Publié le 26 jan 2010Lecture 6 min
Dyslipidémies : quoi de neuf à l'AHA ?
M. FARNIER, Dijon
AHA
Le congrès AHA 2009 a été le reflet de la situation actuelle dans l’évolution du traitement des dyslipidémies. En effet, en l’absence d’études cliniques nouvelles importantes, c’est une étude sur un critère intermédiaire (épaisseur intima-média carotidienne) qui a été retenue en hot-line, l’étude ARBITER 6-HALTS (HDL And LDL Treatment Strategies)(1).
ARBITER 6
L’objectif de cette étude a été de comparer l’effet de deux traitements, l’acide nicotinique (ou niacine) et l’ézétimibe, chez des patients à haut risque ayant atteint l’objectif LDL-cholestérol (LDL-C) sous statine. Cet essai randomisé en groupes parallèles et réalisé en ouvert avait comme critère principal d’évaluation l’évolution de l’EIM carotidienne après 14 mois de traitement. Au total, 363 patients ont été randomisés : 176 dans le groupe ézétimibe 10 mg/j et 187 sous niacine LP 2 g/j. Cet essai a été arrêté prématurément en juin 2009 après qu’une analyse intermédiaire a montré un bénéfice au profit de la niacine. Les résultats présentés à l’AHA et publiés simultanément ont concerné seulement les 208 patients ayant terminé l’essai au moment de l’arrêt prématuré.
Ces 208 patients étaient essentiellement des hommes (80 %), d’âge moyen 65 ans, traités depuis en moyenne 6 ans surtout par simvastatine ou atorvastatine (95 % des cas) à une dose moyenne de plus de 40 mg/jour. Le LDL-C à l’inclusion était de 0,82 g/l, avec un HDL-cholestérol (HDL-C) de 0,42 g/l. L’EIM carotidienne était aux alentours de 0,90 mm.
Sous traitement, les deux groupes ont atteint des taux de LDL-C proches (0,70 g/l dans le groupe niacine, et 0,66 g/l dans le groupe ézétimibe). Par contre et comme attendu, l’évolution a été significativement différente sur le HDL-C qui a augmenté de 18,4 % sous niacine. Les triglycérides ont également davantage baissé sous niacine.
L’acide nicotinique a été logiquement plus efficace sur le critère principal, avec l’absence d’évolution de l’EIM carotidienne dans le groupe ézétimibe et régression significative sous niacine (p = 0,003 entre les deux groupes).
Ce résultat est celui attendu puisque l’effet sur le LDL-C était sensiblement le même dans les deux groupes et chez des patients traités depuis longtemps par statine avec un LDL-C à l’objectif, comme dans d’autres essais antérieurs, il est difficile d’obtenir un effet sur l’EIM carotidienne. Le comparateur ézétimibe a surtout comme intérêt d’apporter des arguments en faveur du bénéfice de l’acide nicotinique indépendamment de l‘évolution du LDL-C, vraisemblablement en grande partie en raison de l’élévation du HDL-C, sans oublier les autres effets favorables de l’acide nicotinique sur les triglycérides et la lipoprotéine (a). Une tendance favorable en faveur de l’acide nicotinique a été constatée sur l’évolution des événements cardiovasculaires majeurs, toutefois trop peu nombreux pour pouvoir obtenir une conclusion valide en terme de bénéfice clinique.
Que faut-il surtout retenir de cet essai ? Aucune information nouvelle particulière vis-à-vis de l’ézétimibe : ce dérivé a été utilisé hors indication dans ARBITER 6 et il n’y avait pas de groupe contrôle. Par contre, cet essai est un nouvel argument en faveur de l’acide nicotinique à posologie efficace (2 g/j) chez des patients à haut risque bien traités par statine, ayant atteint l’objectif LDL-C et pour lesquels le taux de HDL-C est plutôt bas. L’acide nicotinique devrait permettre de réduire le risque cardiovasculaire résiduel des patients à haut risque à l’objectif LDL-C, mais il faudra toutefois les résultats des essais cliniques en cours (AIM-HIGH et HPS2-THRIVE) pour pouvoir affirmer que l’acide nicotinique en association avec une statine réduit les événements cardiovasculaires ischémiques.
JUPITER : de nouvelles analyses complémentaires
Plusieurs nouvelles analyses de l’étude JUPITER apportent des informations complémentaires vis-à-vis du bénéfice de la rosuvastatine en fonction du sexe, du niveau de LDL atteint et de la présence ou non d’une anomalie de la glycémie à jeun.
