Publié le 11 sep 2012Lecture 5 min
Quelles valves pour quels patients ?
M. DEKER
APPAC
Le nombre de remplacements valvulaires aortiques augmente chaque année, la part des prothèses mécaniques diminuant au profit des bioprothèses. L’éventail des options thérapeutiques s’est encore élargi avec les TAVI et les valves sutureless devraient apporter une solution intéressante dans certaines indications.
État des lieux et perspectives
La chirurgie traditionnelle garde une place prépondérante et a notablement progressé, à tous les niveaux de la prise en charge. Deux grandes séries en constituent les standards : celle de la Mayo Clinic avec une mortalité de 2,4 % ; celle d’Epicard qui collige toutes les procédures de chirurgie cardiaque en France, avec un taux de mortalité de 3,1 %. La durabilité des bioprothèses, qui repose sur des séries de plus de 25 ans de suivi, est bien établie avec des taux de réinterventions < 2 % chez des patients implantés après 65 ans ; elle est équivalente pour les bioprothèses porcines et péricardiques. Elle a conduit à imaginer la possibilité d’implanter des prothèses chez des patients de plus en plus jeunes avec l’arrière-pensée d’implanter une valve percutanée dans les prothèses défaillantes. Bien que cette technique ait démontré sa faisabilité, les contre-indications sont nombreuses et les difficultés technique réelles, aboutissant parfois à d’authentiques mismatches avec des gradients élevés.
Les résultats du TAVI sont équivalents à ceux de la chirurgie traditionnelle chez les patients à haut risque, comme le confirme le registre SOURCE XT, avec des taux de mortalité opératoire de 6,3 % ; ses complications sont connues (d’ordre vasculaire, neurologique et pose de pacemaker). Le taux de mortalité supérieur avec la voie transapicale comparativement à la voie fémorale dans l’étude PARTNER. Les résultats de la Corevalve dans l’étude ADVANCE chez plus de 1 000 patients sont comparables à ceux des autres valves pour la mortalité. Outre les complications neurologiques (AVC 3,3 %), les fuites paravalvulaires ont aussi un impact sur la survie (Tamburino et al. Circulation 2011 ; 123 : 299). Chez les patients à bas risque, il n’est pas raisonnable d’envisager un TAVI dont le taux de mortalité est supérieur à celui de la chirurgie conventionnelle, comme le montre l’expérience allemande (Walther T et al. PCR Valve, 2011).
Enfin, la valvuloplastie au ballon garde une place, en attente de remplacement de valve par chirurgie ou TAVI.
Les améliorations devraient porter sur les complications : meilleure stratégie d’anticoagulation ou mise en place de filtres, amélioration des introducteurs, traitement des fuites paravalvulaires via le progrès des prothèses valvulaires.
Approche mini-invasive grâce à la valve 3f Enable
Une nouvelle valve sutureless 3f Enable, de design tubulaire, habillée d’une structure en nitinol, ouvre d’autres perspectives. Elle dispose d’une surface de coaptation assez haute (> 7 mm) et c’est la force radiale qui permet de plaquer la valve à l’anneau aortique, ce qui permet une intervention très rapide, sans nécessiter de points d’ancrage réalisés à la main. Une étude réalisée pour le marquage CE a montré de bonnes performances hémodynamiques avec cette valve (Eur J Cardiovasc Surg 2011 ; 40 : 749-55). Son implantation peut être réalisée par mini-sternotomie, voire sans sternotomie, sous contrôle ETO et CEC avec drainage veineux. Le temps de clampage est ainsi plus court. Outre son application à la chirurgie mini-invasive, cette valve sans suture permet d’élargir les indications, notamment à des culots aortiques hypercalcifiés ou au remplacement de bioprothèses dégénérées de petite taille.
Actualités du TAVI
La seule indication ouvrant droit au remboursement du TAVI est le rétrécissement aortique calcifié (RAC) dégénératif, sévère et symptomatique chez un patient à haut risque, contre-indiqué pour la chirurgie. Toutes les autres indications sont off label.
