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Thérapeutique

Publié le 26 oct 2010Lecture 5 min

Gestion des relais anticoagulants en pratique de ville

I. MAHÉ, Hôpital Louis Mourier, COLOMBES

En France, 1 % de la population reçoit un traitement par antivitamine K (AVK). Les situations de relais du traitement AVK sont fréquentes en pratique quotidienne. Chacune de ces situations pose à l’échelon individuel la question de la balance bénéfice/risque du risque hémorragique si le geste est réalisé sous traitement anticoagulant vs le risque thromboembolique du patient si le traitement anticoagulant est interrompu. Quels sont les éléments intervenant dans la décision thérapeutique et les recommandations actuellement à notre disposition ?

Relais AVK : une situation fréquente Voici un exemple concret où se pose la question du relais d’un traitement AVK : M. P. est un homme de 82 ans, hypertendu, diabétique de type 2 et ayant fait un AIT. Il présente une arythmie complète par FA connue depuis 5 ans et est traité par fluindione 1 cp/j. Sa radiographie thoracique est inquiétante ; le scanner confirme une masse anormale du lobe inférieur gauche. Une bronchoscopie avec biopsie est programmée. Comment gérer son traitement anticoagulant ? Ce patient doit avoir une extraction dentaire dans un mois ? Comment gérer son traitement anticoagulant ? L’ensemble des médecins, anesthésistes, chirurgiens, mais aussi dentistes sont fréquemment confrontés à la problématique du relais d’un traitement anticoagulant en pratique quotidienne pour les patients sous AVK. Concrètement, l’indication d’une exploration invasive ou d’un geste chirurgical est posée par un médecin spécialiste et, en pratique, ce sont plus particulièrement les cardiologues et les médecins généralistes qui sont confrontés à la difficulté pratique des relais anticoagulants.   Problématique du relais AVK À la question « comment réaliser un relais AVK ? », il n’y a pas de réponse unique. La décision thérapeutique est individuelle. Elle résulte de l’évaluation simultanée du risque hémorragique de la procédure si le traitement anticoagulant est poursuivi chez un patient donné et du risque thromboembolique (TE) chez ce même patient si le traitement est interrompu. Cette situation de relais est loin d’être anodine car elle s’accompagne d’un surcroît de risque thromboembolique et hémorragique. En pratique, le risque thromboembolique à l’arrêt du traitement anticoagulant est le plus souvent surestimé, conduisant à réaliser des relais AVK/HBPM en excès et à faire courir au patient un surcroît de risque hémorragique.    Décision thérapeutique : le relais AVK   Options thérapeutiques En pratique, chez un patient sous AVK devant avoir un geste invasif, 3 options se présentent : – Poursuite des AVK pendant la procédure : le geste est réalisé sans aucune modification du traitement en cours. – Arrêt des AVK avant la procédure puis reprise ensuite : le traitement par AVK est interrompu avant le geste, sans aucun relais par HBPM. – Arrêt des AVK avant la procédure avec relais HBPM : le traitement par AVK est interrompu avant le geste, un relais par HBPM est réalisé, les AVK sont repris après le geste.   Risque thromboembolique, relais et niveau de preuve Par extrapolation des essais thérapeutiques réalisés avec les anticoagulants dans la FA, le risque thromboembolique pendant une fenêtre thérapeutique de 5 jours est estimé à 0,57 % (IC : 0,26-1,1). En l’absence d’essai randomisé évaluant les différentes stratégies de relais en cas de geste invasif, nous disposons : d’études observationnelles de patients avec risque thromboembolique élevé, chez qui un relais par HBPM a été réalisé systématiquement, sans comparateur ; d’études observationnelles réalisées chez des patients à risque thromboembolique faible. Cependant, ces études ne comportent pas d’évaluation du risque thromboembolique pendant la période d’arrêt des anticoagulants ni d’évaluation du risque hémorragique lié au relais. Garcia rapporte une étude prospective observationnelle réalisée dans une clinique d’anticoagulation des Pays-Bas. Les 1 024 patients recevaient des AVK pour des motifs variés (n = 132 valve mécanique, n = 550 