Rappelons que JUPITER a inclus 6 801 femmes âgées d’au moins 60 ans et 11 001 hommes d’au moins 50 ans. À l’inclusion, les femmes étaient logiquement plus âgées et avaient également plus d’hypertension et de syndrome métabolique, mais fumaient moins. En termes de risque absolu, les femmes ayant reçu le placebo étaient nettement moins à risque que les hommes (environ 50 % d’excès de risque chez les hommes sous placebo). Par contre, la réduction du risque relatif d’événements cardiovasculaires a été similaire chez les hommes et les femmes (HR 0,54 pour les femmes et 0,58 pour les hommes) (Mora et al. Abstract n° 1426).
L’efficacité et la sécurité d’emploi de la rosuvastatine ont été évaluées chez les patients ayant atteint des taux très bas de LDL-C (définis comme < 0,50 g/l). Les prédicteurs indépendants d’atteinte de ces taux très bas de LDL-C ont été :
– un âge plus avancé,
– un taux basal de LDL-C plus bas,
– un IMC plus élevé,
– une meilleure adhérence au traitement.
Il n’a pas été observé davantage d’effets secondaires chez les patients avec LDL-C très bas, mais il y a eu moins d’événements cardiovasculaires chez les patients ayant atteint un LDL-C inférieur à 0,50 g/l (Hsia et al. Abstract n° 1422).
Enfin, l’effet de la rosuvastatine dans JUPITER a été évalué chez les patients avec ou sans anomalie de la glycémie à jeun et le bénéfice a été similaire dans les deux groupes (Pradhan et al. Abstract n° 1425).
Les agents lipido-régulateurs du futur
Il est encore nécessaire de rechercher de nouvelles stratégies thérapeutiques pour abaisser les LDL, en particulier pour traiter les hypercholestérolémies sévères, essentiellement les formes familiales, ainsi que pour mieux abaisser les taux de LDL-C chez les patients à haut risque cardiovasculaire dont nombreux sont loin de l’objectif souhaitable. Pour la population très particulière des hypercholestérolémies familiales homozygotes, des résultats prometteurs ont été présentés avec deux stratégies : un inhibiteur de la MTP, le lomitapide et un oligonucléotide antisense de l’apoB100, le mipomersen.
Le lomitapide
Chez 14 patients avec hypercholestérolémie familiale homozygote ayant été traités par le lomitapide pendant au moins 26 semaines avec une dose médiane de 40 mg/j, ont été obtenues des baisses du LDL-C de 49 % et de l’apoB de 43 %. Il faudra toutefois des données de tolérance à long terme pour être certain qu’il n’y ait pas au long cours un risque de stéatose hépatique avec ce produit (Cuchel et al. Abstract n° 1077).
Le mipomersen
Il a été évalué chez 51 patients avec hypercholestérolémie familiale homozygote, randomisés (2/1) soit sous mipomersen 200 mg, soit sous placebo, et traités à raison d’une injection sous-cutanée par semaine pendant 26 semaines. Le LDL-C a significativement diminué de 24,7 % sous mipomersen (-3,3 % sous placebo), avec également des baisses significatives des taux d’apoB, de triglycérides et de lipoprotéine (a). À noter toutefois des réactions cutanées fréquentes au site d’injection et quelques cas d’élévation des transaminases (Raal et al. Abstract n°1311 et Cromwell et al. Abstract 1312). Ces deux approches donnent toutefois des espoirs à ces patients très sévères pour lesquels les moyens médicamenteux restent limités.
L’autre approche intéressante pour le futur semble être l’utilisation d’anticorps dirigés contre la protéine PCSK9 dans le but d’inhiber la liaison de PCSK9 au LDL récepteur et ainsi d’atténuer la dégradation de ces LDL récepteurs induite par cette liaison avec PCSK9. Des résultats observés sur des modèles de souris transgéniques et chez des singes rhésus sont déjà prometteurs (Condra et al. Abstract n° 1317).
Le développement d’inhibiteurs de la CETP se poursuit
Dans un autre domaine, malgré l’échec du torcétrapib, le développement d’inhibiteurs de la CETP se poursuit : deux molécules sont en développement et se différencient du torcétrapib par l’absence d’effets délétères sur la pression artérielle. Le dalcétrapib se lie à un site particulier de la CETP, site différent de ce qui a été observé pour le torcétrapib et l’anacétrapib (Maugeais et al. Abstract n° 1343). L’anacétrapib a été bien toléré dans un essai de phase II et est en cours d’évaluation en phase III. Les résultats observés après 8 semaines d’arrêt de traitement au terme de la phase II suggèrent un effet lipidique résiduel persistant en rapport avec la présence du médicament dans le tissu adipeux en raison de sa forte liposolubilité (Bloomfield et al. Abstract n° 1272). Compte tenu de l’incertitude existant encore vis-à-vis du bénéfice ou non à inhiber la CETP, ces deux médicaments, dalcétrapib et anacétrapib doivent être évalués en termes de bénéfice clinique cardiovasculaire avant de pouvoir être mis à la disposition du corps médical.
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