Publié le 30 mar 2010Lecture 6 min
Les recommandations sur l'HTA - Cible de la pression artérielle : tout le monde en rang derrière le 14/9 ?
J. AMAR, hôpital Rangueil, CHU Toulouse
Chez tous les patients, il existe des preuves suffisantes pour recommander d’abaisser la pression artérielle en deçà de 140/90 mmHg, à l’exception des sujets âgés où ce seuil n’a jamais été testé dans des essais randomisés.
Box 4 : cible de pression artérielle (Adapté des recommandations européennes sur l'HTA de 2009)
Chez tous les patients, il existe des preuves suffisantes pour recommander d’abaisser la pression artérielle en deçà de 140/90 mmHg, à l’exception des sujets âgés où ce seuil n’a jamais été testé dans des essais randomisés.
L’objectif de 130/80 mmHg chez les diabétiques proposé par les précédentes recommandations de 2007 n’est pas fortement supporté par des preuves. De même, pour les patients ayant des antécédents cardiovasculaires.
Il existe des preuves de faible niveau tirées d’analyses a posteriori d’essais randomisés suggérant la présence d’une courbe en J des événements cardiovasculaires lorsque la pression artérielle est ramenée à un niveau < 120/75 mmHg. Une courbe en J est peu probable pour des pressions artérielles à ce seuil, excepté peut être pour des patients athéroscléreux.
La cible proposée est 130-139/80-89 mmHg en se rapprochant des valeurs les plus basses de cet intervalle.
Un revirement important
Ce revirement opéré en 2010 par rapport au texte de 2007 est en effet important. En 2007, l’objectif de 130/80 mmHg était proposé pour tous les patients à haut risque cardiovasculaire. En 2009, l’objectif est ramené à 140/90 mmHg, indépendamment du niveau de risque. De plus, l’attention est attirée sur la présence d’une courbe en J. Pour mémoire, rappelons qu’en 2005 les recommandations françaises proposaient 130/80 mmHg chez le diabétique, 150 mmHg de PA systolique ou une réduction relative de 20 mmHg pour les patients âgés dont la pression artérielle de départ était très élevée et 140/90 mmHg pour le reste des hypertendus.
• Comment interpréter ce virage européen pris à grande vitesse (2 ans) ? Les grands essais qui ont jalonné depuis 2007 le champ des hypotenseurs ont été les études ACCOMPLISH, HYVET, ADVANCE, ONTARGET, TRANSCEND et PROFESS. Globalement, dans les deux études conduites chez l’hypertendu, ACCOMPLISH et HYVET, les bras qui ont expérimenté la pression artérielle la plus basse ont aussi été ceux qui ont eu le meilleur pronostic. Quatre études ont exploré l’impact des hypotenseurs indépendamment du niveau de pression artérielle : les études ONTARGET et TRANSCEND chez le patient à haut risque, l’étude PROFESS en post-AVC et l’étude ADVANCE chez le diabétique. Dans ces études, la baisse de la pression artérielle n’a pas été systématiquement associée à une amélioration du pronostic.
• L’étude ADVANCE était une étude randomisée contre placebo conduite chez les diabétiques. Elle a démontré une amélioration du pronostic surtout rénal dans le bras actif où la pression artérielle a été la plus basse argumentant l’intérêt d’un contrôle tensionnel strict chez le diabétique.
• L’étude ONTARGET était une étude randomisée conduite chez les patients à haut risque comparant 3 stratégies : IEC, ARA II ou la combinaison des deux. Elle n’a pas montré de bénéfice sur le critère primaire dans le bras affecté à la combinaison IEC + ARA II où la baisse de la pression artérielle a été la plus importante. Au contraire, un surcroît d’événements rénaux a été observé.
• L’étude TRANSCEND est une étude opposant un ARA II à un placebo chez des patients à haut risque intolérants aux IEC. Il n’a pas été mis en évidence de différence significative de pronostic entre le bras actif et le placebo malgré la baisse de la pression artérielle.
