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Valvulopathies

Publié le 16 nov 2010Lecture 9 min

Rétrécissement mitral serré et grossesse : mise au point sur une prise en charge difficile

D. SCARLATTI, E. BADIA, A.C. SANS-MISCHEL, L. DROGOUL, P. CERBONI, G. BERNARDIN, E. FERRARI, CHU Pasteur, Nice

Le rétrécissement mitral (RM) est une pathologie grave. La grossesse est une circonstance de décompensation bien connue de cette vavulopathie. La prise en charge d’un RM durant la grossesse peut rester médicale ou faire appel à la valvuloplastie. Les indications de ce traitement doivent être discutées selon le terme, la classe NYHA, la surface mitrale, les antécédents et les traitements déjà entrepris. Par ailleurs l’accouchement par voie basse semble réalisable chez les patientes stables.
Nous décrivons le cas d’une patiente de 28 ans hospitalisée dans notre unité pour œdème aigu pulmonaire (OAP) secondaire à un rétrécissement mitral serré décompensé.

Mme F, est adressée en maternité à 27 semaines d’aménorrhée (SA) pour menace d’accouchement prématuré (MAP). Cette patiente, née en Algérie il y a 28 ans, présente depuis 48 heures des contractions utérines intermittentes à raison de 10 par jour, des vomissements et une dyspnée crescendo. À l’examen la patiente est apyrétique, présente une tension arterielle à 120/60 mmHg, une tachycardie à 100 battements/minute, un roulement diastolique au bord gauche du sternum, le col est raccourci à 26 mm peu modifié, le monitoring fœtal ne retrouve pas de contractions. L’ECG objective un rythme sinusal. Devant le tableau compatible avec une MAP, la patiente est alors traitée par nicardipine intraveineux et bénéficie d’une cure de corticoïdes (betamethasone) pour favoriser la maturation pulmonaire fœtale. L’électrocardiogramme objective une tachycardie sinusale avec une hypertrophie auriculaire droite et gauche. Son état obstétrical reste stable, en revanche elle présente rapidement 12 heures après son arrivée une majoration de la dyspnée et une tachycardie à 140/mn. L’hypothèse d’une embolie pulmonaire est évoqué; un doppler veineux et ne retrouve pas de thrombose veineuse profonde. L’échocardiographie transthoracique réalisée au lit de la patiente confirme un rétrecissement mitral serré (surface mesurée à 1,3 cm2 en planimétrie et 1,4 cm2 sur la pente de demi décroissance (PHT), le gradient moyen est à 18 mmHg peu calcifié avec une insuffisance mitrale minime et une excellente fonction ventriculaire gauche sans hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) : PAPs = 30 mmHg. La radiographie thoracique (figure 1) retrouve un syndrome alvéolaire bilatéral. Au niveau biologique, on note un Brain Natriuretic Peptid (BNP) à 556 pg/ml (N < 400) une CRP < 5 mg/L, une glycémie à 1,4 g/dl (diabète gestationnel). La gazométrie artérielle est la suivante : pH 7.41, pCO2 : 23 mmHg, pO2 : 68 mmHg et bicarbonates 17 mM. Figure 1. Radiographie thoracique à l’arrivée. Un traitement par diurétiques est débuté (furosémide 40 mg IV) permettant une amélioration rapide des signes congestifs. Un sevrage en oxygène sera réalisé le lendemain permettant la réalisation d’une échocardiographie transoesophagienne qui confirme les données de l’échocardiographie transthoracique, élimine un thrombus intra auriculaire gauche et permet d’évaluer la faisabilité d’une valvuloplastie mitrale percutanée : appareil sous valvulaire peu remanié, tendons courts, valve mitrale souple (score de Wilkins faible : 5/16). Quel traitement médical débuter ? Quand réaliser une éventuelle valvuloplastie mitrale percutanée ou une chirurgie ? La patiente peut elle accoucher par voie basse ? Discussion Le rétrecissement mitral (RM) est une valvulopathie devenue rare en Europe depuis l’antibiothérapie systématique des angines streptococciques. Selon Euro Heart survey(14), étude prospective sur 5 000 patients, dans 85,4 % des cas l’étiologie est rhumatismale, 81 % des patients sont de sexe féminin et 82 % ont moins de 70 ans. Les critères échocardiographiques définissant un RM serré ont été récemment redéfinis par la société française de cardiologie(7) (tableau 1) : Le RM serré est mal toléré durant la grossesse, y compris chez les patientes antérieurement aysmptomatiques. La grossesse entraîne une augmentation de la volémie, une tachycardie, une diminution des résistances artérielles systémiques (RVS) et une augmentation du débit cardiaque. La tachycardie débute lors du premier trimestre, ainsi la fréquence cardiaque augmente de 30 à 50 % dès le 5ème mois avec un débit cardiaque qui peut ainsi augmenter de 50 %(16). Cet état d’hypervolémie est à l’origine des