Publié le 13 nov 2012Lecture 5 min
Œdèmes des membres inférieurs sous amlodipine : effets de l’addition de valsartan ou d’olmésartan chez des patients hypertendus(1)
M. JOBBE-DUVAL, Neuilly-Sur-Seine
Les associations thérapeutiques fixes sont de plus en plus souvent utilisées dans l’hypertension artérielle
L’une d’entre elle associe l’amlodipine et un inhibiteur du système rénine angiotensine. Depuis l’étude ACCOMPLISH(2), nous connaissons l’intérêt d’une telle association en deuxième intention dans le traitement de l’HTA. Cependant un frein important à cette prescription est le risque d’œdème des membres inférieurs induit par l’amlodipine, en particulier à 10 mg/jour. Cet œdème est lié à une dilatation des artérioles pré capillaires entrainant une fuite de liquide dans l’espace interstitiel. Dans les études cliniques, l’association avec un inhibiteur du système rénine angiotensine permet d’atténuer la fréquence de ces œdèmes par augmentation de la capacitance veineuse, en aval donc, du capillaire. Cela diminue d’autant le gradient intracapillaire et donc la fuite liquidienne vers l’interstitium.
Dans une étude précédente, il avait été démontré que l’adjonction du valsartan à l’amlodipine permettait de diminuer de 70 % le volume des œdèmes des chevilles et des pieds chez des patients traités par amlodipine(3).
En utilisant une mesure simple mais hautement fiable de la réduction de ces œdèmes, il était donc intéressant de savoir si ces associations actuellement à notre disposition sont comparables, aussi bien en termes d’efficacité que de tolérance chez les patients hypertendus traités au long cours.
L’équipe de R. Fogari a donc comparé deux antagonistes de l’angiotensine II, le valsartan et l’olmésartan, ajoutés à un traitement par amlodipine chez des patients hypertendus non contrôlés par l’amlodipine seule.
Population étudiée
Le critère d’inclusion était des patients hypertendus âgés de 30 à 75 ans ayant une HTA non compliquée de grade I et II (PAD comprise entre 90 et 100 mmHg et une PAS > 140 mmHg) après 4 semaines de placebo. Ont été exclus les patients ayant une pathologie avérée : cardiaque, rénale, hépatique, hématologique ou endocrinienne. De même, les patients nécessitant un traitement par statine n’ont pas été inclus car l’on sait que cette classe thérapeutique augmente la réponse veino-constrictive à l’angiotensine II. Les patientes sous contraception orale, qui augmente la rétention hydrique, ont également été exclues.
Les patients inclus ont reçu de l’amlodipine à 10 mg/j en une prise pendant 4 semaines. Au terme de cette période, les patients non répondeurs (PAS > 140 mmHg et/ou PAD > 90 mmHg) ont été randomisés pour recevoir 160 mg de valsartan ou bien 20 mg d’olmésartan en association avec l’amlodipine. Après quatre semaines s’effectuait un cross-over avec une période de wash-out de quatre semaines entre les deux associations. Les patients étaient vus avant l’inclusion et à la fin de chaque période. À chaque visite, on mesurait la PA, la fréquence cardiaque, les variations du volume des œdèmes avec, en outre, un dosage de la norépinéphrine et de l’activité rénine plasmatique.
Comment mesurer les variations des œdèmes sous traitement ?
La technique la plus simple reste la plus sûre : on tient compte du volume d’eau déplacé. Après avoir rempli une cuve avec 15 litres d’eau maximum et marqué le niveau, on assoit le patient sur une chaise ajustable permettant de maintenir les jambes à la verticale. On mesure ainsi le volume d’eau déplacé qui est immédiatement calculé. Après avoir séché soigneusement les jambes, on réitère le test à trois reprises en moins de cinq minutes, puis on établit une moyenne. Cette technique très simple est efficace puisque le coefficient de variation n’est que de 0,30 % (figure 1).
Figure 1. Perspex Water Bat
Résultats
La population suivie était des hypertendus se présentant à la consultation de la Clinique d’Hypertension à Pavie. Sur 80 patients éligibles, 74 ont pu être inclus à la fin de la période de wash-out (35 hommes et 39 femmes). À la fin de la période sous amlodipine, 50 d’entre eux n’avaient pas atteint les objectifs tensionnels et ont donc été randomisés. À la fin de l’étude, seuls 47 patients répondaient à tous les items.
Les chiffres tensionnels ont baissé significativement avec les deux associations par rapport à l’amlodipine seule :
- La baisse moyenne de la PAS a été de 26,4 mmHg avec V+A et de 24,4 mmHg avec O+A (les deux : p < 0,01 versus A) ;
- La baisse moyenne de la PAD a été de 20,8 mmHg avec V+A et de 19,1 mmHg avec O+A (les deux : p < 0,01 versus A).
Même si l’on pouvait s’attendre raisonnablement à ce qu’une bithérapie soit supérieure à une monothérapie antihypertensive, il était cependant moins évident que la différence entre les deux associations V+A et O+A atteigne la significativité en faveur du valsartan par rapport à l’olmésartan (p < 0,05 tant sur la PAS que sur la PAD). Rappelons que les prises tensionnelles étaient effectuées de manière automatique par un appareil OMRON en prenant comme bras celui présentant la PAS la plus haute (tableau).
Les œdèmes ont très significativement augmenté sous amlodipine 10 mg seule, par rapport à l’entrée dans l’étude (+ 24 % ; p < 0,001). Par contre, comme cela était attendu, les associations V+A et O+A ont permis une réduction significative de ces œdèmes. Ainsi, par rapport aux données de base, l’augmentation des œdèmes n’était plus que de 9,8 % avec V+A et de 16,7 % avec O+A. La différence est significative entre les deux types d’associations en faveur de l’association avec le valsartan (p < 0,05) (figure 2).
Figure 2. Variations du rapport cheville/pied avec l’amlodipine, et avec les association d’amlodipine + olmesartan ou valsartan. Le trait épais représente la médiane et les deux traits inférieurs et supérieurs du rectangle représentent les variations standard. Les traits fins représentent les limites supérieures et inférieures des modifications.
Pourquoi cette différence sur l’apparition des œdèmes ?
On peut évoquer une différence d’efficacité tensionnelle : certes, la baisse tensionnelle est plus importante avec les deux associations par rapport à l’amlodipine seule, mais on note que l’association V+A, la première mise à la disposition des praticiens, se révèle supérieure à l’association O+A.
En pratique
À efficacité tensionnelle sensiblement égale, il semblerait que les associations faisant intervenir un antagoniste de l’angiotensine II et l’amlodipine ne soient pas comparables en termes d’effets secondaires à long terme, et plus particulièrement sur les œdèmes des membres inférieurs. Globalement cette étude montre que l’association valsartan/amlodipine 160/10 entraîne moins de 10 % d’OMI alors que près de 25 % des patients sous amlodipine seule ont des œdèmes sans oublier que cette association permet un gain d’efficacité antihypertensive dans cette étude. La raison semble être une différence du degré d’activation du SRAA plus importante avec l’olmésartan qu’avec le valsartan dans cette étude. Cela doit cependant être confirmé par d’autres essais.
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