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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 22 juin 2010Lecture 5 min

Fibrillation atriale et insuffisance cardiaque : reste-t-il des indications d'ablation du nœud auriculo-ventriculaire ?

D. BABUTY, Hôpital Trousseau, CHU Tours

L’insuffisance cardiaque et la fibrillation auriculaire (FA) sont deux pathologies extrêmement fréquentes et fortement intriquées, réalisant un cercle vicieux électromécanique. En effet, l’incidence de la FA est de 5,4 % par an dans l’insuffisance cardiaque et celle de l’insuffisance cardiaque est de 3,3 % par an dans la FA. La prévalence de la FA augmente avec la sévérité de l’insuffisance cardiaque (5 % dans la classe NYHA I-II, 15 à 30 % dans la classe NYHA III-IV). Le traitement de FA se heurte à trois limites : non seulement la stratégie du maintien du rythme sinusal n’a pas fait ses preuves, la plupart des antiarythmiques sont contre-indiqués en dehors de l’amiodarone (le dofétilide n’étant pas disponible en France) et le niveau de preuve en termes d’efficacité de l’ablation de la FA est bas à ce jour. La stratégie du contrôle de la cadence ventriculaire est de ce fait une stratégie de choix chez les patients insuffisants cardiaques.

Stratégie thérapeutique de la FA dans l’insuffisance cardiaque Depuis de nombreuses années l’approche consistant à contrôler la cadence ventriculaire a fait la preuve de son efficacité en termes de mortalité et de morbidité (AFFIRM, PIAF, RACE, STAF, HOTE CAFE). Cependant dans l’insuffisance cardiaque, jusqu’en 2008, la stratégie maintien du rythme sinusal était empiriquement considérée comme préférable : la systole auriculaire, la régularité de la cadence ventriculaire concourrant à optimiser le débit cardiaque au repos et à l’effort. Cette stratégie a été remise en cause par l’étude CHF-AF. Chez 1 376 patients enrôlés soit dans le bras contrôle de la fréquence (694), soit dans le bras contrôle du rythme (682), aucune différence significative en termes de mortalité globale, cardiovasculaire, morbidité liée aux accidents vasculaires cérébraux ischémiques et hospitalisations pour insuffisance cardiaque n’a été démontrée(1).   Contrôle de la cadence ventriculaire dans la FA chez l’insuffisant cardiaque Cette stratégie nous est proposée par les recommandations internationales chez les patients pauci- ou asymptomatiques ou encore chez les patients résistant aux antiarythmiques ou chez qui une ablation de la FA n’a pas été retenue ou a échoué(2). Deux méthodes s’offrent à nous pour contrôler la cadence ventriculaire : les médicaments bloqueurs du nœud auriculo-ventriculaire (NAV) ou l’ablation du NAV. Dans l’insuffisance cardiaque les médicaments ralentisseurs sont les digitaliques, les bêtabloquants et l’amiodarone ; les inhibiteurs calciques ne sont pas recommandés du fait de leur effet inotrope négatif. Leur efficacité reste partielle, leur tolérance variable. C’est ainsi que, dans l’étude AFFIRM, un pacemaker a été implanté chez 12,6 % des patients(3). Par ailleurs, le contrôle de la fréquence cardiaque par l’ablation du NAV semble préférable en termes mortalité et de morbidité cardiovasculaire chez les patients en FA avec QRS élargis relevant d’une resynchronisation cardiaque(4).   L’ablation du NAV une solution efficace L’ablation du NAV est une procédure simple avec un taux de succès très élevé, de 98 à 99 %. Le taux de réapparition d’une conduction AV est de l’ordre de 7 à 10 %, nécessitant une deuxième procédure. Le taux de décès subit à court terme initialement élevé (0 à 9 %) a été attribué à des épisodes de torsade de pointe sur bradycardie. Depuis qu’une programmation systématique de la fréquence de stimulation un peu rapide 80 min pendant 2 à 3 mois est réalisée, le taux de décès subit est faible, de l’ordre de 2 % comparable à celui observé dans une population de FA comme celle de SPAF(5). L’ablation du NAV répond à la plupart des objectifs du traitement de la FA récemment définis par un groupe d’experts (tableau 1)(6). Ablation du NAV et mortalité Deux auteurs ont montré chez les patients insuffisants cardiaques avec FA une