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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 11 jan 2011Lecture 7 min

Quand le clinicien doit-il adresser son patient pour une resynchronisation ?

N. LELLOUCHE, Hôpital Henri Mondor, Créteil

L’insuffisance cardiaque systolique est une pathologie très fréquente touchant surtout la population âgée. Son incidence est en constante augmentation et sa mortalité reste élevée, de l’ordre de 50 % à 5 ans malgré les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses. L’ensemble des données épidémiologiques récentes montre que les cardiologues traitants auront de plus en plus souvent à prendre en charge ce type de patients.
La resynchronisation cardiaque (associée ou non à un défibrillateur) s’est imposée depuis quelques années comme un traitement important du patient insuffisant cardiaque systolique, permettant de diminuer la morbidité et la mortalité de cette population. Par ailleurs, de nouvelles études ont montré que même des patients insuffisants cardiaques pauci-symptomatiques pouvaient bénéficier de cette thérapeutique. Ainsi, les recommandations européennes publiées en août 2010 ont redéfini les indications actuelles de la resynchronisation cardiaque. Il est donc essentiel de retenir que tout patient insuffisant cardiaque systolique doit être évalué dans le cadre d’une indication éventuelle à une resynchronisation cardiaque.

Les indications de la resynchronisation cardiaque chez l’insuffisant cardiaque sont résumées dans l’encadré reprenant les dernières recommandations européennes.   Rappels physiopathologiques Les troubles de la conduction électrique sont fréquents au cours de l’insuffisance cardiaque systolique. On estime que 30 à 40 % des patients en insuffisance cardiaque ont des anomalies de la conduction auriculoventriculaire et/ou intraventriculaire. Ces anomalies électriques sont représentées sur l’ECG de surface par l’allongement progressif de l’espace PR (présence d’un BAV 1) et/ou l’allongement de la durée des QRS représenté par un bloc de branche gauche ou droit, ou de troubles non spécifiques de la conduction intraventriculaire. Ces troubles de la conduction électrique par eux-mêmes peuvent entraîner des anomalies de la fonction diastolique et systolique du myocarde. Cela peut se traduire par des anomalies de mouvement du septum interventriculaire et de la paroi latérale, une diminution de la contractilité (dP/dt), un temps de remplissage diastolique réduit ou une prolongation de la durée d’une insuffisance mitrale. La resynchronisation cardiaque permet sur le plan physiopathologique de rétablir une conduction auriculoventriculaire adaptée et une contraction myocardique plus homogène. Sur le plan pratique, la resynchronisation cardiaque est assurée par une stimulation biventriculaire qui correspond à une stimulation cardiaque simultanée avec 2 sondes : l’une positionnée dans le ventricule droit et l’autre dans une veine épicardique, branche du sinus coronaire, permettant de stimuler le ventricule gauche. Cette méthode a prouvé son efficacité en réduisant de manière significative la morbi-mortalité des patients insuffisants cardiaques avec des QRS larges. Toutefois, environ un tiers des patients éligibles ne sont pas améliorés par cette resynchronisation. Il reste donc à optimiser cette technique, notamment en sélectionnant mieux les patients potentiellement « répondeurs » avant implantation. Pour cela, de nombreux indices de prédiction échocardiographique ont été décrits. Toutefois, l’étude PROSPECT a récemment montré qu’aucun indice échographique pris isolément ne permet à ce jour de prédire correctement la réponse à la resynchronisation cardiaque. L’utilisation d’indices combinés ou de nouveaux outils d’imagerie comme l’IRM ou l’échographie avec le 3D, le strain rate ou le speckle tracking sont en cours d’évaluation pour permettre d’améliorer la prédiction de réponse à la resynchronisation cardiaque. Ceci explique aussi pourquoi aucun indice d’imagerie n’est encore utilisé dans les recommandations pour la resynchronisation cardiaque.   Indications chez le patient symptomatique en rythme sinusal Ces indications sont issues de plusieurs études multicentriques randomisées, principalement : MUSTIC : cette étude a randomisé 131 patients en stade III NHYA avec une fraction d’éjection inférieure à 35 % et des QRS ≥ 150 ms. Chaque groupe de patients avait une phase de stimulation biventriculaire pendant 3 mois alors que l’autre groupe ne l’avait pas, puis inversement sur les 3 mois suivants (étude en cross-over). Lors de la phase de stimulation biventriculaire, les patients étaient significativement améliorés sur le plan symptomatique avec un test de marche allongé, un pic de VO2 augmenté, un score de qualité de vie amélioré de 32 % et un nombre d’hospitalisations 3 fois moins important. COMPANION : cette étude était fondée sur l’hypothèse que, comparativement à un traitement médicamenteux optimal seul de l’insuffisance cardiaque, l’adjonction d’une resynchronisation cardiaque associée ou non à un défibrillateur automatique implantable (DAI) était susceptible de modifier favorablement le risque combiné de décès et d’hospitalisations de toute cause chez des patients en insuffisance cardiaque modérée à sévère (stade III-IV de la NYHA avec FE ≤ 35 %) avec troubles de la conduction intraventriculaire (QRS ≥ 130 ms). L’étude a conclu que la resynchronisation cardiaque avec ou sans défibrillateur diminue le taux de mortalité toutes causes et de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque de 35-40 %. CARE-HF : cette étude a inclus des patients en stade III-IV de la NYHA avec FE ≤ 35 % et QRS > 150 ms ou entre 120 et 150 ms avec un critère échocardiographique de désynchronisation. La resynchronisation cardiaque a permis, dans cette population, une réduction significative du critère de jugement primaire composite (mortalité ou hospitalisation pour un événement cardiovasculaire majeur) et une réduction significative de la mortalité totale (p < 0,001). L’indication actuelle de resynchronisation dans cette population est donc l’insuffisance cardiaque traitée médicalement de manière optimale en rythme sinusal, stade III ou IV NYHA, FEVG ≤ 35 % et QRS ≥ 120 ms.   