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Explorations-Imagerie

Publié le 26 juin 2012Lecture 10 min

La tomoscintigraphie myocardique est-elle toujours une technique de référence dans l’insuffisance coronaire ?

P.-Y. MARIE, W. DJABALLAH, G. KARCHER, Service de Médecine Nucléaire, CHU de Nancy, Université de Lorraine, Nancy

D’autres techniques que la tomoscintigraphie de perfusion myocardique (TSM) peuvent aujourd’hui donner des informations à la fois sur la perfusion et la fonction ventriculaires gauches, en particulier l’échocardiographie, l’angioscanner et surtout l’IRM. C’est pourquoi les indications de la TSM vont certainement évoluer. Cependant, la TSM restera très certainement une technique de référence dans l’évaluation de l’insuffisance coronaire.

Cette technique se singularise, non seulement par la précision de l’information donnée sur la répartition de la perfusion ventriculaire gauche, mais aussi par : - sa simplicité de réalisation et d’analyse, - la possibilité d’évaluer en routine la perfusion myocardique d’effort et donc, dans des conditions extrapolables aux stress de la vie courante, - la variété des traceurs et des techniques de stress utilisables, une propriété qui permet d’adapter les modalités de réalisation à chaque patient et pour chaque indication (diagnostic initial, évaluation sous traitement, bilan de viabilité, etc.).   Avec l’arrivée des caméras à semi-conducteur, la TSM vient d’opérer un saut technologique majeur dont on ne mesure pas encore les conséquences. Cette progression pourrait être amplifiée par le développement en cardiologie de nouveaux traceurs d’imagerie moléculaire.   Quel avenir pour la TSM ?   La tomoscintigraphie de perfusion myocardique (TSM) est une technique d’exploration relativement ancienne puisque les premières utilisations cliniques avec le thallium-201 datent des années 70. Comme pour toutes les techniques de médecine nucléaire, les informations obtenues dépendent des propriétés des radiotraceurs utilisés et il s’agit ici de traceurs de la perfusion dont la captation myocardique est proportionnelle au débit de perfusion coronaire. La première utilisation a été celle de la détection des séquelles d’infarctus, après injection de ces radiotraceurs au repos. Très rapidement, il a été montré que ces radiotraceurs pouvaient être aussi injectés dans des conditions de stress, en particulier au décours de l’effort physique. La scintigraphie myocardique est alors devenue une technique de référence pour la détection et l’évaluation, non seulement des séquelles d’infarctus, mais aussi de l’ischémie myocardique, et elle a connu un développement très important en Europe et, surtout, en Amérique du Nord.   Actuellement, il faut reconnaître que le contexte médical a beaucoup changé. L’échographie, l’angioscanner et surtout l’IRM offrent des possibilités d’analyse de la perfusion tissulaire myocardique qui peuvent être associées à des études précises de la fonction de contraction.   Par ailleurs, l’exploration anatomique du réseau coronaire est actuellement possible en IRM et, particulièrement en angioscanner, si bien qu’on peut s’interroger sur la place actuelle et à venir de la TSM. Depuis une trentaine d’années, on observe toujours une augmentation du nombre de TSM réalisées dans le monde, mais ceci ne permet pas de préjuger de ce qui va se passer à plus long terme. La place de la TSM va très certainement évoluer, mais on peut raisonnablement penser qu’elle restera tout à fait significative et ceci, pour deux principales raisons : - la nature très originale de l’information obtenue avec, entre autres, la possibilité d’analyser en routine la perfusion myocardique à l’effort, donc lors d’un stress physiologique et extrapolable aux stress de la vie quotidienne, - les progrès techniques et méthodologiques passés et à venir avec, en particulier, l’essor prévisible de l’imagerie cardiaque TEP et, surtout, l’arrivée actuelle des caméras à semi-conducteurs qui représentent un saut technologique majeur (figure 1).   Figure 1. TSM enregistrée sur une nouvelle caméra à semi-conducteur, permettant d’analyser la perfusion myocardique après un test d’effort. La flèche rouge représente une zone apicale fixant très peu le traceur (99mTc-Sestamibi) et qui est donc mal vascularisée à l’effort. On peut noter que ces nouvelles caméras sont aussi très compactes et peu encombrantes. Évaluation de la perfusion myocardique d’effort   De nombreuses études ont démontré l’importance pronostique des anomalies objectivées en TSM de stress et la complémentarité de ces informations avec celles obtenues par l’angiographie coronaire(1-5).   D’une manière générale, pour une sévérité donnée des anomalies anatomiques coronaires (nombre de troncs coronaires atteints, pourcentages des sténoses, etc.), le pronostic des patients s’avère variable en fonction du retentissement sur la perfusion myocardique de stress.   