décompensations observées à partir du deuxième trimestre de grossesse. Le RM serré (< 1,5 cm2) est associé à une mortalité maternelle de 5 %, elle est inférieure à 1 % dans les formes peu symptomatiques. La morbidité fœtale est estimée à 30 %. Sur une cohorte(11) de 80 femmes parmi lesquelles 38 présentaient un RM serré (S < 1,5 cm2) NYHA I, II avant la grossesse et toutes traitées médicalement durant celle-ci,on compte 3 % d’arythmies et 5 à 10 % de décompensations cardiaques avec aucun décès maternel. Au niveau fœtal, on retrouve 3-8 % de prématurité et 3 % de détresse respiratoire sans aucun décès fœtal et 1 soit 2,6 % de décès néonataux. Les évènements cardiovasculaires materno-foetaux augmentent de façon significative avec la sévérité du RM (p < 0,001) (tableau 2). Le traitement de référence de cette valvulopathie quand elle est sévère est actuellement la valvuloplastie percutanée si l’état valvulaire le permet sinon le remplacement valvulaire mitral. Les facteurs prédictifs de complications materno-foetaux 15 durant la grossesse chez les patientes présentant une valvulopathie sont : – la classe NYHA, – une dysfonction ventriculaire gauche, – une obstruction intraventriculaire gauche (cardiomyopathie hypertrophique associée), – des antécédents d’arythmies, – des antécédents d’évènements cardiovasculaires avant la grossesse. Les auteurs rapportent également 17 % de complications néonatales (décès néonatal, prématurité et retard de croissance intra-utérin) en cas de cardiopathie maternelle. Un score a été ainsi établi permettant de stratifier le risque de grossesse chez la parturiente présentant une cardiopathie. En cas de score 0, le taux d’événements maternels est de 3 %, il est de 30 % si ce score est de 1 et de 66 % s’il est supérieur ou égal à 2. Quel traitement médical débuter ? Les recommandations de l’ESC(1) précisent que : • Les patientes présentant un RM serré doivent être traitées avant la grossesse, si possible par dilatation percutanée sinon par chirurgie, les recommandations de la société européenne de cardiologie attestent sa faisabilité après 20 semaines d’aménorrhée (Grade IC). • Une dilatation percutanée pendant la grossesse doit être réalisée si la patiente reste symptomatique ou si la pression arterielle pulmonaire systolique (PAPs) reste > 55 mmHg malgré un traitement médical (Grade IIaC). • Les bêtabloquants sont recommandés malgré le risque d’effets indésirables à type de bradycardie, hypoglycémie et retard de croissance intra utérin (RCIU). •  Les diurétiques doivent être utilisés à dose minimale pour limiter l’hypoperfusion fœtale (aggravation de l’hypovolémie). Les bétabloquants ayant été étudiés dans cette indication sont l’acébutolol (Grade B), le metoprolol, le labetolol, le propanolol (Grade C) et l’aténolol (Grade D)(2). L’instauration précoce des bêtabloquants après une insuffisance cardiaque aiguë est réalisable sans risque chez cette patiente du fait de la bonne fonction ventriculaire gauche. Le traitement instauré à notre patiente est alors le suivant : régime sans sel, furosémide 20 mg/j et titration progressive d’acébutolol 200 mg/j débuté le lendemain. La patiente, asymptomatique sur le plan cardiaque (euvolémie lors des consultations hebdomadaires et BNP < 100) a ainsi été traitée médicalement durant sa grossesse. Elle bénéficiera 1 mois après l’accouchement d’une valvuloplastie mitrale percutanée. Traitement chirurgical La commissurotomie chirurgicale est actuellement abandonnée dans le RM La mortalité opératoire liée à une commissurotomie chirurgicale est estimée à 9-33 % pour la mère et entre 6 et 17 % pour le foetus(3,4,5). Elle est augmentée d’un facteur 2 à 4 durant la grossesse. Traitement percutané La valvuloplastie est le traitement de référence du RM La période la plus adéquate pour réaliser ce geste durant la grossesse semble être le second trimestre car durant les 3 premiers mois il existe un risque accru de fausse couche et au troisième trimestre d’accouchement prématuré. Plusieurs séries dont celle de A. Bennis(6) sur 70 patientes présentant un RM serré symptomatique NYHA II à IV (86 % NYHA III,IV) sous traitement médical (furosémide, digitalique ou bêtabloquant) montre la faisabilité de la valvuloplastie durant la grossesse. Dans cette cohorte de parturientes dilatées durant le troisième trimestre, on compte 98,6 % de réussite de procédure (surface mitrale qui augmente de 50 % par rapport à sa surface de départ et une surface post dilatation supérieure à 1,5 cm2 en l’absence d’IM significative). On dénombre également 1,4 % d’échec de procédure (IM massive chirurgicale), 5 % d’insuffisance mitrale