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Explorations-Imagerie

Publié le 15 mar 2011Lecture 7 min

Troponine hypersensible : du laboratoire à la clinique

G. LAMBERT

Les Journées européennes de la SFC
Le dosage de la troponine (Tn) a modifié en profondeur le diagnostic et la prise en charge des syndromes coronariens aigus au point qu’il a été intégré à la définition de l’infarctus du myocarde (IDM) par les sociétés européenne et américaine de cardiologie (ESC et ACC). Aujourd’hui la troponine T hypersensible (TnT Hs) permet d’accroître encore les performances diagnostiques.
Jean-Philippe Collet (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a rappelé que la troponine, qui est un marqueur universel, est prise en compte dans les différents types d’infarctus : infarctus spontané, secondaire (par exemple anémie aiguë ou en postopératoire), infarctus de type III (mort subite), infarctus post angioplastie (type 4a), par thrombose de stent (4b) ou post pontage (4c). La troponine a également une valeur pronostique car elle permet d’identifier les patients à haut risque présentant un syndrome coronaire aigu sans sus décalage de ST (SCA ST- ou non STEMI) et d’adapter en conséquence la stratégie thérapeutique.

Des critères définis par les sociétés savantes Monique Dehoux (Hôpital Bichat Claude Bernard, Paris) a souligné que les recommandations des sociétés de cardiologie préconisent un seuil de décision au 99e percentile de la distribution dans une population en bonne santé avec une variation analytique ≤ 10 % et une cinétique caractéristique en cas d’IDM. Or, dans la majorité des essais disponibles jusqu’alors, les dosages ne répondaient pas à ces recommandations, c’est pourquoi de nouvelles techniques ont été mises au point, en particulier la TnT Hs qui répond à l’ensemble des critères définis par les sociétés savantes. La définition d’une troponine hypersensible peut varier, mais la plupart des auteurs s’accordent à la formuler en deux volets, l’un analytique, qui précise l’amélioration de la sensibilité, l’autre clinique, qui indique comment cette technique accroît les performances diagnostiques et la prise en charge du SCA. La plus grande sensibilité, qui permet de doser de plus faibles valeurs de la Tn, passe par une optimisation du signal analytique de sorte que pour des variations de concentrations identiques de Tn, les variations de signal analytique sont plus amples. Cette technique améliore également la précision et la reproductibilité des résultats. Les dosages conventionnels détectaient des taux d’environ 100 pg/mL (0,1 μg/L) ; avec la TnT Hs on multiplie la sensibilité analytique par 10 et on peut doser des valeurs de l’ordre de 10 ng/L (0,01 μg/L) avec une bonne fiabilité. En effet Avec la TnT Hs on peut mesurer la valeur de la Tn sur la moitié d’une population saine, avec une variation < 9 %. L’amélioration de la sensibilité permet un diagnostic plus précoce de l’IDM comme l’a notamment montré l’étude prospective de T. Richlin et al.1 chez 718 patients admis aux urgences pour une douleur thoracique évoquant un IDM. Le dosage de la TnT Hs permet d’obtenir, en termes de performances diagnostiques, une aire sous la courbe deux heures après le début des symptômes pratiquement équivalente à celle observée avec les dosages usuels de Tn à la dixième heure. Le revers de la médaille est que le gain en sensibilité se traduit par une diminution de la spécificité si l’on considère simplement une valeur absolue. En effet, la troponine est un marqueur de souffrance myocardique qui ne préjuge pas de la cause de cette souffrance. C’est pourquoi l’interprétation des résultats doit tenir compte du contexte clinique, de la cinétique du relargage, mais aussi des variations biologiques et analytiques qui peuvent être constatées chez un même patient. Des seuils ont donc été établis pour conforter le diagnostic de certitude : une augmentation des concentrations plasmatiques > 117 % à la troisième heure après la présentation du patient donnent une spécificité de 100 % pour le diagnostic d’un IDM ST-2. Au total, l’augmentation de la sensibilité du dosage de la TnT Hs permet une détection plus précoce et une meilleure sensibilité pour le diagnostic des SCA, ainsi que le maintien d’une bonne spécificité grâce à l’interprétation de la cinétique. Un diagnostic plus précoce en urgence Sandrine Charpentier (pôle médecine d’urgence, CHU de Toulouse) a souligné que SCA et IDM ne sont pas synonymes, les premiers correspondant aux infarctus de type I, les autres types d’IDM traduisant une inadéquation entre les besoins du myocarde en oxygène et les apports au cours de différentes pathologies. Ces autres étiologies sont fréquentes en médecine d’urgence (rhabdomyolyse, sepsis, AVC, insuffisance rénale, etc.) et dans ces cas, la Tn est toujours un marqueur pronostique. Le diagnostic en urgence de SCA se base en premier lieu sur la probabilité pré-test qui prend en compte l’histoire clinique, l’examen du patient et son tracé ECG. Les biomarqueurs permettent de confirmer le diagnostic d’IDM et de faire la part entre l’IDM, l’angor instable et les autres causes de souffrance myocardique. Bien que cet algorithme