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Valvulopathies

Publié le 16 oct 2007Lecture 7 min

Grossesses et prothèses valvulaires : des recommandations récentes

G. HANANIA, CHI Robert Ballanger, Aulnay-sous-Bois

La survenue d’une grossesse chez une jeune femme porteuse d’une prothèse valvulaire est rare. Quand la prothèse est biologique, la grossesse se déroule quasi normalement au prix du risque de la dégénérescence de la prothèse davantage lié au jeune âge de la patiente qu’à la survenue de la grossesse. Quand la prothèse est mécanique, la nécessaire poursuite d’un traitement anticoagulant efficace entraîne des risques thromboemboliques pour la mère, malformatifs pour l’enfant, hémorragiques pour les deux. Les recommandations internationales mises à jour récemment laissent la place à des stratégies thérapeutiques variées parmi lesquelles les héparines de bas poids moléculaire, longtemps proscrites.

Une éventualité moins fréquente La survenue d’une grossesse chez une jeune femme porteuse d’une prothèse valvulaire est une éventualité de plus en plus rare sous nos latitudes en raison de la raréfaction des valvulopathies rhumatismales dans les pays développés, de la prédominance des valvulopathies mitrales dans cette tranche d’âge, le plus souvent accessibles à un traitement conservateur (commissurotomie percutanée en cas de sténose, plastie chirurgicale en cas de fuite). Néanmoins, il s’agit d’une éventualité dont la prise en charge suscite toujours de l’intérêt comme en attestent les régulières mises au point paraissant dans la littérature internationale pour proposer des recommandations. Compte-tenu des difficultés, pour ne pas dire l’impossibilité, de mener à bien dans ce cadre des études randomisées que l’éthique interdit, ces recommandations sont le plus souvent le fruit de consensus d’experts ou les conclusions tirées de registres. Deux interrogations principales émergent dans la conduite à tenir chez une jeune femme porteuse d’une valvulopathie : - le choix du mode de correction d’une valvulopathie mal tolérée chez une jeune femme en âge de procréer ; - la conduite du traitement anticoagulant pendant la grossesse d’une jeune femme porteuse d’une prothèse mécanique.   Choix du mode de correction En cas de valvulopathie mitrale, les possibilités conservatrices doivent être mises en œuvre en priorité, qu’il s’agisse de la commissurotomie percutanée des sténoses ou de la plastie des insuffisances qui doivent conduire à orienter ces jeunes femmes vers des équipes entraînées pour leur réalisation dans les cas difficiles. Quand le remplacement valvulaire s’impose, ce qui est le cas pour pratiquement toutes les valvulopathies aortiques, l’alternative prothèse biologique ou prothèse mécanique oppose les partisans de chacun de ces substituts. La prothèse biologique a pour avantage d’affranchir du traitement anticoagulant, en l’absence de fibrillation auriculaire, rare à cet âge. En revanche, sa détérioration est inéluctable, d’autant plus rapide qu’il s’agit de femmes jeunes. En outre, les bioprothèses mitrales se détériorent plus vite que les aortiques et celles-ci plus vite que les tricuspides. De plus, la grossesse a été rendue responsable dans des publications anciennes d’une accélération du processus de dégénérescence, ce que ne retrouvent pas des travaux plus récents qui arrivent à la conclusion que la détérioration des bioprothèses est aussi rapide chez les femmes jeunes qu’elles aient eu ou non des grossesses. Les espoirs mis dans une plus grande durabilité des homogreffes, ou des autogreffes (Ross) en cas de grossesse, restent difficiles à confirmer sur des séries toujours courtes de patientes opérées. La détérioration d’une bioprothèse au décours de la grossesse est plus liée au jeune âge de la patiente qu’à la survenue de la grossesse elle-même. La prothèse mécanique a pour avantage sa durabilité théoriquement illimitée mais nécessite la poursuite d’un traitement anticoagulant efficace. Celui-ci expose, pendant la grossesse, la mère et l’enfant à naître à la fois aux risques hémorragique et thromboembolique et l’enfant au risque malformatif pendant le premier trimestre. Conduite du traitement anticoagulant : un épineux problème La conduite du traitement anticoagulant chez les jeunes femmes enceintes porteuses d’une prothèse mécanique est principalement réglementée dans les recommandations internationales mises à jour récemment. Dans ce domaine, une franche évolution s’observe actuellement, qui redonne aux héparines une place qu’elles avaient perdue au bénéfice des anticoagulants oraux (AVK) au cours de la décennie précédente. Les AVK avaient fait la preuve de leur moindre dangerosité pour la mère au cours de la grossesse grâce à la relative stabilité de l’anticoagulation qu’ils procurent par rapport à l’héparine non fractionnée (HNF). Par voie intraveineuse, la prescription de celle-ci est difficile à maintenir pendant plusieurs semaines. Par voie sous-cutanée, l’anticoagulation obtenue est souvent fluctuante et insuffisante. Si bien que les risques d’accidents thromboemboliques (avec au maximum thrombose obstructive de la prothèse) ont paru prohibitifs. Cela justifiait dans les recommandations de 1998 de privilégier les anticoagulants oraux, au premier rang desquels en pays anglo-saxon, la warfarine. Deux créneaux chronologiques restaient du domaine de l’héparine pour la plupart des auteurs : la deuxième moitié du premier trimestre, période élective des accidents tératogènes des anticoagulants oraux (aplasie nasale, maladie des épiphyses ponctuées) et les deux dernières semaines qui comportent sous AVK un risque hémorragique majeur, tant pour la mère que pour l’enfant à naître. Les AVK sont déconseillés