sévère, 1,4 % de tamponnade, 1,4 % d’accident ischémique transitoire et 0,5 à 1 % de décès(12). Si la valvuloplastie est réalisée sous scopie, un tablier de plomb est indispensable, en effet la femme enceinte ne doit pas recevoir plus de 5 à 10 rad (risque majeur au delà de 25 rad). On estime l’exposition liée à une valvuloplastie à 0-2 rads, ce risque étant limité par le port de tabliers de plomb sur l’abdomen(12). Dans une série(6) récente, le temps de scopie moyen était de 4 +/- 3 minutes. L’âge gestationnel est important. En effet, dans les 9 premiers jours, le risque principal est la mort fœtale (loi du tout ou rien), puis de 9 à 42 jours (organogénèse) le risque est principalement malformatif.Enfin durant le 2e et 3e trimestre le risque de leucémie et autres hémopathies prédomine. N’oublions pas le risque d’hypothyroïdie néonatale. C’est pourquoi la procédure ne peut être réalisée qu’après 12 semaines d’aménorrhée, au mieux au 4e mois (fin de l’organogénèse et thyroïde fœtale encore immature). En pratique De nombreux cas cliniques relatent une bonne faisabilité de la valvuloplastie percutanée durant la grossesse au prix d’une mortalité faible mais non négligeable. Les patientes non ou peu symptomatiques (NYHA I, II) avant la grossesse ou sous traitement médical ont une mortalité nulle, aussi la valvuloplastie ne nous semble pas recommandée, n’étant pas dénuée de risques. En revanche chez les patientes symptomatiques (NYHA III, IV) sous traitement il nous semble licite de proposer une valvuloplastie percutanée chez ces patientes. Il semble par ailleurs licite de discuter une valvuloplastie mitrale percutanée chez les patientes qui ont déjà présenté un événement cardiovasculaire avant la grossesse (décompensation cardiaque) même si elles répondent bien au traitement médical du fait qu’elles sont à haut risque de récidive (OR = 6,8) ou si le RM est très serré (S < 1 cm2). La patiente peut-elle accoucher par voie basse ? L’accouchement par voie basse représente un stress hémodynamique supplémentaire car le débit cardiaque augmente jusqu’à 10 à 11 L/mn lors des contractions utérines. Après l’accouchement, les conditions hémodynamiques se normalisent en 3 à 5 jours et la levée de la compression de la veine cave inférieure avec le transfert de sang du placenta et l’utérus concourent à une augmentation de la précharge. Néanmoins, l’accouchement par voie basse peut être réalisé chez les patients hémodynamiquement stables (Grade IC)(1). Dans une série brésilienne, l’accouchement par voie basse a été réalisé chez 67 % des 29 patientes présentant un RM serré et s’est déroulé sans complications. Il n’apparaît pas de différence significative entre le traitement médical (furosémide) et la valvuloplastie dans cette série(9). Sur la cohorte(12) de 38 femmes présentant un RM < 1,5 cm2 on compte 74 % d’accouchement par voie basse et 26 % de césarienne. Il n’y a eu qu’un décès néonatal à J7 du post-partum chez une patiente présentant un RM très serré (< 1 cm2) dont on a discuté plus haut l’intérêt d’une valvuloplastie prophylactique. Au cours du travail, l’objectif principal est d’éviter les modifications brusques des conditions de charge pouvant conduire à une décompensation cardiaque aiguë chez ces patientes. L’analgésie péridurale titrée est recommandée en cas d’accouchement par voie basse pour atténuer la décharge adrénergique secondaire aux contractions utérines et l’expulsion peut être facilitée par une extraction instrumentale pour diminuer les efforts de poussée(8). En cas de césarienne, la rachianesthésie est le plus souvent contre-indiquée du fait des modifications hémodynamiques brutales qu’elle induit, tandis que l’anesthésie générale avec un monitorage hémodynamique adapté reste la technique de choix(10). La périrachianesthésie combinée semble être une solution intermédiaire associant les avantages des deux techniques(11) grâce à une aiguille spécifique permettant une injection à la fois dans l’espace péridural et dans le LCR. En pratique La prise en charge d’un RM serré durant la grossesse doit être multidisciplinaire et faire intervenir le gynécologue-obstétricien, l’anesthésiste et le cardiologue. La précocité de l’apparition des symptômes est l’élément pronostic déterminant conditionnant la prise en charge durant la grossesse. La valvuloplastie mitrale percutanée chez les patientes présentant un RM serré symptomatique doit être réalisée si possible avant la grossesse sinon elle est réservée aux patientes symptomatiques malgré un traitement médical (figure 2). Figure 2. Algorithme de prise en charge.

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