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Risque

Publié le 06 juin 2006Lecture 5 min

Comment stratifier le risque d'une sténose coronaire ?

E. SALENGRO, G. SCHOUKROUN, O. VARENNE et C. SPAULDING, hôpital Cochin, Paris

Stratifier le risque d’une sténose coronaire consiste à évaluer son risque d’occlusion aiguë à court terme malgré un traitement médical optimal et donc à sélectionner les lésions qui nécessitent de fait une revascularisation, qu’elle soit endovasculaire ou chirurgicale, afin d’éviter un événement cardiovasculaire majeur (angor instable, infarctus ou mort subite). Plusieurs critères cliniques et paracliniques doivent être considérés pour aider les cardiologues interventionnels dans cette prise de décision.

Des critères cliniques   Le patient Le premier de ces critères est le patient lui-même ; en effet, les facteurs de risque comme le diabète, différentes comorbidités comme l’insuffisance rénale, un âge élevé ou une insuffisance respiratoire chronique sont des critères à lourde implication clinique. Ce sont eux qui pondèrent au premier plan l’EUROSCORE (figure 1), qui permet une évaluation préopératoire de la morbi-mortalité de la chirurgie coronaire et qu’il paraît logique d’appliquer avant toute décision de revascularisation. Figure 1. EUROSCORE. Les circonstances cliniques Aux caractéristiques du patient viennent s’ajouter l’anamnèse et les circonstances cliniques qui ont amené à la réalisation de la coronarographie : • examen diagnostique sur une douleur atypique ou une ischémie silencieuse, • évaluation d’une récidive angineuse chez un coronarien connu et correctement traité, ou en urgence devant un tableau de syndrome coronaire aigu avec troponine élevée, un infarctus avec sus-décalage ST ou un choc cardiogénique. Ces critères cliniques doivent être à la base de l’arbre décisionnel devant toute sténose coronarienne angiographiquement significative, bien avant les critères angiographiques.   Des critères paracliniques   La fonction VG D’autres critères interviennent secondairement comme l’évaluation de la fonction contractile du ventricule gauche par angiographie ou échocardiographie, dont on sait qu’elle est également un puissant facteur pronostique.   Les critères angiographiques et leurs limites Ils souffrent d’un relatif manque de robustesse puisque très opérateur-dépendants et assez peu reproductibles. Le caractère « serré » d’une sténose est largement variable selon l’expérience du coronarographiste, et influencé par de nombreux facteurs comme l’utilisation de vasodilatateurs en intracoronaire, le choix pertinent des incidences ou le calibre des cathéters diagnostiques. L’angiographie quantitative, qui devrait théoriquement palier ces inconvénients, est dans la pratique largement sous-employée dans les salles de cathétérisme. Les limites de la coronarographie sélective sont également inhérentes à la technique elle-même puisqu’il s’agit, à partir d’une analyse en deux dimensions, d’extrapoler sur une réduction de volume. La détermination du pourcentage de sténose se fait par rapport à un segment de référence qui peut donc entraîner de grandes variations en fonction du segment choisi. Il s’agit de plus de l’acquisition d’une empreinte endoluminale ne préjugeant en rien de la qualité de la paroi sous-jacente. En pratique, la quantification des sténoses non serrées (< 50 %) et très serrées (> 75 %) pose peu de problèmes mais il existe une « zone grise » pour les sténoses se situant entre 50 et 75 %. Par ailleurs, l’absence de parallélisme entre degré de sténose et gravité clinique est maintenant bien admis. En effet, les études coronarographiques menées au cours des années 1980 ont pu montrer que la majorité des infarctus du myocarde avec onde Q surviennent sur des lésions peu ou non serrées, contrastant avec une relative bonne tolérance clinique des occlusions coronaires sur sténoses serrées. Ces constatations ont mis en avant le concept de rupture de plaque comme processus initiateur des syndromes coronaires aigus. L’angiographie coronaire est clairement déficiente pour la détection de ces plaques instables, se limitant à des critères subjectifs visant à caractériser une lésion « péjorative » : d’aspect hétérogène, thrombotique, tortueuse, excentrique ou calcifiée… La classification TIMI (évaluant un ralentissement du flux transsténotique) a le mérite d’une relative simplicité mais elle est rarement utilisée en dehors du contexte très particulier de l’infarctus en phase aiguë. En revanche, la coronarographie reste discriminante en révélant une atteinte proximale (tronc commun, IVA proximale), mono-, bi- ou tritronculaire, en analysant la qualité du lit d’aval et la fonction ventriculaire gauche.   