Indications chez le patient en fibrillation auriculaire chronique Le niveau de preuve de l’efficacité de la resynchronisation cardiaque concernant les patients insuffisants cardiaques avec QRS larges et en fibrillation auriculaire chronique est plus faible car la plupart des études randomisées ont inclus des patients en rythme sinusal. Toutefois, de nombreuses publications ont souligné un effet bénéfique de la resynchronisation chez ces patients. Pour observer un bénéfice, il est admis que le patient doit être stimulé en biventriculaire pendant au moins 95 % du temps. Cela implique donc un très bon ralentissement de la FA, le plus souvent nécessitant une ablation du nœud auriculo-ventriculaire. Il est à noter que la resynchronisation chez les patients en fibrillation auriculaire ne doit être proposée qu’à ceux chez lesquels une tentative de réduction ne peut être proposée, notamment par une ablation de fibrillation auriculaire. En effet, une étude récente a montré la supériorité de l’ablation de fibrillation auriculaire sur la resynchronisation cardiaque chez les patients insuffisants cardiaques systoliques en fibrillation auriculaire. L’indication actuelle de resynchronisation dans cette population est donc l’insuffisance cardiaque traitée médicalement de manière optimale en FA chronique (non réductible), stade III-IV NYHA, FEVG ≤ 35 % et QRS ≥ 130 ms.   Faut-il implanter un pacemaker ou un DAI chez un patient à resynchroniser ? Il n’existe pas à ce jour d’études démontrant la supériorité de la resynchronisation associée à un DAI ou à un pacemaker. Il est donc laissé à l’appréciation du médecin implanteur de choisir l’une ou l’autre de ces prothèses. Toutefois, si le patient présente par ailleurs une indication à un DAI dans le cadre de la prévention primaire ou plus rarement secondaire de la mort subite chez l’insuffisant cardiaque, la resynchronisation doit être associée à l’implantation d’un DAI. Il est à noter que dans la grande majorité des cas ces patients ont aussi cette indication et sont donc implantés avec un DAI avec fonction de resynchronisation. Cependant, chez le patient pour lequel un DAI est envisagé, il est recommandé d’estimer son espérance de vie à au moins 1 an.   Faut-il resynchroniser les insuffisants cardiaques pauci-symptomatiques ? Deux études récentes se sont intéressées à l’effet de la resynchronisation cardiaque chez les insuffisants en stade I-II de la NYHA : L’étude REVERSE a inclus des patients en stade I-II de la NYHA, en rythme sinusal avec FE ≤ 40 % et QRS ≥ 120 ms qui bénéficiaient d’une resynchronisation cardiaque en cross-over. Même si le critère principal de jugement de morbidité n’était pas significatif, cette étude a montré un effet positif de la resynchronisation cardiaque chez ces patients sur des paramètres échocardiographiques de fonction ventriculaire gauche. L’étude MADIT CRT a étudié l’effet de la resynchonisation de patients ayant une FEVG ≤ 30 %, que leur cardiopathie soit ischémique (stade I-II NYHA) ou non (stade II NYHA), qui avaient des QRS > 130 ms et qui ont tous été implantés avec un DAI. Cette étude a montré que les patients resynchronisés avaient une réduction de 34 % du critère primaire combinant mortalité et décompensation cardiaque. Cette réduction se faisait essentiellement par le biais d’une réduction de 41 % des décompensations cardiaques dans le groupe resynchronisé. Toutefois, ce bénéfice était particulièrement important chez les patients présentant des QRS de base ≥ 150 ms. Par ailleurs, 84 % des patients inclus dans cette étude étaient en classe II de la NYHA. Ces éléments expliquent que l’indication retenue chez les patients pauci-symptomatiques soit : FE ≤ 35 % en stade II de la NYHA avec QRS ≥ 150 ms.   Faut-il resynchroniser les insuffisants cardiaques avec des QRS fins ? De nombreuses études ont montré un intérêt potentiel à resynchroniser des patients insuffisants cardiaques symptomatiques avec QRS fins. Toutefois, l’étude RethinQ a montré l’absence de bénéfice d’une resynchronisation chez des patients insuffisants cardiaques symptomatiques avec QRS < 120 ms et présentant une indication à un DAI. Il n’existe donc actuellement aucune indication à resynchroniser des patients insuffisants cardiaques avec QRS fins. Des indices prédictifs de désynchronisation dans cette sous-population sont en cours d’évaluation pour sélectionner de potentiels répondeurs à la resynchronisation cardiaque.   En pratique   L’insuffisance cardiaque systolique est une pathologie dont la prévalence et l’incidence augmentent de manière importante. Même si le traitement médical reste le traitement de première intention de cette pathologie, la resynchronisation cardiaque a montré son efficacité surtout chez les patients présentant un allongement de la durée des QRS. Par ailleurs, les indications se sont récemment élargies à des patients pauci-symptomatiques. Tout patient insuffisant cardiaque systolique doit donc être évalué pour poser l’indication d’une éventuelle resynchronisation.

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