diminution de la mortalité après ablation du NAV. Chez des patients dont la durée des QRS n’était pas spécifiée, l’ablation du NAV était associée à une amélioration de la survie lorsque la fraction d’éjection était améliorée (68 % des patients)(7). Gasparini a observé, chez les patients avec QRS larges ayant subi une ablation du NAV suivie de l’implantation d’un stimulateur biventriculaire, une mortalité comparable à celle des patients en rythme sinusal à QRS large implantés d’un stimulateur biventriculaire. Dans cette étude le contrôle de la cadence ventriculaire par ablation du NAV était supérieur au traitement ralentisseur, en termes de mortalité totale et cardiovasculaire(4). Ablation du NAV et amélioration des symptômes et de la qualité de vie La métaanalyse de Wood a mis en évidence chez 1 073 patients l’efficacité de l’ablation du NAV chez les patients en FA non contrôlée par les agents médicamenteux(8). L’amélioration porte sur la qualité de vie, les symptômes, la classe NYHA et les capacités à l’effort. Ces résultats ont été confirmés sur un groupe de patients avec QRS larges chez lesquels un stimulateur biventriculaire était implanté après l’ablation du NAV(9). Il faut toutefois noter que, dans l’étude PABA-CHF, une amélioration fonctionnelle n’était pas observée à 6 mois probablement parce que la moitié des patients ayant eu une ablation du NAV avaient une FA paroxystique et des QRS fins(10). Ablation du NAV et morbidité cardiovasculaire La morbidité cardiovasculaire est rarement évaluée dans le traitement de la FA, en particulier les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l’insuffisance cardiaque. La fréquence des AVC après ablation du NAV n’a pas été étudiée à notre connaissance à ce jour, pas plus que l’effet des antiarythmiques et de l’ablation de la FA, excepté dans quelques études non randomisées(11). L’ablation du NAV diminue le nombre d’admissions à l’hôpital(8) et la mortalité par insuffisance cardiaque(4). De plus, le nombre de patients répondeurs à la stimulation biventriculaire est plus élevé après ablation du NAV(9). Ablation du NAV et fonction ventriculaire gauche La plupart des études ont montré une amélioration de la FEVG après ablation du NAV chez les patients mal contrôlés par les agents bloqueurs du NAV(7,8). Chez les patients avec QRS élargis, l’ablation du NAV était particulièrement bénéfique, la récupération de la FEVG étant comparable à celle des patients en rythme sinusal avec resynchronisation ventriculaire(9). L’amélioration de la FEVG est de l’ordre de 4,4 à 14 %(7-9). Un taux très proche de répondeurs (68 %) a été retrouvé dans les deux études incluant exclusivement des patients avec insuffisance cardiaque(7,9). Ablation du NAV et mode de stimulation L’étude PAVE(12) a démontré l’effet délétère de la stimulation ventriculaire droite apicale chez les patients insuffisant cardiaque avec FEVG altérée ayant subi une ablation du NAV. Une stimulation biventriculaire est donc préférable en améliorant non seulement la capacité fonctionnelle, la FEVG mais aussi de la survie, comparable à celle des patients en rythme sinusal avec stimulation biventriculaire(4,9). Ablation du NAV et coût Peu d’études ont évalué le coût de cette stratégie thérapeutique. En 1997, l’évaluation faite par Knight apparaissait coûteuse à long terme du fait des contrôles de pacemaker et des changements de boîtier. Cependant, dans l’évaluation de la stratégie médicamenteuse, le coût des hospitalisations pour insuffisance cardiaque n’était pas pris en compte de même que l’évaluation du coût de l’ablation de la FA dans l’insuffisance cardiaque n’a pas fait l’objet d’étude économique ; seule une modélisation est disponible au Canada en dehors de l’IC. Indications de l’ablation du NAV dans la FA avec insuffisance cardiaque Celles-ci sont résumées dans le tableau 2. Quelques-unes sont particulières comme la présence de chocs électriques inappropriés chez les patients porteurs d’un DAI ou une stimulation biventriculaire incomplète sur les 24 heures chez les patients avec stimulateur biventriculaire.

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