Échocardiographie
Publié le 07 fév 2006Lecture 7 min
De l'écho de stress à l'étude du flux et de la réserve coronaire par Doppler - Perspectives actuelles
A. SCHEUBLÉ, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis
Nous disposons actuellement de nombreuses modalités échocardiographiques pour évaluer des cardiopathies ischémiques :
• l’échographie de stress,
• l’étude de la perfusion myocardique,
• et, depuis quelques années, l’étude du flux coronaire.
En effet, l’apport de l’imagerie harmonique et le développement de la technologie haute fréquence permettent désormais une analyse non invasive du flux coronaire et de la réserve coronaire (coronary velocity reserve, CVR) par Doppler transthoracique. La CVR étudie l’ensemble du fonctionnement de la circulation coronaire, des artères épicardiques au réseau microcirculatoire. Après un rapide aperçu des derniers développements de l’échographie de stress, nous ferons un bref rappel du concept et de la technique, puis passerons en revue les différentes applications pratiques actuelles de l’étude du flux coronaire et de la CVR.
De l'échographie de stress à l'analyse du flux et de la CVR
Schinkel, dans une large métaanalyse récente, rappelle que l’échographie de stress est plus spécifique et légèrement moins sensible que la scintigraphie myocardique d’effort dans l’évaluation des cardiopathies ischémiques. Bien que largement validée et utilisée de façon routinière, l’échographie de stress est parfois difficile à interpréter, et reste en grande partie dépendante de l’expérience de l’opérateur. En effet, l’analyse de la cinétique et de l’épaississement systolique de la paroi ventriculaire gauche est visuelle, et donc opérateur-dépendante.
L’utilisation d’agents de contraste dits de seconde génération (de type fluorocarbone : Sonovue®, Optison®, Definity®) au cours de l'échographie de stress entraîne une opacification prolongée de la cavité ventriculaire gauche et permet d’améliorer considérablement la définition des contours endocardiques chez les patients peu échogènes (figure 1).
Figure 1. Échocardiographie dobutamine avec opacification ventriculaire gauche (agent de contraste : Sonovue® ; index mécanique < 0,2 ; mode « temps réel »).
Concept et modalités techniques d’enregistrement de la CVR
Après l’étude de la cinétique segmentaire, il est possible d’enregistrer le flux coronaire en Doppler transthoracique dans l’artère interventriculaire antérieure (IVA) et parfois dans l’artère interventriculaire postérieure (IVP) (dans 81 % des cas) (figure 2). La technique d’acquisition des flux coronaires est désormais bien établie et nécessite un certain entraînement. Le flux coronaire normal a un profil typiquement diphasique, avec une nette prépondérance de la composante diastolique.
Figure 2. Visualisation de l’artère interventriculaire antérieure (IVA) par Doppler transthoracique. VG : Ventricule Gauche.
La CVR reflète l’adaptation du débit coronaire à la demande métabolique du myocarde. En effet, l’une des caractéristiques de la circulation coronaire est de ne pouvoir s’adapter à une augmentation de la demande métabolique du myocarde que par une majoration du débit coronaire. La CVR est un paramètre global, qui ne peut être normal qu’en présence de vaisseaux de conductance et de résistance intacts. Ainsi, une diminution de la CVR peut refléter soit une atteinte coronaire épicardique, soit une dysfonction microcirculatoire.
En pratique, après enregistrement de la vélocité coronaire basale, l’injection intraveineuse d’adénosine (140 µg/kg/min pendant 5 minutes) entraîne une vasodilatation coronaire maximale (ou hyperémie) qui se traduit par une augmentation de la vélocité coronaire. Le rapport des vélocités coronaires (hyperémie/basale) définit la CVR (figure 3).
Figure 3. Mesure de la réserve coronaire (CVR) chez le patient de la figure 1. La CVR est normale (CVR > 2). À gauche : le flux coronaire basal (noter la prédominance de la composante diastolique). À droite : le flux coronaire hyperémique (sous adénosine 140µg/kg/min, Fréquence Doppler : 7 MHz).
Analyse fonctionnelle de la macrocirculation coronaire
Retentissement fonctionnel des sténoses épicardiques
La CVR est inversement corrélée au degré de sténose épicardique. Si une CVR < 2 témoigne le plus souvent d’une sténose coronaire serrée, elle peut également témoigner du retentissement fonctionnel d’une sténose jugée intermédiaire angiographiquement.
Sur une population de 47 patients présentant une sténose intermédiaire de l’IVA (40-70 %), Daimon montre qu’une CVR < 2 permet de prédire une ischémie réversible dans le territoire antérieur, et donc d’affirmer une probable responsabilité de la sténose dans les symptômes présentés par le patient.
Resténose intrastent
À l’ère des stents « coatés » exposant le patient à des risques de resténose moindre, l’étude de la CVR par Doppler transthoracique a l’avantage de permettre un dépistage non invasif, répété et ambulatoire de la resténose intrastent. La CVR semble se normaliser dans les premiers jours suivant l’implantation d’un stent.
Ainsi, la constatation d’une diminution progressive de la CVR à distance d’une angioplastie avec mise en place d’un stent doit faire suspecter une resténose.
Pontages mammaires-IVA
Bien que les pontages des artères mammaires internes soient relativement préservés du processus athéromateux, une dégénérescence de ces pontages peut survenir dans environ 10 % des cas à 10 ans. Le contrôle coronarographique reste la référence, mais l’analyse du flux mammaire et surtout de la CVR sur l’IVA native, en aval de l’anastomose avec le pontage, peut renseigner sur l’état fonctionnel du pontage mammaire.
