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Insuffisance cardiaque

Publié le 13 jan 2009Lecture 5 min

Comment évaluer la volémie des patients insuffisants cardiaques ? Histoire d’une dispute dans le couple NT-Pro-BNP/échocardiographie, à qui donner raison ?

C. CHARBONNEL, J.-L. GEORGES, J. SCHWOB, B. LIVAREK, G. GIBAULT-GENTY, G. GALUSCAN, J.-J. MASPOLI, J.-P. AZIZA, CH de Versailles et P.-V. ENNEZAT, CHRU de Lille

Nous rapportons ici le cas d’une patiente de 88 ans admise pour un infarctus du myocarde antérieur associé à des signes d’instabilité hémodynamique. Dans ce contexte, l’évaluation correcte de la volémie est cruciale. L’apport additif de l’écho-Doppler cardiaque dans cette situation, spécialement lorsque les données cliniques (classe Killip, signes d’insuffisance cardiaque droite) et biologiques (valeur du NT-Pro-BNP) sont discordantes, permet d’ajuster sans retard la thérapeutique. Une valeur élevée de NT-Pro-BNP, à la phase aiguë d’infarctus est un marqueur indépendant de mortalité cardiovasculaire et pas nécessairement un reflet d’une pression télédiastolique ventriculaire gauche élevée.

