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Coronaires

Publié le 02 oct 2007Lecture 5 min

Coronaropathie de l'octogénaire : spécificités du traitement médicamenteux - Potentiel et limites de l’extrapolation des résultats des essais

O. MONTAGNE, hôpital Henri Mondor, Paris

Dans le domaine cardiovasculaire comme dans les autres spécialités, les personnes âgées sont rarement recrutées dans les essais cliniques. Le vieillissement étant un processus physiologique, la prise en charge médicale de l’octogénaire ne diffère pas, en théorie, de celle d’un adulte plus jeune et les stratégies thérapeutiques sont basées sur une extrapolation des résultats des études. Même si certains paramètres épidémiologiques (le patient âgé est souvent une patiente), pharmacologiques (fonction rénale en particulier) sont modifiés, « l’âge, à lui seul, ne contre-indique aucun traitement » mais impose une réflexion concernant les objectifs du traitement dans un contexte fréquent de polypathologie.

Principales causes de mortalité, de morbidité et de consommation de soins, les pathologies cardiovasculaires touchent particulièrement la population âgée. La pathologie coronaire occupe une place prédominante dans ces paramètres de santé publique mais les particularités concernant l’effet de l’âge sur la prise en charge thérapeutique théorique ou observée restent mal explorées.   Quelles spécificités ?   Plutôt que de réaliser une description des classes médicamenteuses disponibles dans un contexte gériatrique ou de lister des considérations pharmacologiques générales, les spécificités de la prise en charge de l’octogénaire reposent sur des objectifs thérapeutiques particuliers et sur la prise en compte d’une importante variabilité interindividuelle. De façon générale, le patient âgé peut être considéré comme plus fragile et plus sensible aux effets thérapeutiques mais aussi aux effets indésirables. Dans cette prise en charge individualisée, de nombreux paramètres médicaux mais aussi sociaux et économiques sont à évaluer. Prendre en compte la réalité épidémiologique permet de mieux identifier des particularités en relation directe avec l’âge de la population concernée.   Pathologies cardiovasculaires et sujet âgé : l’épidémiologie indique les questions essentielles   Les données épidémiologiques permettent de préciser les questions essentielles concernant la prise en charge spécifique des pathologies cardiovasculaires et des coronaropathies du sujet âgé. Ces particularités épidémiologiques observées dans les tranches d’âge les plus élevées de la population invitent à relativiser certaines extrapolations directes des résultats des essais cliniques. Les principaux paramètres à prendre en compte pour cette réflexion sont : Les pathologies cardiovasculaires représentent la principale cause de mortalité, de morbidité et de consommation médicale chez le sujet âgé. Depuis quelques décennies, l’espérance de vie s’accroît régulièrement et de façon similaire à la progression de l’espérance de vie sans invalidité. Du fait de la différence d’espérance de vie entre hommes et femmes, un patient âgé est souvent une patiente. L’augmentation de la « quantité de vie » s’accompagne d’une élévation de la prévalence des maladies chroniques, souvent dépourvues de traitement curatif, et imposant la consommation quotidienne de plusieurs thérapeutiques préventives et/ou symptomatiques dont la portée est variable selon que l’on considère leur impact en termes de qualité de vie, de morbidité (hospitalisation répétées par exemple) ou de mortalité. Les pathologies chroniques exercent un effet constant sur l’autonomie physique et psychique et l’exercent généralement de façon prédominante chez le sujet âgé. La prise en charge des patients âgés est souvent plurielle (et parfois pluridisciplinaire). Elle implique des intervenants multiples et impose une coordination de façon à préciser une stratégie thérapeutique globale et à limiter le risque iatrogène. Avec l’avancée en âge, les différences interindividuelles se majorent. En pratique, les spécificités de prise en charge du sujet âgé reposent sur une évaluation individuelle qui est fonction du contexte social, de l’autonomie physique et psychique, des attentes du patient et de celles du ou des praticiens en charge de ce patient. La qualité de vie prime parfois sur sa « quantité »   L’un des principaux écueils en rapport avec l’extrapolation des résultats des essais cliniques réside dans le choix de l’objectif des études et des critères d’évaluation. Il n’est pas certain que le critère de mortalité, généralement retenu comme le plus pertinent pour une population adulte, soit adapté après 80 ans. À cet âge, c’est parfois la qualité de vie qui prime et certains patients expriment clairement que leur attente est de rester à domicile et d’éviter les hospitalisations itératives. De la même façon, les critères de jugement des essais thérapeutiques sont parfois mal adaptés et le recours à des paramètres tels que le seuil ischémique au cours d’une épreuve d’effort est discutable pour une prise de décision thérapeutique chez un patient se déplaçant peu en raison d’une maladie de Parkinson et d’une coxarthrose invalidantes. Il est essentiel que le praticien prenne en compte les pathologies associées qui induisent non seulement une modification de l’autonomie mais aussi une prise en charge plurielle (idéalement pluridisciplinaire) à l’origine d’une forte consommation médicamenteuse (plus de 5 médicaments consommés par jour et par personne après 75 ans) qui augmente le risque iatrogène. La forte prévalence des troubles cognitifs mérite une attention particulière. Au-delà de la polypathologie, le pronostic vital et fonctionnel orientent les objectifs thérapeutiques. Prendre en compte l’impact des comorbidités, c’est raisonner en termes « d’espérance de vie ajustée ». La démographie fournit des données chiffrées d’espérance de vie moyenne en fonction des tranches d’âge. Ainsi, en moyenne, l’espérance de vie d’une femme âgée de 90 ans est de 4 ans alors que celle d’un homme est de 3 ans environ. Prendre en compte de lourdes comorbidités et des défaillances d’organe, c’est probablement réduire l’espérance de vie de moitié à ce même âge. À l’inverse, il est possible d’estimer qu’une femme de 90 ans sans défaillance viscérale ni comorbidités a une espérance de vie d’environ 7 ans (6 ans pour un homme dans les mêmes conditions). La prise en compte du contexte médical global va donc influer de façon essentielle sur la décision thérapeutique en contexte gériatrique : les objectifs diffèrent selon qu’un patient a statistiquement une espérance de vie de 5 ans ou que son pronostic vital n’excède pas un an. La confrontation de « l’espérance de vie ajustée » au délai moyen nécessaire pour observer un bénéfice thérapeutique doit permettre d’éviter les prescriptions inutiles et injustifiées. Une espérance de vie limitée par une défaillance multiviscérale invite à surseoir aux thérapeutiques qui ne seraient bénéfiques qu’après plusieurs années d’administration, supposant en outre, une observance comparable à celle des essais. Cette approche est particulièrement pertinente en ce qui concerne la prévention primaire mais les études manquent dans ce domaine et il conviendra, à l’avenir, d’appuyer nos pratiques sur des faits mieux établis spécifiquement pour la population âgée.   En pratique   Du fait de leur poids en termes de santé publique les coronaropathies du sujet âgé méritent d’être mieux étudiées. Fréquemment polypathologique, le patient âgé doit être évalué dans ce contexte et les interventions médicales multiples doivent être coordonnées pour fixer les objectifs du traitement. Les attentes du patient âgé sont fréquemment exprimées en termes de qualité plutôt que de « quantité » de vie. L’espérance de vie ajustée, déterminée à partir de la connaissance des comorbidités et défaillances viscérales, est un paramètre essentiel à prendre en compte pour instaurer un traitement, ou en arrêter un autre, à seule fin d’estimer la probabilité que l’instauration de ce traitement permettra d’en observer l’effet bénéfique potentiel.

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