Le profil du flux mammaire se modifie tout au long de son trajet : biphasique à prédominance systolique dans sa partie proximale, évoluant vers une diminution de la composante systolique au profit de la composante diastolique, aboutissant au flux classique de l’IVA native en aval de l’anastomose du pontage. En cas de dysfonction de pontage, ce flux se modifie avec une nette prépondérance de la composante systolique.
Pizzuto a récemment montré que la mise en évidence d’une CVR basse (< 2) au niveau de l’IVA native, en aval de l’anastomose, est très évocatrice de dysfonction du pontage mammaire.
Intérêt dans l’étude de la micro-circulation coronaire
Évaluation non invasive de la reperfusion myocardique après infarctus
La perméabilité de l’artère épicardique coronaire n’est pas toujours synonyme de reperfusion complète. En effet, plus d’un tiers des patients qui présentent une artère coronaire parfaitement recanalisée (flux TIMI3 angiographique) conservent une hypoperfusion myocardique en rapport avec des lésions microvasculaires persistantes (no-reflow). Chez ces patients, le pronostic est plus péjoratif et la récupération de la fonction ventriculaire gauche à distance est diminuée.
Le phénomène de non-reperfusion (no-reflow) se traduit par une obstruction diffuse des microvaisseaux dans le territoire de l’infarctus. En présence d’un no-reflow, le flux coronaire présente une morphologie tout à fait particulière, associant un flux systolique rétrograde précoce (early systolic retrograde flow, ESRF) et une pente de décélération diastolique raide (figure 4). Le Doppler transthoracique permet non seulement d’identifier ce profil de no-reflow de façon non invasive, mais aussi de suivre l’évolution de ce paramètre dans les heures qui suivent l’infarctus du myocarde (IDM).
Figure 4. Profil coronaire caractéristique de no-reflow (Doppler pulsé) après infarctus. Présence d’un ESRF (early systolique retrograde flow) et d’une pente de décélération diastolique raide (trait blanc).
Plusieurs équipes ont montré que la persistance d’un flux de no-reflow 24 heures après l’IDM antérieur était associée à une absence de réserve contractile à distance.
De même, l’évolution de la CVR après un IDM reflète la qualité de la reperfusion myocardique. Après recanalisation de l’artère occluse, la CVR est basse, mais s’améliore rapidement en l’absence de no-reflow.
Dans un travail portant sur 29 IDM antérieurs revascularisés par angioplastie primaire, Ueno a montré qu’une valeur de CVR > 1,5, 24 heures après la revascularisation, est associée à la présence de viabilité avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 91 %.
Évaluation d’un traitement sur la microcirculation coronaire
L’étude non invasive de la CVR par Doppler transthoracique permet d’apprécier relativement simplement la microcirculation coronaire.
- Plusieurs travaux récents ont étudié l’action des statines sur la microcirculation coronaire. Hinoi a montré chez 32 patients indemnes de lésion coronaire, une amélioration significative de la CVR dans l’heure qui suit l’administration de 40 mg d’atorvastatine. Le mécanisme pourrait être un effet antioxydant propre des statines (par induction de la synthèse de NO synthase, et augmentation de la vasodilatation coronaire endothélium-dépendante), indépendant de leur effet hypocholestérolémiant.
À plus long terme, les statines pourraient avoir des effets bénéfiques sur la microcirculation coronaire. Dans une population très restreinte de 16 patients, Fujimoto fait état d’une amélioration concomitante de la CVR et de la cholestérolémie après 3 mois de traitement par 20 mg de fluvastatine.
- Un autre exemple récent est le suivi non invasif de la CVR chez des patients porteurs d’une cardiomyopathie dilatée (CMD) idiopathique et traités par carvédilol. Chez 12 patients porteurs d’une CMD, Sugioka a montré une amélioration de la CVR dès le premier mois de traitement (CVR = 2,6 à J0 vs 3,5 à 1 mois, p < 0,05) et se poursuivant à 6 mois (CVR = 3,7, p < 0,05). Cette amélioration de la CVR résulte essentiellement de l’augmentation du flux capillaire devenant hyperémique.
Parmi les mécanismes invoqués pour expliquer ce résultat, on peut citer l’action du bêtabloquant sur la diminution de la résistance microvasculaire coronaire et sur l’allongement de la diastole permettant une meilleure perfusion coronaire, ainsi qu’un effet propre vasodilatateur par blocage des récepteurs alpha-1 bloquants.
Bien que limitées, ces études témoignent de la faisabilité de l’étude de la microcirculation coronaire par Doppler transthoracique.
Pour la pratique
Après l’étude de la cinétique segmentaire, de la perfusion myocardique, il est désormais possible d’étudier le flux coronaire et la réserve coronaire par Doppler transthoracique. Il s’agit d’une technique non invasive et reproductible, mais d’apprentissage souvent laborieux.
L’étude du flux coronaire et la mesure de la réserve coronaire peuvent apporter des réponses physiopathologiques aux préoccupations quotidiennes des cliniciens.
Au niveau épicardique, la perspective d’un suivi non invasif, avec des paramètres simples, est particulièrement intéressante pour l’évaluation du retentissement fonctionnel d’une sténose coronaire intermédiaire, pour le dépistage de la resténose intrastent à l’ère des stents « coatés », et pour l’évaluation de la perméabilité d’un pontage mammaire sur l’IVA.
L’évaluation de la microcirculation coronaire est le deuxième grand pôle d’application, car la méthode reste une évaluation essentiellement à portée clinique et relativement simple.
L’analyse du flux coronaire et de la réserve coronaire devrait représenter dans l’avenir proche une ouverture de l’échographie Doppler « standard » à la physiopathologie de la macro- et microcirculation coronaire.
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