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Cardiologie générale

Publié le 15 juin 2004Lecture 7 min

Actualité subjective de la cardiologie

E. FERRARI, CHU de Nice

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Faire opérer les carotides sténosées après un accident ischémique cérébral, oui… mais certains en tirent plus de bénéfice que d’autres L’étude européenne ECST (European Carotid Surgery Trial) et l’étude américaine NASCET (North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial) ont conclu qu’il y a un bénéfice à faire opérer les sténoses carotidiennes > 50 % lorsqu’elles sont symptomatiques. Le groupe Carotid Endarterectomy Trialists a voulu savoir si le bénéfice attendu devait être modulé en fonction de certaines caractéristiques. Les résultats portant sur les 5 893 patients des deux études ont été repris. Les conclusions sont très intéressantes. Trois critères renforcent le bénéfice de l’endartériectomie carotide : l’âge > 75 ans, le sexe masculin, le fait de traiter la sténose dans les 15 jours après l’accident ischémique cérébral. Si l’on calcule le nombre de patients à traiter pour éviter un AVC dans les 5 ans qui suivent la chirurgie : il est de 9 pour les hommes contre 36 pour les femmes, 5 pour les sujets de 75 ans ou plus contre 18 chez les moins de 65 ans. La différence majeure concerne le délai après l’accident ischémique cérébral. Il « suffit de » traiter 5 patients pour éviter un AVC ipsilatéral si la chirurgie se fait dans les 2 semaines, alors que 125 patients devront être opérés si l’on attend 12 semaines. En revanche, et contrairement à ce que l’on pouvait croire : l’aspect « ulcéré » de la plaque et la présence d’un diabète ne sont pas des caractéristiques qui augmentent le bénéfice de la chirurgie.   Pas d’exploration pour dépister une coronaropathie chez les sujets asymptomatiques à faible risque           La Task Force américaine sur la prévention recommande fortement... de ne pas faire en routine d’ECG, de test d’effort ou de scanner à la recherche de calcifications ou de sténoses coronaires chez les patients à faible risque de coronaropathie. Il n’est pas tout de disposer d’outils de dépistage, il faut en effet évaluer leur fiabilité, les risques de faux positifs, donc de faux diagnostics et donc de mauvaises indications thérapeutiques. Ces dernières pourraient être délétères avec, in fine, un rapport bénéfice/inconvénients qui peut aller dans le mauvais sens. Cette règle ne vaut pas que pour cette indication particulière. Elle se doit d’être appliquée en toutes situations, en particulier, dans une spécialité comme la nôtre où les moyens diagnostiques et thérapeutiques évoluent très vite, parfois avant que la démonstration de leur utilité ne soit établie.     Auscultez les patients parkinsoniens et sachez faire le rapport entre une valvulopathie sténosante et le traitement antiparkinsonien           On se souvient des valvulopathies engendrées par les anorexigènes, qui faisaient suite d’ailleurs aux HTAP induites par la même famille de médicaments. Il pourrait en être de même avec certains traitements du Parkinson. En effet, le pergolide, un agoniste dopaminergique, pourrait être à l’origine de sténoses valvulaires. Des cas isolés avaient déjà été rapportés. Une équipe belge a publié dans le Lancet les résultats d’une étude cas-témoins qui a comparé les échocardiographies de 78 parkinsoniens traités par le pergolide à celles de 18 autres qui n’ont jamais été traités. L’incidence de sténoses mitrales ou aortiques est de 33 % dans le groupe pergolide vs 0 dans le groupe n’ayant jamais pris ce type de traitement. Il existe une relation entre la dose du médicament et le degré de sténose valvulaire. Les pressions pulmonaires sont très significativement plus élevées chez les patients ayant pris le dérivé de l’ergotamine. Enfin, une régression de la valvulopathie paraît possible, puisqu’elle est observée chez au moins 2 patients sur 6 après arrêt du traitement. En résumé, quand ce type de problème est suspecté, il faut demander au neurologue de « switcher » un agoniste dopaminergique dérivé de l’ergot contre un autre non dérivé de l’ergot.     Il faut relativiser la présence d’une mutation du facteur V avant d’effrayer les porteurs sains           La présence d’une mutation du facteur V — appelée facteur V Leyden qui s’exprime par une résistance à la protéine C activée, un anticoagulant physiologique — est connue depuis près de 15 ans. Cette anomalie est la principale thrombophilie retrouvée lorsqu’un bilan biologique à la recherche d’une cause favorisante de thrombose est pratiqué. Pour autant, il est nécessaire de « mesurer » le risque chez ces sujets. En l’occurrence, le risque de TVP/EP chez les porteurs hétérozygotes (la très grande majorité) est multiplié par 3. Le risque chez les homozygotes est multiplié par 18. Ces chiffres peuvent sembler importants, ils sont toutefois beaucoup plus faibles que les premiers risques relatifs publiés (x 7 pour les hétérozygotes). Surtout, si l’on parle en risque absolu, le risque de survenue d’une TVP/EP est de 1 % sur 10 ans chez les hétérozygotes et de 3 % parmi les homozygotes lorsque ces porteurs ont moins de 40 ans et pas d’autres risques associés. Il passe à 10 % chez les hétérozygotes et à 51 % chez les homozygotes qui fument, qui sont obèses et ont plus de 60 ans. Autrement dit, comme l’avaient déjà largement suggéré d’autres résultats, les risques acquis sont largement plus importants que les risques « congénitaux », en particulier la présence d’une thrombophilie.     