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Valvulopathies

Publié le 11 mar 2008Lecture 9 min

Chirurgie réparatrice de la valve aortique : une alternative sérieuse au remplacement prothétique ?

E. LANSAC(1), F. RAOUX(2) et I. DI CENTA(3) 1 - hôpital Bichat, Paris 2 - hôpital Saint-Antoine, Paris 3 - hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt

Le principe de la chirurgie réparatrice valvulaire aortique est d’effectuer une annuloplastie de réduction des diamètres dilatés de la racine, afin d’augmenter la hauteur de coaptation et de protéger la réparation valvulaire. Cette technique évite les complications du traitement anticoagulant et les inconvénients des prothèses valvulaires, mais reste la question actuellement sans réponse de la durabilité des réparations. Des travaux en cours (étude CAVIAAR) devraient contribuer à définir la stratégie chirugicale actuellement la mieux adaptée à la prise en charge des patients porteurs d’une insuffisance aortique dystrophique et/ou d’un anévrisme de la racine.

    Une étiologie dominante : l’IA dystrophique Avec le déclin des étiologies rhumatismales, 65 à 80 % des insuffisances aortiques opérées dans les pays industrialisés sont d’origine dystrophique, incluant les insuffisances aortiques isolées et les anévrismes de la racine à valves bicuspides ou tricuspides(1-4) (figure 1, tableau 1). Les valvules aortiques dystrophiques sont souples et conservent souvent un aspect macroscopiquement proche de la normale, les modifications histologiques observées étant peu importantes, essentiellement liées au retentissement de la fuite. À l’instar des insuffisances mitrales dystrophiques, ces valves aortiques peuvent se prêter à une réparation valvulaire. Néanmoins, un remplacement valvulaire mécanique isolé, ou combiné au remplacement de la racine aortique (intervention de Bentall, figure 2) est le plus souvent effectué(1). Bien que théoriquement définitive, cette intervention reste grevée d’une mortalité à 10 ans de 15 à 20 %, à laquelle s’ajoute la morbidité liée à la présence d’une valve mécanique et au traitement anticoagulant au long cours(5). Or, les dystrophies de la racine aortique touchent une population jeune, (< 70 ans dans 80 % des cas) dont l’espérance et la qualité de vie doivent être prises en compte dans le choix des modalités thérapeutiques(1). Figure 1. Étiologie des insuffisances aortiques opérées dans les pays industrialisés. Figure 2. Intervention de Bentall : remplacement de la valve et de la racine aortique par une prothèse mécanique montée sur un tube en polyester dans lequel sont réimplantées les artères coronaires. La mise en place d’une bioprothèse ou d’une homogreffe éviterait la prise d’un traitement anticoagulant, mais ces substituts sont rarement implantés chez les sujets jeunes, en raison du risque élevé de réintervention liée à une dégénérescence valvulaire précoce. La supériorité aujourd’hui confirmée de la réparation valvulaire mitrale par rapport au remplacement prothétique, ainsi que les progrès réalisés dans la connaissance de l’anatomie fonctionnelle de la racine aortique ont remis en avant l’intérêt de la chirurgie réparatrice valvulaire (techniques du remodeling {Yacoub}, réimplantation {David}, etc.)(6-7). Malgré des résultats initiaux encourageants, la réparation valvulaire aortique reste marginale par rapport au remplacement prothétique. Dans les centres spécialisés, environ 50 % des malades porteurs d’un anévrisme de la racine dans le cadre d’une maladie de Marfan ont une réparation valvulaire(8). À l’échelle européenne, elle n’est effectuée que dans 1,4 % des cas d’insuffisance aortique opérés, en partie en raison de l’absence de standardisation technique et d’évaluation randomisée(1). Bien que 80 % des insuffisances aortiques à valves bicuspides ou tricuspides soient potentiellement accessibles à une réparation valvulaire, plus de 98 % de ces patients ont un remplacement prothétique.   De l’anatomie fonctionnelle à la chirurgie réparatrice de la valve aortique Les cuspides aortiques sont insérées de façon semi-lunaire sur la racine, délimitant un anneau aortique de forme sigmoïde. Cependant, cette structure tridimensionnelle peut être décomposée en deux diamètres fonctionnels : la base de l’anneau aortique et la jonction sino-tubulaire (figures 3 et 4). L’ouverture et la fermeture de la valve aortique normale s’effectuent quasiment sans stress grâce aux sinus de Valsalva générant des vortex et aux triangles sous-commissuraux, à l’origine de l’expansibilité systolique de la racine(9). La racine aortique, une unité dynamique à expansion systolique, caractérisée par deux