Publié le 23 mai 2006Lecture 5 min
Gestion d'un OAP sur RM serré au cours de la gestation
M. BENNANI, A. BENNIS et L. AZZOUZI, CHU Ibn Rochd, Casablanca
Urgence diagnostique et thérapeutique, l’OAP peut constituer le mode de révélation du rétrécissement mitral (RM) au cours de la grossesse. Le RM serré constitue une cause importante de morbidité et de mortalité materno-fœtale au cours des 2e et 3e trimestres de la grossesse. Nous rapportons un cas de RM serré découvert dans ce contexte. Il s’agit d’un événement nécessitant une prise en charge par plusieurs intervenants, où la commissurotomie mitrale percutanée a permis un apport considérable.
Observation
Mme H.M, âgée de 35 ans, enceinte à 26 semaines d’aménorrhée, est hospitalisée en urgence pour une crise d’OAP. C’est une primipare sans antécédent particulier, dont la grossesse est mal suivie. Le début de la symptomatologie remonte à la 22e semaine d’aménorrhée par l’aggravation de la dyspnée d’effort devenant stade III de la NYHA, l’apparition d’une dyspnée paroxystique nocturne et de palpitations paroxystiques.
Sur le plan clinique, la patiente est dyspnéique avec un rythme cardiaque irrégulier, une fréquence à 95 bpm, une PA à 100/50 mmHg, un roulement diastolique 4/6 au foyer mitral, des signes cliniques d’HTAP et des râles crépitants perçus aux deux sommets.
Sur le plan obstétrical, les mouvements actifs fœtaux sont présents, les bruits du cœur fœtaux (BCF) sont perçus ; l’examen gynécologique retrouve des métrorragies minimes. L’ECG s’inscrit dans le cadre d’une ACFA à 100 bpm. L’échocardiographie transthoracique (figure 1) montre un VG non hypertrophié, non dilaté mesurant 40/30 mm ; une OG ectasique mesurant 71 mm avec prise de contraste spontanée intense, un RM serré avec une surface mitrale en planimétrie à 0,9 cm2, une petite valve mitrale figée avec mouvement paradoxal en TM (figure 2) ; une grande valve mitrale souple ; un appareil sous-valvulaire raccourci, épaissi et remanié. Le gradient moyen transmitral est à 26 mmHg, le gradient max est à 41 mmHg. On retrouve une IM minime grade I excentrée derrière la petite valve mitrale. Les PAPS sont estimés à 70 mmHg.
Figure 1. Échocardiographie transthoracique montrant un RM serré avec fusion commissurale.
Figure 2. Écho TM mitral, échos nombreux, épais, diminution de la pente EF avec un mouvement paradoxal de la petite valve mitrale.
À l’échocardiographie transœsophagienne, on retrouve des données concordantes, avec du contraste spontané sans thrombus visible, la vitesse de l’auricule gauche est basse, < 20 cm/s. L’échographie obstétricale retrouve une grossesse monofœtale évolutive avec une biométrie de 26 semaines d’aménorrhée, un liquide amniotique en quantité normale, un placenta prévia totalement recouvrant, type IV de Bessis. Le bilan biologique est sans particularité.
En urgence, la crise a été jugulée par du furosémide en bolus et une tocolyse par de la nicardipine a été réalisée. La patiente a bénéficié d’une dilatation mitrale percutanée. Le geste a été réalisé avec succès. La pression intra-OG est passée de 30 mmHg à 12 mmHg, la surface mitrale de 0,9 à 2,2 cm2. Le gradient moyen transmitral au contrôle échocardiographique est de 10 mmHg ; les PAPS sont estimées à 20 mmHg, avec persistance d’une IM minime grade I. Une césarienne programmée a permis l’extraction à terme d’un nouveau-né vivant sans malformation morphologique apparente, de sexe masculin et de poids normal.
Discussion
Entre la 20e et la 24e semaine d’aménorrhée, le débit cardiaque augmente de 40 % de façon à satisfaire la circulation fœto-placentaire. Le volume sanguin augmente et les résistances artérielles diminuent. La fréquence cardiaque augmente de 10 à 20 bpm.
Le rétrécissement mitral serré conjugué à ces modifications hémodynamiques entraîne une augmentation de la pression de l’OG et des capillaires pulmonaires, pouvant conduire à un OAP et une hypoxie fœto-placentaire, responsables d’une souffrance fœtale et d’avortements fréquents. Il s’agit ainsi d’une urgence hémodynamique. Dans ces cas, la mortalité maternelle passe de moins de 1 % pour les stades I-II à 7 % pour les stades III et IV de la NYHA ; la mortalité fœtale est de 30 % pour le stade IV de la NYHA.
La commissurotomie mitrale percutanée (CMP), en raison de son faible risque fœtal et maternel s’est imposée comme traitement de choix du RM serré chez la femme enceinte. Son bénéfice est certain durant la gestation ; la CMP permet une amélioration hémodynamique et clinique spectaculaire, retrouvée dans ce cas, et l’évolution de la grossesse à son terme. Les risques sont nettement moindres qu’avec les autres alternatives chirurgicales.
L’avènement de la CMP et les progrès en matière de cathétérisme cardiaque ont complètement éclipsé la commissurotomie mitrale à cœur fermé (CMCF). Ben Farhat et al. ont rapporté que la CMCF est responsable de 3 % de décès maternel, entre 0 et 12 % de décès fœtal et de 10 à 37 % de prématurité ; la commissurotomie mitrale à cœur ouvert est responsable de 5 % de décès maternels et de 15 à 30 % de décès fœtaux. Arora et al., sur 215 cas colligés par CMP, ont un taux de mortalité maternelle de 0 % et de mortalité fœtale de 0,9 %.
Les indications classiques de la CMP chez la femme enceinte sont les patientes symptomatiques en classe III et IV de la NYHA, le score échocardiographique de Wilkins < 10, avec absence d’IM. Dans l’urgence, des indications plus larges sont retenues dans les centres proches d’un bloc opératoire : RM à valves calcifiés, RM avec une IM grade II. Dans notre cas, la patiente était symptomatique en classe IV de la NYHA et avec un score de Wilkins à 13, une IM minime grade I.
L’indication d’une CMP durant la grossesse, lors d’un RM serré chez une patiente asymptomatique ne fait pas l’unanimité de tous les auteurs.
La dilatation mitrale durant la grossesse nécessite certaines précautions. La protection abdominale est une nécessité, le temps de scopie doit être le plus court possible. Les résultats, bien que dépendants de l’expérience du centre de cathétérisme, sont en général excellents. Sur une série nationale de 41 patientes, au contrôle postdilatation, aucune patiente n’a gardé une surface mitrale < 1,5 cm2. Aucune complication majeure n’est survenue.
Conclusion
La CMP présente un faible risque materno-fœtal comparativement à la chirurgie et constitue le traitement de choix d’un RM symptomatique malgré un traitement médical optimal. En effet, c’est une technique ne nécessitant pas le recourt à une anesthésie générale, moins stressante que la CMCF tant pour la mère que pour le fœtus ; la plupart des anesthésiques et des analgésiques traversent la barrière fœto-placentaire. Sa réalisation par une équipe entraînée après la 20e semaine de gestation entraîne une diminution du risque fœtal. La CMP constitue une alternative au traitement médical du RM moyennement serré de la femme enceinte pour prévenir la mort maternelle en péripartum. Cette pathologie nécessite une prise en charge multidisciplinaire faisant intervenir cardiologue, cathéteriseur et obstétricien. Son incidence devrait diminuer grâce au développement de la CMP en préconceptionnel.
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