Autres techniques Les limites évidentes de la coronarographie pour une analyse précise des sténoses coronaires intermédiaires ont contribué au développement de techniques invasives parallèles comme la FFR (fractionnal flow reserve) et l’IVUS (intra-vascular ultra-sound) (figure 2 A, B, C et D). Figure 2. Échoendocoronaire. A, B et C : aspect typique de rupture de plaque excentrique. D : aspect de lésion concentrique calcifiée. La FFR permet une approche hémodynamique de la sténose coronaire en mesurant de manière très précise le gradient de pression transsténotique, permettant d’estimer la « perte de charge » liée à la présence d’une sténose sur l’arbre coronaire. Il s’agit d’une technique robuste puisque parfaitement reproductible, à faible variation interopérateur et s’appuyant sur une corrélation avec des critères cliniques lors de grands essais cliniques. Le calcul de la FFR est réalisable en fin de coronarographie permettant le cas échéant une angioplastie dans la foulée. Elle reste néanmoins coûteuse et longue à réaliser (« time consuming ») pour les équipes peu entraînées (figure 3 A et B). Figure 3. A : Sonde FFR dans l’IVA proximo-moyenne. B : Augmentation non significative du gradient transsténotique après injection intracoronaire d’ATP, la FFR est < 0,75 signant une sténose non serrée. L’IVUS permet une mesure de la surface endoluminale sur un segment sain et sur le segment sténosé (figure 4). Il s’agit d’un outil diagnostique très efficace pour l’analyse de la plaque (rupture) et de la paroi artérielle (hématome, dissection…) avec, là encore, de nombreuses études authentifiant une excellente corrélation avec la survenue d’événements cliniques. Figure 4. Événements cardiovasculaires majeurs en fonction de la surface mesurée en échoendocoronaire. Sur le plan thérapeutique, l’IVUS (écho-endocoronaire) permet une mesure précise du diamètre artériel et de la longueur du segment atteint en préstenting, vérifie l’expansion correcte de l’endoprothèse implantée (la malapposition est un puissant facteur de thrombose et de resténose intrastent). La prise de décision est souvent plus difficile pour les patients stables ou asymptomatiques : les angioplasticiens ont moins d’états d’âme à dilater une subocclusion de l’IVA moyenne au décours d’un infarctus du myocarde qu’une sténose à 70 % sur cette même artère chez un diabétique rigoureusement asymptomatique (figure 5 A, B et C). Figure 5. Patient de 50 ans présentant un angor d’effort typique depuis 3 semaines. A : Sténose « intermédiaire » de l’IVA moyenne. B : Angioplastie en kissing après échoendocoronaire. C : Résultat final. (Cypher 3,0 x 18 sur l’IVA, ballon sur la première diagonale). C’est ici que les tests d’ischémie non invasifs ont toute leur importance : que ce soit une simple épreuve d’effort sur bicyclette, un thallium d’effort, une échographie-dobutamine ou, plus récemment, une IRM de stress, ils permettent de légitimer une revascularisation sur des critères objectifs d’ischémie avec, pour certains, une valeur localisatrice très utile en cas d’atteinte pluritronculaire.   En pratique   La première étape de la prise en charge du patient coronarien repose sur une analyse rigoureuse et exhaustive de l’anamnèse et des antécédents, permettant une stratification du risque du patient. Cette notion de patient à risque prime sur la notion de lésion à risque qui est quelque peu réductrice car souvent assimilée à une lésion difficile à dilater. Dans les cas litigieux, concernant le plus souvent les patients stables et à faible risque, il ne faut pas hésiter à utiliser des explorations complémentaires invasives ou non invasives qui ont prouvé leur robustesse et sont maintenant largement disponibles.

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