Publié le 20 nov 2012Lecture 6 min
L'arrêt cardiaque - La prise en charge d’un ACEH
D. JOST, V. LANOË, J.-P. TOURTIER, L. DOMANSKI (BSPP ; Centre d’Epidémiologie et de Santé Publique des Armées, Saint-Mandé ; CEMS)
Les premières minutes : « Alerter–Masser–Défibriller »
Les premières minutes : « Alerter–Masser–Défibriller »
Ce sont les trois maîtres mots inspirés de la chaîne de survie et préconisés par la Fédération Française de Cardiologie pour la prise en charge initiale des AC extra-hospitaliers[25]. Donner l’alerte nécessite cependant un préalable : que le témoin sache reconnaître un AC. Cette reconnaissance repose pour les non-professionnels de santé sur l’association d’un état d’inconscience et d’une anormalité ventilatoire (pas forcément d’un arrêt ventilatoire), deux signes cliniques apparemment faciles à appréhender. Leur présence doit suffire à alerter les secours et démarrer un massage cardiaque externe (MCE)[26].Les professionnels de santé sont quant à eux assujettis à une action préalable supplémentaire qui est la recherche d’un pouls palpable. L’observation de ces consignes sur le terrain suggère plusieurs remarques.
En premier lieu, au cours de la recherche du pouls, il existe un certain nombre de « faux positifs » même pour les professionnels de santé. Le risque de ne pas démarrer un MCE pourtant nécessaire est bien réel, toutes catégories de témoins confondus[26]. Le second point concerne l’évaluation du statut ventilatoire : la présence de gasps trompe le témoin et l’incite à ne pas démarrer spontanément les compressions thoraciques[27]. Enfin le troisième point concerne l’évaluation du statut neurologique : pour environ 5 % des AC l’expression clinique initiale dominante est une crise convulsive généralisée, témoin d’une souffrance cérébrale.
Trois raisons qui peuvent chacune faire retarder le démarrage du MCE.
Le médecin responsable d’un centre de réception des appels doit donc former ses personnels et mettre à leur disposition un algorithme décisionnel pour améliorer la détection d’un ACEH par téléphone et guider l’alertant dans la réalisation des compressions thoraciques[26]. La qualité de celles-ci conditionne le pronostic immédiat de la victime[28], leur fréquence et leur profondeur faisant l’objet de recommandations précises[26].
Davantage de MCE et moins d’interruption des compressions juste avant et après le choc électrique externe (CEE) sont également des facteurs de bon pronostic[29]. Par contre, le risque de récidive de FV semble d’autant plus élevé que la reprise du MCE après le CEE est précoce[30]. Mais n’oublions pas de rester simple : « massons, le plus fort et le plus vite possible », et n’ayons pas peur des fractures de côtes chez une victime d’un ACEH.
Si les défibrillateurs ont largement intégré l’esprit du grand public, leur utilisation souffre encore d’un manque de synchronisation avec l’action humaine. Les algorithmes des défibrillateurs laissent certes la place belle au MCE et limitent le temps consacré à la recherche du pouls, mais le bon « dosage » entre quantité de MCE administré et nombre de CEE délivrés reste encore à déterminer. En attendant les résultats d’un certain nombre d’études, les recommandations 2010 permettent à tous d’appliquer des gestes qui permettent de sauver des vies au quotidien quand ils sont réalisés de façon la plus systématique possible[31].
Réanimation spécialisée et perspectives dans l’ACEH
L. Lamhaut, M. Soldan, O. Garcia, P. Carli (Hôpital Necker ; Inserm U970 ; CEMS)
La réanimation spécialisée ou médicalisée suit des recommandations internationales déclinées au niveau de chaque continent puis au niveau national. Les recommandations sont ré-actualisées tous les 5 ans après un processus scientifique rigoureux.
Les recommandations
Émises en 2010, elles soulignent l’importance d’une réanimation précoce de qualité[31]. Cette réanimation ne doit pas négliger les points essentiels que sont le massage cardiaque correct, avec une profondeur et un rythme adapté, une défibrillation précoce à l’aide de défibrillateurs automatisés même en milieu hospitalier. Ces « gestes de base » vont être associés à une prise en charge des voies aériennes supérieures adaptées (en France par une intubation orotrachéale), la mise en place d’une voie d’accès (intra-veineuse ou osseuse) et l’administration de médicaments (figure 5). Le but de cette prise en charge est la restauration d’une hémodynamique efficace. Cette dernière intervient dans environ un tiers des cas.