Thrombose veineuse bilatérale : une probabilité plus forte de cancer infraclinique sous-jacent           On sait qu’une thrombose veineuse (ou une embolie pulmonaire) peut être la première expression d’un cancer encore infraclinique. On sait aussi que la découverte d’un cancer lors d’une complication thromboembolique est associée à un plus sombre pronostic du cancer. Certains travaux avaient déjà subodoré que cette relation était encore plus forte lorsque la thrombose veineuse était bilatérale. L’équipe de Georges Pompidou confirme cette relation : 103 patients qui ont présenté une TVP bilatérale ont été suivis pendant 12 mois ; 25 % avaient déjà un cancer connu. Chez 25 % supplémentaires, un cancer sera mis en évidence dans les mois suivants. Le pronostic des « nouveaux cancers » mis en évidence après la survenue d’une TVP bilatérale est aussi sombre que le pronostic des cancers plus anciens déjà connus. Une TVP bilatérale est associée à un risque plus important de cancer existant ou de cancer à venir. Cela ne démontre pas qu’il faille s’évertuer à rechercher systématiquement un cancer sous-jacent devant une TVP bilatérale. En effet, étant donné le mauvais pronostic du cancer dans ces formes bilatérales, il faut démontrer que sa recherche systématique serait « rentable » en termes de coût, et surtout de survie pour le patient.   Attention aux coprescriptions chez l’insuffisant cardiaque                     L’équilibre thérapeutique des insuffisants cardiaques est difficile à obtenir. Un bel article d’une équipe de pharmacologues fait le point sur toutes les coprescriptions médicamenteuses qui peuvent déstabiliser la situation et devenir dangereuses chez l’insuffisant cardiaque. Certains effets sont bien connus, d’autres moins. Par exemple : • les corticoïdes qui peuvent classiquement induire une rétention hydrosodée ; • mais aussi les AINS qui, par l’inhibition de la synthèse de prostaglandines, peuvent aussi retenir eau et sel, et doublent le risque de décompensation cardiaque ; • passons sur les effets délétères potentiels connus des antiarythmiques de la classe I et sur ceux de certains calcium-bloqueurs ; • la metformine est aussi déconseillée chez les patients insuffisants cardiaques en stades III et IV, en raison du risque d’acidose lactique plus fréquent chez eux ; • mais les thiazolidinediones, autres antidiabétiques oraux, sont aussi à risque en raison d’un potentiel de rétention hydrosodée ; • la carbamazépine (Tégrétol®) est à risque de troubles conductifs ; • la clozapine, médicament de la schizophrénie, doit être prescrite avec précaution en raison du risque d’hypotension et de tachycardie, mais aussi d’un risque de cardiopathie propre ; • les dérivés de l’ergot peuvent entraîner une fibrose et des dysfonctions valvulaires ; • le pergolide, dérivé de l’ergot utilisé dans le Parkinson, peut aussi entraîner des sténoses valvulaires ; • l’itraconazole, antifungique, peut avoir un effet inotrope négatif et aggraver des insuffisances cardiaques, voire créer de véritables cardiomyopathies. La liste n’est pas exhaustive.       HBPM en relais ponctuel des AVK chez les porteurs de valves mécaniques           Il s’agit d’une étude d’observation portant sur 82 cas où l’AVK a été arrêtée et remplacée par une HBPM chez des sujets porteurs de prothèses mécaniques. C’est l’énoxaparine qui était l’HBPM utilisée : • dans 90 % des cas, ce relais était fait pour une procédure invasive (pacemaker, cathétérisme, etc.) ; l’HBPM était donnée à dose curative et stoppée 12 h avant le geste : • dans 10 % des cas, le relais faisait suite à un accident hémorragique et l’énoxaparine était prescrite à 40 mg/j jusqu’à ce que l’INR soit < 1,5, puis prescrite à dose thérapeutique habituelle. Le type de prothèse était varié, mais essentiellement en position aortique. Les auteurs n’ont noté aucun accident embolique, mais 1 hémorragie majeure et 8 mineures. Cette série ne fait pas beaucoup avancer le problème. Nous sommes nombreux à penser que l’HBPM bien prescrite et bien surveillée peut être une solution dans ce type de relais. Mais il n’y a aucune étude bien menée, aucune autorisation et une position des laboratoires Aventis aux États-Unis et de la FDA fermement opposée à l’utilisation de l’énoxaparine dans cette indication. Cela rend la prescription d’HBPM dans cette situation à très haut risque… médico-légal.

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