Parmi les indications compassionnelles, la première est la dysfonction de bioprothèse chirurgicale chez un patient à haut risque de réintervention. Du fait de son caractère supraannulaire, la CoreValve est bien adaptée pour une implantation valve-in-valve. Une première série de 10 patients montre un succès procédural de 100 % permettant l’obtention de gradients très proches de ceux des prothèses mini-invasives et de très faibles fuites périprothétiques (Descoutures F et al. Circ Cardiovasc Interv 2011 ; 4 : 488-94). Un registre international Valvein-Valve a été ouvert depuis quelques mois, qui regroupe 420 patients porteurs de prothèses sténosantes, régurgitantes ou les deux. Bien que la dilatation au ballon des valves prothétiques est contre-indiquée en raison du risque de fracture des feuillets et d’embolisation systémique, un tiers environ des patients ont été prédilatés, qu’ils soient porteurs de valves sténosés ou sténosées-régurgitantes, mais aussi simplement régurgitantes. Ce registre objective un taux important de malpositions de la prothèse initiale (10-15 %), pouvant s’expliquer par la radiotransparence de certaines prothèses, ainsi qu’une grande disparité du risque d’occlusion coronaire aiguë selon la bioprothèse implantée, les valves stentless étant plus souvent associées à cette complication. Les résultats hémodynamiques varient également en fonction de la prothèse implantée. À cet égard, la CoreValve donne des gradients acceptables pour une taille de l’anneau comprise entre 16 et 25 mm ; en effet, la surface fonctionnelle de la CoreValve est indépendante de la taille de la prothèse implantée, grâce à sa position supra-annulaire. A contrario, la surface orificielle de la valve Sapien est fonction de la taille de la prothèse implantée et d’autant plus médiocre que cette dernière est de petite taille.
Une deuxième indication inhabituelle concerne les bicuspidies, encore considérées comme une contre-indication du TAVI en raison des risques de mauvais déploiement de la prothèse, de distorsion des feuillets et de régurgitation. Le seul registre connu est l’étude de J.G. Webb (JACC Cardiovasc Interv 2010 ; 3 : 1222-5), colligeant 11 cas, avec des résultats mitigés (2 cas de fuite paraprothétique importante et 2 cas de dysfonction prothétique). La CoreValve permettrait de meilleurs résultats fonctionnels et un meilleur ancrage, et moins de risque de traumatisme de l’anneau aortique. Les résultats de l’équipe de Bichat sur 17 patients implantés ayant une bicuspidie massivement calcifiée, montrent 16 succès, une seule fuite paraprothétique grade 2+, 1 décès et à distance une complication grave. La CoreValve épouse l’anatomie de la valve aortique et sa position supra-annulaire permet de récupérer une fonction et une morphologie quasi circulaire de l’anneau. Dans un registre multicentrique sur 30 patients, il a souvent été nécessaire d’implanter 2 valves, faute d’ancrage correct de la prothèse et les fuites périprothétiques ne sont pas négligeables.
Dernière indication des TAVI, les RAC dégénératifs sévères symptomatiques chez des patients à risque intermédiaire. En faveur de cette option thérapeutique, les meilleurs résultats du TAVI comparativement aux patients à haut risque et sa non-infériorité par rapport aux valves chirurgicales, outre la meilleure récupération ventriculaire gauche et le coût moins élevé. Cependant, avant d’envisager une telle option, il faudrait que l’incidence des complications diminue (vasculaires, et régurgitations prothétiques notamment). L’étude de non-infériorité SURTAVI, qui inclura des patients âgés de ≥ 70 ans avec sténose aortique sévère (STS de ≥ 4 à < 8), devrait permettre de comparer le TAVI à la chirurgie conventionnelle en termes de mortalité, AVC majeurs, sur un suivi de 5 ans. Dans les indications off label, le TAVI peut être proposé au cas par cas en l’absence d’alternative, avec de bons résultats immédiats. La CoreValve devrait offrir des avantages pour les procédures valve-in-valve et c’est la seule solution pour les régurgitations aortiques de la valve native.
D’après une session APPAC avec la participation de B. Marcheix, Toulouse, M. Vola, St Etienne, et D. Himbert, Paris.
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