Le retentissement sur la perfusion d’effort dépend de plusieurs paramètres qui ne sont que peu ou pas accessibles en angiographie, comme : la présence et l’efficacité de la circulation de suppléance(6), la vasoconstriction coronaire d’effort, qui est liée à une dysfonction endothéliale (diminution de la sécrétion de NO, augmentation du tonus alpha adrénergique) et qui joue un rôle essentiel dans l’ischémie liée aux sténoses « intermédiaires »(7,8), et la plus ou moins bonne efficacité des médications antiangineuses prescrites(2).   Ainsi, les ischémies parfois sévères peuvent se voir dans des territoires où les sténoses coronaires sont peu serrées sur une angiographie enregistrée dans les conditions de repos. Inversement, des sténoses angiographiquement sévères peuvent n’entraîner aucune ischémie de stress lorsque la circulation de suppléance est efficace et/ou en raison de l’effet bénéfique de médication anti-ischémique.   Actuellement, seule la TSM permet en routine d’explorer la perfusion myocardique à l’effort, donc dans les conditions d’un stress physiologique et qui soient extrapolables aux stress de la vie quotidienne. L’utilisation d’un agent de stress pharmacologique, tel le dipyridamole ou l’adénosine, permet, certes, d’obtenir des résultats identiques en termes de sensibilité et de spécificité pour détecter les sténoses dites significatives. Cependant, la sévérité des ischémies induites s’avère nettement différente de ce qui est observé à l’effort dans la grande majorité des cas(8).   Figure 2. Exemple de TSM au thallium-201 enregistrée à l’effort (exercice), au repos (réinjection) et après un test pharmacologique (dipyridamole) chez un patient ayant une sténose intermédiaire (60 %) sur la coronaire droite, un angor d’effort typique et d’une épreuve d’effort positive. Lorsque des sténoses de sévérité intermédiaire sont responsables d’une ischémie, cette ischémie est généralement plus importante à l’effort qu’après perfusion de dipyridamole, comme c’est le cas dans cet exemple(8).   L’exercice physique présente aussi l’avantage de pouvoir intégrer l’action anti-ischémique des médications prescrites. En effet, on sait maintenant que les TSM réalisées à l’effort, sans arrêter le traitement antiangineux, sont certes moins sensibles pour détecter les sténoses coronaires, mais qu’elles ont aussi une excellente valeur pronostique(2,3,10). Ainsi, chez les patients coronariens traités par bêtabloquants, la présence d’une TSM d’effort normale ou subnormale est prédictive d’un excellent pronostic à long terme (figure 3) alors que, dans ces conditions, on ne peut généralement pas atteindre les 85 % de la fréquence maximale théorique(3). Une telle information ne peut pas être obtenue avec le dipyridamole ou l’adénosine. Ces agents pharmacologiques pourraient alors dépister des anomalies de la réserve coronaire qui sont réelles, mais ne correspondent pas à une réelle ischémie résiduelle sous traitement.   Figure 3. Courbes de survie en fonction des résultats de TSM d’effort réalisées sous traitement chez 442 patients qui prenaient des bêtabloquants. Le pronostic est particulièrement bon lorsqu’il n’y a pas d’ischémie résiduelle ou de séquelle étendue d’infarctus en TSM (> 20 % du volume ventriculaire gauche)(3). Progrès techniques et technologiques   L’examen de TSM d’effort, tel qu’il est réalisé aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec celui réalisé il y a 20 ans. Cette évolution technologique est probablement assez proche de ce qui a été observé pendant la même période pour l’échographie, mais le monde cardiologique s’en est moins rendu compte.   Une première évolution majeure a été, dans les années 80, l’apparition des techniques tomographiques d’acquisition en 3 dimensions. Dans un deuxième temps, sont apparus les traceurs marqués par le technétium-99m (Sestamibi, Tetrofosmine) qui ont permis, comparativement au thallium-201, des gains tout à fait significatifs en termes de qualité d’image (diminution de la fréquence des artefacts) et de dosimétrie (la dose absorbée par les patients est presque 3 fois plus faible).   Surtout, l’accroissement du signal détecté a permis l’enregistrement en mode cinéma ; il s’agit de la technique de « gated-SPECT », qui offre une analyse combinée de la perfusion et de la fonction ventriculaires gauches(9-13). L’apparition de cette technique a eu un impact majeur puisqu’elle a permis d’améliorer les performances de la TSM dans toutes les indications de cet examen : - identification des patients coronariens (meilleure spécificité)(10), - évaluation de la sévérité des anomalies de perfusion et l’information pronostique qui en découle (meilleure identification des patients à risque de décès cardiaque)(10-12), - évaluation des séquelles d’infarctus et de la viabilité myocardique(13).   