• En post-AVC, l’étude PROFESS a été récemment rapportée. Il faut l’inscrire dans le contexte d’une étude plus ancienne concernant le post-AVC : l’étude PROGRESS.
• L’étude PROGRESS suggérait l’importance d’une baisse ample de la pression artérielle pour prévenir le risque de récidive d’AVC. Cette étude ne faisait que suggérer car son design rendait toute interprétation définitive délicate. Cette étude incluait les patients en post-AVC indépendamment de la présence d’une hypertension artérielle. Ils étaient orientés par l’investigateur, selon des critères dont il n’avait pas à rendre compte, soit vers une monothérapie par IEC soit vers une bithérapie associant IEC et diurétique. À partir de là, les patients étaient tirés au sort en référence au choix de l’investigateur vers l’IEC ou le placebo ou bien vers la combinaison IEC + diurétique et son placebo. Les patients choisis pour la bithérapie et tirés au sort pour recevoir le traitement actif ont expérimenté une baisse ample de la pression artérielle de l’ordre de 12 mmHg et en parallèle une réduction très significative du risque de récidive d’AVC de 47 %. Les patients choisis pour la monothérapie et tirés au sort pour recevoir le traitement actif par IEC ont eu une réduction modeste de la pression artérielle de l’ordre de 4 mmHg et n’ont pas vu leur risque de récidive d’AVC se réduire significativement.
Qu’est-ce qui a fait le succès de PROGRESS bithérapie ? La sélection des patients par les investigateurs, la combinaison IEC et diurétique ou l’amplitude de la baisse de la pression artérielle ? Il est impossible de trancher. Cependant l’étude PROFESS nous donne une piste. En effet, en accord avec les données de PROGRESS monothérapie, les patients en post-AVC placés sous sartan seul ont expérimenté une baisse de pression artérielle modeste de 4 mmHg et en parallèle n’ont pas vu leur risque de récidive diminuer de façon significative.
Ainsi, dans cette population en post-AVC, une baisse ample de la pression artérielle pourrait-elle s’avérer nécessaire pour réduire le risque de récidive.
Prévention secondaire de la maladie coronaire
• Chez ces patients en prévention secondaire de la maladie coronaire, les niveaux de preuve n’ont pas fondamentalement changé depuis 2007. Les études QUIET et PEACE avaient montré, chez des patients coronariens stables indemnes de dysfonction systolique ventriculaire gauche, qu’il n’y a pas de bénéfice à attendre d’une diminution systématique de la pression artérielle par un IEC. Cependant, il n’y avait pas non plus d’effet délétère à craindre. Cela a été particulièrement montré dans l’étude QUIET comparant quinapril et placebo. Les patients inclus avaient une pression artérielle aux environs de 120/80 mmHg et le pronostic des patients tirés au sort pour recevoir l’IEC n’a pas été altéré par la baisse de la pression artérielle qu’ils ont supportée.
• Les études ACTION et l’analyse en sous groupe des patients coronariens inclus dans l’étude HOT n’ont pas démontré de bénéfice à faire baisser la PA en deçà de 140/90 mmHg avec un protocole à base d’inhibiteur calcique.
• Il est difficile de discuter de l’étude CAMELOT en termes de morbi-mortalité, l’étude démontrant essentiellement les effets anti-angineux de l’amlodipine.
En pratique
Le retour de balancier opéré en 2009 par les experts européens vers le 140/90 mmHg est justifié par l’arrivée d’études ne montrant pas globalement de bénéfice à faire baisser la pression artérielle chez des patients à haut risque indépendamment de leur statut d’hypertendus. Les recommandations européennes se réalignent de fait sur les recommandations françaises de 2005 qui ne s’étaient pas aventurés sur ces sentiers non balisés.
Concernant les patients diabétiques, l’étude ADVANCE publiée en 2008 plaide plutôt pour l’intérêt d’un contrôle tensionnel strict. Ce résultat s’inscrit dans la continuité des résultats des études HOT, UKPDS et STENO et, ne semble pas de nature à modifier la recommandation française de 2005 proposant comme cible thérapeutique une pression artérielle < 130/80 mmHg.
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