par la mesure de l’anneau aortique qui conditionne le choix de la taille de la prothèse implantée.
Si l’ETT est généralement suffisante pour la sélection des patients, l’ETO offre cependant une meilleure qualité d’imagerie, et sera réalisée avant la procédure au moindre doute, en cas d’échogénicité insuffisante en ETT ou lorsque les valeurs de diamètre de l’anneau aortique sont proches des valeurs seuils.
Pendant la procédure, plusieurs modalités d’imagerie échocardiographique sont possibles.
Si le TAVI est réalisé sous anesthésie générale (TAVI fémoral ou par voie transapicale ou sous-clavière), l’ETO est la technique de choix, permettant un guidage précis de la procédure (positionnement de la prothèse) et surtout une évaluation immédiate du résultat (fonctionnement prothétique, présence et importance de jets de fuite paraprothétiques) et un diagnostic rapide en cas de complications.
Avec la miniaturisation des introducteurs artériels, le TAVI fémoral est maintenant le plus souvent réalisé sous anesthésie loco-régionale, ne permettant plus l’utilisation de l’ETO. La surveillance échographique peut alors être réalisée par ETT, souvent suffisante pour le diagnostic des complications ou l’évaluation du résultat final, mais avec une qualité d’imagerie inférieure à l’ETO. Récemment a été proposée l’utilisation de l’EIC au cours du TAVI, permettant un guidage continu avec des performances proches de celles de l’ETO. Cette technique est cependant encore peu utilisée en raison de son coût.
Occlusion de l’auricule gauche
Technique proposée aux patients à haut risque embolique ayant une contre-indication aux anticoagulants, l’occlusion de l’auricule gauche consiste à mettre en place une prothèse occlusive au niveau de l’orifice d’entrée de l’auricule gauche.
Le guidage échographique est ici aussi essentiel, permettant de positionner un guide dans l’auricule gauche, après ponction transseptale, puis de déployer la prothèse sous contrôle écho et fluoroscopique.
L’ETO est la technique la plus employée, permettant des mesures précises des dimensions de l’auricule gauche, éliminant les contre-indications (thrombus, auricule de morphologie non compatible avec l’implantation) et permettant un positionnement précis de la prothèse. L’ETO permet également de s’assurer de la stabilité de la prothèse avant son largage ainsi que l’étude des flux de vidange résiduels paraprothétiques.
Figure 6. Occlusion percutanée de fuite paraprothètique. Vue en face de la prothèse en ETO 3D temps réel. Noter la prothèse d’AMPLATZ déjà mise en place (*) et le passage du guide dans un second orifice paraprothètique.(flèche).
Développements actuels et futurs
La réalisation de procédures valvulaires de plus en plus complexes, l’implantation valve dans valve, valve dans anneau prothétique, les développements attendus dans les techniques d’implantation de prothèses valvulaires au niveau mitral, nécessiteront de plus en plus de performance de l’échographie, avec une place importante pour les techniques 3D temps réel (ETO 3D, échographie intracardiaque 3D (non encore disponible). Pour les procédures réalisées sans anesthésie générale, des alternatives à l’ETO conventionnel se développent comme l’utilisation de micro sondes ETO multiplan, utilisables par voie nasale ou l’utilisation de sondes d’échographie intracardiaque par voie œsophagienne.
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