En outre, les procédures de réalisation et d’analyse des examens se sont beaucoup harmonisées mais aussi automatisées avec des logiciels d’analyse spécifiques(14). C’est pourquoi la TSM a aussi beaucoup gagné en robustesse et reproductibilité, ainsi qu’en facilité de réalisation et d’interprétation. De nouveaux logiciels permettent aussi de fusionner les images de TSM à celles de l’anatomie coronaire en angioscanner et ainsi d’identifier précisément les artères responsables des anomalies de perfusion (figure 4). Dans l’avenir, les techniques d’investigation optimales seront probablement celles qui permettront d’associer une information anatomique précise sur les localisations et les sévérités des sténoses coronaires à une information complémentaire sur le retentissement de ces lésions anatomiques et sur leurs impacts fonctionnels et pronostiques.   Figure 4. Angioscanner coronaire montrant une sténose de l’artère interventriculaire antérieure (flèche rouge) et dont les images sont superposées à celles des TSM (image de fusion sur le côté droit) pour mettre en évidence les conséquences fonctionnelles de cette sténose : une diminution de la perfusion d’effort dans une vaste région antéro-apicale (tache verte sur l’image de fusion).   Cependant, c’est très certainement l’arrivée de caméras à semi-conducteurs CZT qui constitue la plus importante évolution technologique(15-20).   Jusqu’à présent, les caméras de médecine nucléaire étaient basées sur un système de détecteur à scintillation dont les performances étaient intrinsèquement limitées. Ces performances sont, en revanche, spectaculairement améliorées avec les caméras CZT. Il s’agit en particulier de la sensibilité de détection, qui représente le pourcentage de l’activité myocardique pouvant être détectée et qui est augmentée d’un facteur 6 à 10 par rapport aux caméras conventionnelles.   Ceci permet de diminuer de manière drastique les activités injectées ainsi que les temps d’enregistrement(15-18).   Dans ces conditions, les doses absorbées par les patients peuvent être très faibles : de l’ordre de 3 mSv pour les doses équivalentes des examens effort-repos réalisés avec un traceur marqué par le technétium-99m (Sestamibi ou Tétrofosmine) et un seul mSv si l’acquisition d’effort est normale et qu’il n’y a donc pas besoin d’effectuer une 2e acquisition au repos(18).   Avec les caméras CZT, la résolution spatiale est améliorée d’un facteur 2 par rapport aux caméras conventionnelles. Ceci permet d’atteindre des valeurs de l’ordre de 5 à 7 mm et qui sont assez proches de celles obtenues en tomographie par émission de positons (TEP). Le rapport signal/bruit est lui aussi très nettement augmenté (figure 5), ce qui s’explique par la très bonne résolution en énergie des détecteurs à semi-conducteurs.   Figure 5. Exemple de TSM réalisées avec une caméra conventionnelle puis avec une caméra à semi-conducteur CZT après injection de Sestamibi chez un sujet obèse avec antécédents d’infarctus. Le rapport signal/bruit est nettement amélioré avec la caméra CZT et ce, malgré un temps d’enregistrement beaucoup plus court (4 min vs 10 min).   L’amélioration de la résolution en énergie permet aussi d’enregistrer plusieurs traceurs dans le même temps. Il s’agit par exemple de l’enregistrement simultané du thallium-201 et d’un traceur marqué par le technétium-99m (Sestamibi ou Tétrofosmine), l’un étant injecté au repos, juste avant le début de l’effort, et l’autre au maximum de l’effort(19,20). Une autre utilisation possible est d’associer l’enregistrement myocardique d’un de ces traceurs de perfusion à d’autres types de traceurs tels que la MIBG marquée par l’iode-123 qui permet d’analyser la répartition de l’activité sympathique myocardique.   Enfin, dans l’avenir, l’évolution des techniques de cardiologie nucléaire sera aussi marquée par l’arrivée de nouveaux traceurs, en particulier ceux développés pour l’imagerie TEP. Il s’agit, par exemple, de traceurs de perfusion avec lesquels il est possible de mesurer le débit coronaire et la réserve coronaire, des informations qui ne peuvent pas être obtenues facilement en TSM. C’est le cas du rubidium-82(21), qui fera bientôt l’objet d’une étude multicentrique en France, et surtout de nouveaux traceurs marqués par le fluor-18 qui sont particulièrement prometteurs.   Cependant, l’imagerie TEP est avant tout une imagerie métabolique avec aujourd’hui une utilisation intensive du 18F-fluorodésoxyglucose (FDG), essentiellement pour des indications oncologiques, neurologiques ou infectieuses. Cependant, en cardiologie, le FDG reste encore un traceur de référence pour l’évaluation de la viabilité myocardique(22). Surtout, d’autres traceurs métaboliques TEP sont en cours de développement. Il s’agit en particulier de marqueurs de l’angiogenèse, de l’apoptose, de l’inflammation ou de l’activité protéasique, qui auraient vocation à être très largement utilisés.

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