Figure 5. Algorithme de la prise en charge spécialisée 2010 adapté par le Comité Français de Réanimation Cardio-pulmonaire (CFRC).
En cas de Reprise d’Activité Cardiaque Spontanée (RACS), la prise en charge du syndrome post-arrêt cardiaque, doit être immédiate dès la phase pré-hospitalière. Elle comprend l’orientation dans une filière de soins appropriée pour le diagnostic (coronarographie/scanner, etc.) et la thérapeutique (réanimation spécialisée, chirurgie cardiaque pour une mise en place éventuelle d’une assistance cardiaque, etc.). Le but de cette prise en charge est principalement de diminuer les lésions secondaires d’ischémie-reperfusion suite au RACS. Outre la suppléance classique d’organes, l’hypothermie modérée thérapeutique est au centre du traitement neuroprotecteur et doit être la plus précoce possible, grâce à l’injection de sérum physiologique glacé ou la mise en place de glace. Celle-ci permet une amélioration significative du pronostic neurologique.
L’une des nouveautés des dernières recommandations est la prévention des lésions d’ischémie reperfusion dès la phase pré-hospitalière.
Actuellement, il n’est pas possible de prédire précocement chez les patients en post-RACS leur devenir neurologique. Seul un tiers des patients sortent vivants de l’hôpital après un RACS, un tiers décédant des suites des lésions neurologiques, un tiers de cause hémodynamique. Plusieurs axes de recherches cherchent actuellement à diminuer les lésions d’ischémie-reperfusion (médicamenteuse-EPO, hypothermie pré-RACS, etc.).
3 phases successives
Les différentes séquences de la prise en charge de l’AC tiennent compte de « l’histoire naturelle » de cette pathologie. Depuis 2002, il est identifié une succession de trois phases dans l’AC succédant un trouble du rythme [32]. La première phase est « électrique », la délivrance d’un choc électrique externe est la priorité. Cette phase dure environ 4 min. Ensuite arrive une phase dite « circulatoire ». Pendant cette période, le myocarde a besoin d’un apport en oxygène afin de favoriser la fabrication d’ATP pour faciliter l’action du choc électrique. Durant cette phase un massage cardiaque externe de qualité est indispensable. Après cette phase circulatoire s’installe une phase « métabolique ». Elle correspond à l’apparition de lésions cellulaires suite à l’ischémie.
L’arrêt cardiaque réfractaire
Récemment une réflexion sur la prise en charge de ces patients est apparue. L’AC réfractaire se définit par l’échec d’une réanimation spécialisée pendant 20 à 30 min. Classiquement, à ce stade il n’existait plus de possibilité thérapeutique pour la plupart des patients qui étaient soit déclarés mort, soit inclus dans le protocole de donneur d’organes à cœur arrêté. Cette réflexion a été rendue possible par les retours d’expérience, et des certaines améliorations technologiques (possibilité de massage cardiaque automatisé autorisant le transport de patient en AC). Récemment des équipes ont eu une expérience favorable sur la prise d’AC intra hospitalier ou sur des patients avec une neuroprotection importante (Intoxication – Hypothermie) grâce à l’assistance circulatoire externe (Extra Corporal Life Support – ECLS)[33-34]. Cette assistance permet de passer le cap jusqu’à la correction du facteur déclenchant.
C’est ainsi que l’on différencie actuellement lors d’un ACEH le problème étiologique de la problématique des lésions cérébrales.
En France des recommandations d’experts ont défini les patients pouvant bénéficier de ce type de thérapeutique de sauvetage extrêmement lourde techniquement et financièrement[35]. Les premiers résultats français concernant les ACEH réfractaires sont mitigés, avec des taux de survie de 4 %[36]. Ce faible taux est probablement à mettre en relation avec le temps trop long pour accéder à la technique. Ceci pousse des équipes à travailler pour réduire le temps de prise en charge hospitalière ou en amenant l’ECLS au lit du malade[37].
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