décisionnel montre l’importance du contexte clinique pour le diagnostic, il n’existe pas à l’heure actuelle de score pré-test clairement établi. Les patients intermédiaires ou à faible risque posent plus de problèmes car leur symptomatologie clinique est pauvre et n’a pas de valeur d’orientation. Dans ces cas, la sensibilité de la TnT Hs, largement améliorée dès les premières heures après la survenue des symptômes1, permet de poser plus rapidement le diagnostic de souffrance myocardique, mais sans préjuger de son étiologie. Trois questions pratiques se posent alors. La première est de savoir si un dosage négatif de la TnT Hs à l’admission permet d’exclure un SCA. D’après l’étude de Reichlin T et al1 qui a pris en compte des patients avec suspicion de SCA non ST plus, une TnT Hs négative, autrement dit ≤ 14 ng/L à l’admission, a une valeur prédictive négative de 99 %. L’étude de Giannitsis et al. a montré que deux dosages négatifs (< 14 ng/L) à l’admission et à H3 ont une valeur prédictive négative (VPN) de 100 %. Que faire alors lorsque la TnT Hs est faiblement positive ? Ce travail montre donc qu’il faut répéter le dosage 3 heures plus tard et qu’une élévation de la TnT Hs d’au moins 117 % a une valeur prédictive positive (VPP) de 100 % pour le diagnostic d’IDM. Lorsque l’élévation est faible, la question est de savoir si ces variations ont encore une valeur pronostique. Il semble là encore que la réponse soit positive car une faible augmentation (entre 0,04 et 0,1 μg/L) est corrélée à une accroissement de la mortalité à 30 jours, mais aussi à un an3. Ces données permettent de modifier l’algorithme décisionnel en urgence : une TnT Hs < 14 ng/L à l’admission permet d’exclure le diagnostic d’IDM (on renouvellera toutefois le dosage si le contexte clinique est très évocateur). En cas de faible élévation des valeurs de TnT Hs, il faut recommencer le dosage 3 heures plus tard, et si les concentrations ont augmenté de 30 % le diagnostic de SCA est probable, si l’accroissement est de 117 % ou plus le diagnostic d’IDM est confirmé (figure 1). Figure 1. Algorithme décisionnel en urgence. Un outil cinétique Christophe Meune (Hôpital Cochin, Paris) a insisté sur le fait que la TnT Hs est toujours de la TnT, mais que la sensibilité du dosage a été augmentée d’un facteur 10. Ce gain en sensibilité s’accompagne d’une perte de spécificité, d’autres pathologies entraînant une souffrance myocardique avec élévation de la TnT Hs. En conséquence, les indications actuelles, à savoir diagnostic et stratification pronostique du SCA, sont sans doute appelées à s’élargir. Avec les dosages usuels de Tn, des seuils permettant de porter le diagnostic de SCA avaient été fixés. Avec les Tn hypersensibles on parvient à mesurer des concentrations beaucoup plus faibles, à partir de 14 ng/L, qui n’étaient pas détectés par les anciens kits. À l’inverse, les dosages très positifs correspondent à ceux qui étaient obtenus avec les précédentes méthodes. La répétition du dosage à trois heures et l’objectivation d’une cinétique permet-elle d’améliorer la sensibilité et la spécificité ? Les études montrent en effet que la sensibilité est augmentée et qu’il est possible de détecter plus précocement le SCA. Pour la spécificité, Giannistsis2 a montré que dans le cas de l’angor instable les cinétiques de TnT Hs à trois heures d’intervalle étaient très inférieures à celle de l’infarctus. On peut donc accroître la sensibilité et moduler la spécificité en recommençant le dosage. Une étude a été réalisée à l’hôpital Cochin chez 97 patients suspects d’IDM, dont 43 ont eu un SCA authentifié avec échographie et coronarographie. La sensibilité d’une TnT Hs augmentée à l’arrivée est de 77 % pour le SCA, avec un deuxième dosage à la troisième heure, celle-ci passe à 86 %. Avec une Tn usuelle on est, en comparaison, à 50 % de sensibilité à la première heure, même en prenant un seuil bas. De plus, avec les nouveaux dosages, la cinétique est optimale et obtenue dès la 3e heure, alors qu’avec les dosages usuels il fallait attendre 6 heures. La cinétique améliore donc la spécificité car elle donne une orientation diagnostique : – les concentrations sont très élevées dans l’IDM et elles augmentent de façon majeure, – elles le sont un peu moins dans l’angor instable avec une augmentation modérée à la 3e heure, - elles sont faibles dans les affections non cardiaques et n’augmentent pas par la suite, voire diminuent. Pour une interprétation optimale de ces résultats il faut commencer par sélectionner les patients et ne réaliser le dosage que chez ceux ayant une douleur thoracique compatible avec un SCA. Si le premier résultat est négatif, il est conseillé, selon Christophe Meune, de le refaire 3 heures plus tard. Si la TnT Hs est très élevée il s’agit d’une pathologie cardiaque grave qui, dans ce contexte, est dans 99 % des cas un IDM. Si l’élévation est modérée, la répétition du dosage à la troisième heure prend toute sa valeur. G. LAMBERT d’après un symposium organisé en marge des Journées européennes de la SFC avec Monique Deboux (Paris), Sandrine Charpentier (Toulouse) et Christophe  Meune (Paris).  

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