diamètres fonctionnels : la base de l’anneau aortique et la jonction sino-tubulaire. Figure 3. Racine aortique : l’anneau aortique est une structure dynamique de forme sigmoïde, caractérisé par deux diamètres fonctionnels : la base de l’anneau aortique et la jonction sino-tubulaire. Figure 4. L’aorte ascendante est composée de la racine aortique(1) et l’aorte sus-coronaire(2). Classification lésionnelle des anévrismes et insuffisances aortiques Partant de ce constat, une classification des anévrismes et insuffisances aortiques peut être établie, basée sur l’analyse échographique des mécanismes lésionnels (figure 5, tableau 2). Cette classification lésionnelle distingue les insuffisances aortiques centrales ou « type I », des insuffisances aortiques excentrées, « type II » (tableau 2). Dans tous les cas, il existe une dilatation d’au moins un des deux diamètres fonctionnels de la racine aortique : jonction sino-tubulaire et/ou base de l’anneau aortique. Dans les insuffisances aortiques excentrées (type II), une lésion valvulaire est associée à la dilatation de ces diamètres : prolapsus, rétraction ou déchirure valvulaire. Les insuffisances aortiques sont caractérisées par une dilatation de la base de l’anneau aortique et de la jonction sino-tubulaire, éventuellement associée à une lésion valvulaire si la fuite est excentrée. Figure 5. Standardisation des mesures échographiques de la racine aortique : (1) anneau aortique : diamètre interne, du bord de fuite au bord d’attaque ; (2) sinus de Valsalva : du bord d’attaque au bord d’attaque ; (3) jonction sino-tubulaire : du bord d’attaque au bord d’attaque ; (4) aorte ascendante : du bord d’attaque au bord d’attaque. Anévrisme et insuffisance aortique : du mécanisme lésionnel à la standardisation de la chirurgie réparatrice de la valve aortique Le principe de la chirurgie réparatrice valvulaire est d’effectuer une annuloplastie de réduction des diamètres dilatés de la racine aortique afin d’augmenter la hauteur de coaptation et de protéger la réparation valvulaire. La dilatation isolée de la jonction sino-tubulaire (anévrismes sus-coronaires) est traitée par un tube sus-coronaire (figure 6). Dans la dilatation combinée des diamètres de la base de l’anneau aortique et de la jonction sino-tubulaire, le choix de la stratégie chirurgicale dépend du caractère anévrismal ou non de la racine. En présence d’un anévrisme de la racine, un remodelage de la racine aortique associé à une annuloplastie sous-valvulaire aortique externe est effectué (figures 7 et 8)(10). Cette technique combine les avantages des deux procédures princeps du remodeling et de la réimplantation (figure 7). En effet, la technique du remodeling (Yacoub) réalise un remplacement de la racine aortique au moyen d’un tube en Dacron festonné en trois néo-sinus de Valsalva, dans lesquels seront réimplantés les ostia coronaires. Cette intervention permet une reconstruction anatomique de la racine aortique par la création de néosinus de Valsalva, mais ne traite pas la dilatation de la base de l’anneau aortique. À l’inverse, la technique de la « réimplantation » (David) réalise une « annuloplastie » de la base de l’anneau aortique, au prix d’une inclusion antianatomique de la valve dans une prothèse cylindrique, exposant au risque de détérioration précoce des valvules aortiques. Figure 6. Remplacement de l’aorte ascendante par un tube sus-coronaire. Figure 7. Remodelage de la racine aortique par un tube festonné en trois néosinus de Valsalva, associé à une annuloplastie sous-valvulaire aortique externe : combinaison des avantages des deux techniques princeps du remodelage et de la réimplantation pour le traitement des anévrismes de la racine aortique. Figure 8. Remodelage de la racine aortique par un tube festonné en trois néosinus de Valsalva, associé à une annuloplastie sous-valvulaire aortique externe, contrôle tomodensitométrique postopératoire. En appliquant les mêmes principes de réparation valvulaire, une double annuloplastie sus- et sous-valvulaire aortique externe est réalisée en cas d’insuffisance aortique dystrophique isolée (figures 9 et 10). Le principe de la chirurgie réparatrice valvulaire aortique est d’effectuer une annuloplastie de réduction de la base de l’anneau aortique et de la jonction sino-tubulaire, afin d’augmenter la hauteur de coaptation et de protéger la réparation valvulaire. Figure 9. Double annulo-plastie sus- et sous-valvulaire aortique externe pour le traitement des insuffisances aortiques isolées. Figure 10. Échographie pré- et postopératoire d’une insuffisance aortique dystrophique excentrée par prolapsus de la cuspide coronaire droite (A), traitée par une double annuloplastie sus- et sous-valvulaire aortique externe associée à une resuspension de la cuspide coronaire droite (B). Résultats de la chirurgie réparatrice de la valve aortique Seules quelques études rétrospectives (aucune étude randomisée) ont comparé le remplacement valvulaire mécanique à la réparation valvulaire aortique pour le traitement des anévrismes de la racine. Bien que très hétérogènes quant aux indications, les mortalités périopératoires et à 5 ans des séries de réparation valvulaire, quelles que soient les techniques employées, semblent comparables au remplacement valvulaire mécanique. Les taux de complications thromboemboliques et hémorragiques sont quasi nuls après réparation valvulaire, contrairement aux séries de Bentall où le traitement anticoagulant est responsable de complications dans un cas sur sept. Sur le plan fonctionnel, le gradient transvalvulaire moyen après réparation de la valve aortique est négligeable, trois fois moins élevé qu’après une intervention de Bentall. Cependant, les taux de conversion peropératoire et de réopération à distance sont très variables en fonction des techniques, de l’ancienneté du suivi et de la précision des données publiées(11-12). La réparation valvulaire aortique évite les complications du traitement anticoagulant et les inconvénients des prothèses, mais son devenir à long terme reste inconnu.   Évaluation randomisée de la réparation valvulaire aortique La réalisation d’une réparation de la valve aortique n’a d’intérêt que si les bénéfices attendus sur la morbi-mortalité à moyen et long termes sont supérieurs au risque actuellement mal évalué de réopération. Les niveaux de preuve actuels sont insuffisants, issus d’études observationnelles, d’analyses rétrospectives ou d’évaluations prospectives non contrôlées, basées sur une population sélectionnée. Aujourd’hui, on ne sait pas si la réparation valvulaire aortique présente des résultats équivalents, meilleurs, ou pires que ceux du remplacement valvulaire mécanique. La supériorité de la réparation valvulaire par rapport au remplacement mécanique ne pourra être prouvée qu’au moyen d’une étude randomisée, utilisant des techniques chirurgicales standardisées. L’étude CAVIAAR (Conservation Aortique Valvulaire dans les Insuffisances Aortiques et les Anévrismes de la Racine) est une étude de supériorité prospective multicentrique randomisée, à laquelle participent 29 centres de chirurgie cardiaque français publiques et privés. L’hypothèse principale de cette étude est que la chirurgie réparatrice de la valve aortique, chez les patients ayant une insuffisance aortique dystrophique et/ou un anévrisme de la racine aortique, augmente le taux de survie sans événement de morbi-mortalité à moyen et long termes par rapport au remplacement valvulaire mécanique. L’étude compare la mortalité, les complications et la qualité de vie de 186 patients randomisés entre la nouvelle approche standardisée de réparation valvulaire reposant sur une annuloplastie aortique expansible et le remplacement valvulaire mécanique. Le critère de jugement principal sera la survie sans événements de morbi-mortalité à 3 ans jugée sur un critère composite, associant mortalité globale, réintervention chirurgicale et réhospitalisation. L’étude a débuté en mai 2007 et devrait se terminer en 2013. L’étude CAVIAAR représente un effort de standardisation et d’évaluation objective, qui sera le fruit d’une collaboration étroite entre cardiologues et chirurgiens cardiaques français. Cette démarche collective devrait contribuer à définir la stratégie chirurgicale actuellement la mieux adaptée à la prise en charge des patients porteurs d’une insuffisance aortique dystrophique et/ou d’un anévrisme de la racine.   En pratique Dans l’insuffisance aortique, la réparation valvulaire reste marginale par rapport au remplacement valvulaire mécanique. Les résultats des séries originales à 5 et 10 ans de la réparation valvulaire sont encourageants mais la durabilité de l’intervention à long terme reste inconnue. Une classification lésionnelle des anévrismes et des insuffisances aortiques peut aider à standardiser les principes chirurgicaux de la réparation valvulaire autour d’une annuloplastie de réduction des diamètres dilatés de la racine aortique afin d’augmenter la hauteur de coaptation et de protéger la réparation valvulaire. Une évaluation randomisée est nécessaire afin de définir la stratégie chirurgicale actuellement la mieux adaptée à la prise en charge des patients porteurs d’une insuffisance aortique et/ou d’un anévrisme de la racine.

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