Cas clinique Une femme de 88 ans sans antécédent particulier se présente aux urgences pour douleur thoracique. Ses facteurs de risque cardiovasculaires sont représentés par son âge ainsi qu’une dyslipidémie non traitée. L’ECG montre une onde de Pardee dans le territoire antérieur avec miroir inférieur, ce qui permet de faire rapidement le diagnostic d’infarctus du myocarde antérieur. La coronarographie réalisée à H4 du début de la douleur retrouve une occlusion de l’artère interventriculaire antérieure proximale, une angioplastie primaire avec pose d’un stent nu est réalisée. La patiente est ensuite prise en charge en unité de soins intensifs cardiologiques. L’examen clinique retrouve alors une pression artérielle (PA) à 125/60 mmHg, un pouls à 120/min, la douleur thoracique s’est amendée, l’auscultation pulmonaire met en évidence quelques crépitants des deux bases sans signe d’insuffisance cardiaque droite. Le bilan biologique initial montre : NT-Pro-BNP à 9 505 pg/ml (normale < 300 pg/ml), troponine T à 0,27 ng/ml (normale < 0,03 ng/ml), natrémie à 142 mmol, urée à 7 mmol/l, créatininémie à 83 µmol, soit une clairance calculée à 44 ml/ min (équation de Cockcroft-Gault normalisée). Sur la base de ces données clinico-biologiques, du furosémide 40 mg par voie intra-veineuse est prescrit à deux reprises. Quelques heures plus tard, alors que la patiente est anurique, légèrement marbrée, un écho-Doppler cardiaque est réalisé dont les résultats sont les suivants : fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) altérée à 30 % en Simpson biplan sur une large akinésie antéro-septo-apicale, flux mitral fusionné en raison de la tachycardie (figure 1), ITV (intégrale temps-vitesse) sous-aortique enregistrée à 9,5 cm (figure 2), absence de complication mécanique, cavités droites normocontractiles sans HTAP, veine cave inférieure mesurée à 10 mm et collabée en inspiration (figure 3). Le furosémide est arrêté, un remplissage prudent est entrepris par soluté salé isotonique. Figure 1. Enregistrement du flux transmitral en Doppler pulsé fenêtre apicale 4 cavités. La tachycardie sinusale entraîne une fusion des deux composantes E et A du remplissage ventriculaire gauche. Figure 2. Enregistrement du flux aortique en Doppler pulsé fenêtre apicale 5 cavités (volume d’échantillon placé dans la chambre de chasse ventriculaire gauche). Le contourage de l’enveloppe spectrale permet d’accéder à l’ITV sous-aortique qui est ici basse à 9,5 cm. Figure 3. Enregistrement de la veine cave inférieure en mode temps-mouvement (TM) fenêtre sous-xyphoïdienne. La veine cave inférieure est plate (10 mm) et collabée en inspiration, la pression dans l’oreillette droite est ainsi estimée entre 0 et 5 mmHg. L’examen clinique 48 heures plus tard montre : PA à 100/70 mmHg, FC à 76/min, absence de douleur thoracique ; l’auscultation pulmonaire retrouve toujours quelques crépitants des deux bases. Le bilan biologique montre un dosage de NT-Pro-BNP à 5 577 pg/ml, troponine T à 2,48 ng/ml (pic à 3,53 ng/ml), natrémie à 140 mmol/l, urée à 9,5 mmol/l, créatininémie à 78 µmol. Les données échocardiographiques sont les suivantes : FEVG altérée à 30 % en Simpson biplan sur une large akinésie antéro-septo-apicale, flux mitral de type trouble de relaxation (figure 4), rapport E/Ea = 12 (figure 5), ITV sous-aortique enregistrée à 17,4 cm (figure 6), absence de complication mécanique, cavités droites normocontractiles sans HTAP, veine cave inférieure mesurée à 22 mm non compliante (figure 7). Le remplissage est arrêté et un traitement par IEC introduit. La patiente sort de soins intensifs à J4 et de l’hôpital à J7. Figure 4. Enregistrement du flux transmitral en Doppler pulsé fenêtre apicale 4 cavités moins de 48 heures après la première échocardiographie. Le flux transmitral est de type trouble de la relaxation. Figure 5. Doppler tissulaire à l’anneau mitral latéral, le rapport E/Ea latéral est calculé à 12. Figure 6. Enregistrement du flux aortique en Doppler pulsé fenêtre apicale 5 cavités (volume d’échantillon placé dans la chambre de chasse ventriculaire gauche) moins de 48 heures après la première échocardiographie. L’ITV sous-aortique s’est normalisée (17 cm). Figure 7. Enregistrement de la veine cave inférieure en mode temps-mouvement (TM) fenêtre sous-xyphoïdienne. La veine cave inférieure est mesurée à 22 mm, son collapsus inspiratoire est inférieur à 50 %, permettant d’estimer la pression dans l’oreillette droite entre 10 et 15 mmHg. Discussion Ce cas clinique permet de souligner plusieurs faits. L’existence d’une discordance entre la valeur initiale élevée de NT-Pro-BNP, qui pourrait nous faire conclure à tort à une élévation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche, et les données échocardiographiques plutôt en faveur d’un état hypovolémique. Comment expliquer, dans ce contexte, cette élévation ? Un âge avancé ainsi qu’une insuffisance rénale ont été rapportés comme pouvant entraîner une élévation non spécifique du NT-Pro-BNP. Toutefois, certains auteurs ont pu montrer que ce marqueur pouvait garder un intérêt diagnostique chez ces types de sous-populations. Dans notre cas clinique, l’élévation importante du NT-Pro-BNP doit être interprétée comme un marqueur de l’importance de la nécrose myocardique, associé avec un pronostic péjoratif. Il est démontré qu’un niveau élevé de NT-Pro-BNP à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde est un facteur prédictif indépendant de mortalité cardiovasculaire. La sécrétion de BNP à la phase aiguë est généralement caractérisée pour un double pic, le premier dans les premières heures de l’infarctus et le deuxième vers J5 en moyenne. La production et le relargage du BNP dans la circulation par les myocytes ventriculaires sont régis non seulement par des paramètres hémodynamiques, mais aussi par des cytokines et hormones telles que l’interleukine-1b, l’endothéline-1 et l’angiotensine 2. Ce cas clinique permet également de rappeler la place prépondérante prise par l’écho-Doppler cardiaque au lit des patients de soins intensifs cardiologiques. Outre son apport essentiel dans le dépistage des complications de l’infarctus du myocarde, l’évaluation de la fraction d’éjection et des troubles de cinétique segmentaire, elle permet également une analyse fine des pressions de remplissage guidant ainsi la thérapeutique sans retard. On peut souligner dans cette observation le relatif piège représenté par le flux mitral fusionné. Dans cette situation, aussi bien la pente de décélération que la valeur du pic de vélocité sont, en effet, inexploitables en termes de détermination des pressions de remplissage. Hors situation d’instabilité hémodynamique, les manœuvres vagales ou l’épreuve de Valsalva permettent de rendre interprétable le flux transmitral. Les renseignements apportés par l’écho-Doppler cardiaque sont aussi fiables que ceux enregistrés lors d’un cathétérisme des cavités droites et de l’artère pulmonaire, reléguant cet examen à quelques rares situations. Ces qualités font de l’échocardiographie un outil simple, accessible, rapide et non invasif afin d’évaluer l’hémodynamique des patients de soins intensifs. Elle souffre peut-être, dans cette indication d’une relative sous-utilisation.

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