fibrillation auriculaire, n = 144 maladie veineuse thromboembolique) et devaient avoir en ambulatoire un geste invasif mineur (coloscopie, geste buccal, ophtalmologique). Seuls 7 % des patients étaient à haut risque thromboembolique. Un relais a été réalisé dans 8,3 % des cas (n = 108). Au total, 0,5 % des patients ont eu un événement thromboembolique à J30. Cette étude, bien que non randomisée, montre que le risque thromboembolique est faible chez les patients à faible risque thromboembolique lorsque le traitement anticoagulant est interrompu brièvement (≤5 jours) à l’occasion d’un geste invasif. Parallèlement, elle illustre le risque hémorragique significatif (hémorragies majeures et mineures) associé au relais AVK/HBPM.   En pratique : le relais AVK   Arrêt ou poursuite des AVK ? La décision d’arrêt des AVK dépend du risque hémorragique lié à la procédure.   Poursuite des AVK Les recommandations HAS publiées en 2008 ont listé un certain nombre de procédures s’accompagnant d’un risque hémorragique faible (tableau 2). Dans ce cas, il n’est pas justifié d’interrompre le traitement anticoagulant et le geste doit être réalisé sous traitement, à condition que l’INR soit maintenu entre 2 et 3 et que le patient puisse être surveillé après le geste. Arrêt des AVK Dans tous les autres cas, compte tenu du risque hémorragique lié à la procédure il est recommandé d’arrêter les AVK (ou de les antagoniser) avant le geste. La valeur de 1,5 (1,2 en neurochirurgie) est retenue par les recommandations HAS comme seuil d’INR en dessous duquel il n’y a pas de majoration des complications hémorragiques périopératoires. Explorations digestives Les explorations digestives invasives sont à détailler spécifiquement. Selon la procédure et le risque hémorragique (faible ou élevé), les AVK seront respectivement poursuivis ou arrêtés (tableau 3). En cas d’arrêt des AVK, relais ou pas ? Si le risque hémorragique lié à la procédure est élevé, les AVK doivent être interrompus. La décision de prendre ou ne pas prendre de relais dépend du risque embolique lié à la pathologie sous-jacente. Les recommandations HAS ont différencié les pathologies à risque thromboembolique élevé de celles à risque thromboembolique faible (tableau 2). C‘est la première fois que, concernant la FA, il est aussi clairement établi que les FA considérées comme étant à haut risque thromboembolique sont celles s’étant déjà compliquées d’accident embolique. En cas de risque thromboembolique élevé, il est recommandé de prescrire un relais par héparinothérapie à dose efficace (tableau 4 exemple de relais préopératoire AVK/héparine en vue d’un geste programmé). En cas de risque thromboembolique faible, il est recommandé d’arrêter temporairement les AVK sans prescrire de relais par héparinothérapie.   En cas de relais combien de temps avant l’intervention le traitement anticoagulant doit-il être interrompu ? Compte tenu de la cinétique de décroissance de l’INR à l’arrêt des AVK, il faut interrompre le traitement 5 jours avant le geste pour que l’INR soit revenu à 1,5.   En cas de relais quand faire la dernière injection d’HBPM avant le geste ? Des études réalisées chez des patients en situation de relais périopératoire ont montré que l’activité anti-Xa restait > 0,5 chez la majorité des patients 12 h après la dernière injection. Il est donc recommandé de réaliser la dernière injection à visée curative le matin de la veille du jour de l’intervention (24 h avant le geste).   En pratique   Pour les patients sous AVK, la période qui précède la réalisation d’un geste invasif est une période délicate où le plus souvent plusieurs acteurs interviennent : le spécialiste et le médecin qui va gérer le relais. Cette période est à risque thromboembolique mais aussi d’accidents hémorragiques graves. Les récentes recommandations de l’HAS permettent de rationaliser la prise en charge du traitement anticoagulant en période périopératoire et de supporter la poursuite éventuelle des AVK, ou la décision de relais. Une étude prospective est en cours pour évaluer la stratégie optimale (étude BRIDGE (http://clinicaltrials. gov/ct2/show/NCT007 86474).

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