pendant la deuxième moitié du premier trimestre de la grossesse en raison du risque malformatif et proscrits pendant les deux dernières semaines en raison du risque hémorragique. Néanmoins, les tenants les plus fervents du « tout AVK » proposaient de mener toute la grossesse sous warfarine avec un INR entre 2 et 3, avec un relais par héparine juste avant un accouchement programmé par césarienne. Cette proposition était renforcée par la mise en évidence d’un effet/dose de la warfarine en matière d’accidents malformatifs. Très fréquents quand la dose était supérieure à 5 mg, ils étaient beaucoup plus rares quand moins de 5 mg étaient suffisants pour entretenir une anticoagulation efficace. Le risque tératogène serait négligeable quand la dose de warfarine suffisante pour réaliser une anticoagulation efficace est < 5 mg. • Le temps du « tout AVK » semble avoir vécu à la lecture des dernières recommandations conjointes des AHA et ACC (août 2006) qui laissent largement ouvertes les possibilités de mener une grande partie voire toute la grossesse sous héparine. La voie avait d’ailleurs été tracée par l’ACCP (American College of Chest Physicians) qui, dans ses recommandations de 2004, préconisait déjà de recourir aux héparines de bas poids moléculaire (HBPM). • L’usage de ces dernières, évoqué mais non recommandé dans les recommandations anciennes de l’ACC/AHA dès 1998, est justifié actuellement par la sécurité confirmée de leur prescription chez les femmes enceintes dans toutes les autres indications et par la plus grande stabilité de l’anticoagulation qu’elles apportent par rapport aux HNF dont la prescription prolongée pose des problèmes pratiques délicats. En outre, la fréquence anormalement élevée des accidents thromboemboliques observée au cours des grossesses des porteuses de prothèse mécanique a été imputée à l’utilisation de doses insuffisantes n’assurant pas une anticoagulation optimale de ces patientes. Les protocoles actuels qui recommandent l’usage des HBPM préconisent aussi une surveillance régulière de l’efficacité du traitement. Le facteur anti-XA doit être maintenu entre 0,7 et 1,2 UI/ml, 4 heures après les injections sous-cutanées qui doivent être bi-quotidiennes. Évidemment, dans les périodes de traitement par l’héparine non fractionnée, le TCA doit être, lui aussi, régulièrement contrôlé et maintenu autour de deux fois et demi le témoin. Si toutes les recommandations récentes autorisent, voire privilégient l’utilisation des HBPM, elles divergent sur les séquences thérapeutiques faisant alterner AVK et héparines. L’ACCP privilégie la place de l’héparine jusqu’à envisager le déroulement de toute la grossesse sous héparine. Les recommandations d’Elkayam (JACC 2005) préconisent l’usage des AVK en cas de risque thromboembolique élevé (fibrillation auriculaire, prothèse mitrale), y compris pendant le premier trimestre en y ajoutant une faible dose d’aspirine. L’accord se fait sur deux points particuliers : - la nécessité d’une pleine information de la patiente et de son conjoint sur les risques respectifs des héparines pour la mère et des AVK pour l’enfant, et le respect des souhaits du couple pour le choix des séquences thérapeutiques ; - la prescription systématique d’héparine pendant les deux dernières semaines de la grossesse en raison des risques prohibitifs des AVK pendant l’accouchement.   Modalités de l’accouchement Compte-tenu des impératifs liés au traitement anticoagulant, l’accouchement est déclenché après concertation entre l’obstétricien et le cardiologue. La voie naturelle est préférable à la césarienne que préconisent les partisans du « tout AVK », quarante-huit heures après l’arrêt de ceux-ci. Ce choix est discuté car il impose une indication non obstétricale de césarienne avec les risques thromboemboliques supplémentaires qu’il implique et la nécessité d’une grossesse écourtée, donnant naissance à des enfants de petit poids. L’héparine sous-cutanée prescrite pendant les deux dernières semaines est relayée quarante-huit heures avant l’accouchement programmé par l’héparine intraveineuse, elle-même interrompue au début du travail. Elle sera reprise 6 à 12 heures après la délivrance, relayée 3 à 6 jours plus tard par les AVK qui ne contre-indiquent pas l’allaitement maternel.   En pratique   Les problèmes rencontrés au cours du déroulement d’une grossesse chez une jeune femme porteuse d’une prothèse valvulaire sont essentiellement liés à la nécessaire poursuite d’un traitement anticoagulant efficace quand il s’agit d’une prothèse mécanique. Bien que les prothèses à ailettes actuellement utilisées soient beaucoup moins thrombogènes que les anciennes à bille ou à disque, le risque thromboembolique reste élevé pour la mère. Les mauvais résultats rapportés à cet égard par le passé avec l’héparine sont actuellement, pour partie, mis sur le compte des traitements insuffisants et insuffisamment contrôlés utilisés. Les recommandations internationales récemment actualisées autorisent désormais l’utilisation des HBPM à condition de la poursuite d’un traitement efficace par injections bi-quotidiennes et d’une surveillance biologique régulière. Les protocoles thérapeutiques ne privilégient aucune des séquences antérieurement préconisées (héparine pendant la deuxième moitié du premier trimestre et les deux dernières semaines de la grossesse, AVK pendant les autres périodes) mais laissent la place à un choix parental après information complète des risques respectifs des héparines et des AVK. Seule l’interdiction des AVK en fin de grossesse reste incontournable en raison des risques hémorragiques prohibitifs qu’ils font courir à la mère et surtout à l’enfant.

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