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Coronaires

Publié le 24 mai 2011Lecture 7 min

Diagnostic de l’infarctus : IRM ou scanner ?

J.-F. PAUL, Centre Chirurgical Marie Lannelongue, Plessis-Robinson Hôpital Américain, Neuilly

Dans le contexte d’un IDM aigu, il n’y a pas de place pour une imagerie non invasive qui risquerait de retarder le traitement de désobstruction coronaire. Cependant, le diagnostic d’infarctus peut être trompeur, notamment si l’ECG initial est normal. D’autres diagnostics différentiels avec un tableau clinique semblable peuvent être suggérés en premier, comme la myocardite ou la dissection aortique. Par ailleurs, un petit infarctus peut s’avérer peu symptomatique, avec des modifications ECG parfois mineures et l’élévation enzymatique peut être retardée. Un infarctus peut être parfaitement asymptomatique, notamment chez des patients diabétiques. Enfin, les infarctus à coronaires saines ne sont pas exceptionnels (figure 1). Dans toutes ces situations, l’imagerie non invasive à un rôle pour affirmer et souvent redresser le diagnostic.

Le gadolinum L’imagerie directe de l’infarctus est au mieux réalisée par l’IRM myocardique, avec notamment des séquences de rehaussement tardif. Cette imagerie repose sur la prise de contraste du gadolinium dans la zone infarcie. Cette prise de contraste est due à une diffusion du gadolinium dans l’espace extravasculaire, soit par inflammation et destruction cellulaire (phase aiguë), soit en cas de fibrose myocardique (phase chronique). La séquence utilisée en IRM est une séquence d’inversion-récupération, qui a la particularité d’annuler le signal myocardique et de rehausser ainsi le signal produit par le gadolinium. L’IRM myocardique est devenue l’imagerie de référence de l’infarctus : elle permet de localiser très précisément le siège de la zone infarcie mais aussi son extension en profondeur (sous-endocardique ou transmurale) et son extension en largeur (nombre de segments cardiaques atteints). Ces éléments sont essentiels pour le pronostic de l’infarctus. Le diagnostic différentiel d’un infarctus est la myocardite, inflammation du myocarde sans nécrose. L’IRM permet de les différencier, la séméiologie typique de l’infarctus s’opposant point par point à celle de la myocardite : • dans l’infarctus, la topographie de la lésion dans l’épaisseur du myocarde est typiquement sous-endocardique ou transmurale ; elle correspond à un territoire artériel (atteinte systématisée) ; • dans la myocardite, l’atteinte est typiquement sous-épicardique, diffuse, sans systématisation artérielle. Si les lésions myocardiques ischémiques sont visualisées au mieux en IRM, l’inconvénient majeur de l’IRM est l’absence de visualisation fiable des coronaires. Figure 1. IRM myocardique après injection de gadolinium (séquence de rehaussement tardif) montrant une nette prise de contraste, peu étendue mais transmurale (flèche), typique d’un petit infarctus sous-apical. Il s’agissait d’une patiente de 45 ans présentant un syndrome coronarien aigu à coronaires saines sur la coronarographie diagnostique initiale. Le diagnostic de Tako-Tsubo ou de myocardite avait été alors évoqué. L’IRM redressa le diagnostic (infarctus sous-apical). Un scanner coronaire réalisé dans un second temps montra une plaque coronaire de l’IVA non vue en angiographie, avec des contours irréguliers suggérant une rupture de plaque. Une place pour le scanner coronaire et myocardique dans le diagnostic d’infarctus ? Même si l’IRM, en raison d’un excellent signal sur bruit, représente l’imagerie de référence pour visualiser un infarctus, le scanner coronaire et myocardique a aussi un intérêt dans certaines situations cliniques. En effet, le scanner est beaucoup plus disponible en urgence que l’IRM ; en pratique, il est de plus en plus souvent demandé dans le cadre d’une douleur atypique. Certaines équipes proposent même le scanner comme outil de tri des douleurs thoraciques qui ne se présentent pas comme un infarctus évident sur la clinique, l’ECG ou l’élévation des enzymes cardiaques, car le scanner est performant à la fois pour les diagnostics d’embolie pulmonaire, de dissection et d’infarctus aigu. Dans notre expérience, dans le cadre de l’urgence, la question du diagnostic différentiel se pose essentiellement entre la dissection aortique et l’infarctus. Une acquisition scanner synchronisée à l’ECG, couvrant l’aorte et les coronaires, permet de visualiser lors de la même acquisition l’aorte et les artères coronaires. L’analyse de l’aorte permet de repérer aisément un éventuel trait de dissection, le cas échéant. En cas d’infarctus au contraire, l’aorte sera normale, mais le scanner pourra montrer à la fois une obstruction coronaire et des signes d’hypoperfusion myocardique dans le territoire correspondant (figure 2), au premier passage d’iode. Figure. 2. Douleur thoracique aiguë chez un patient hypertendu faisant suspecter initialement une dissection de l’aorte. A : Le scanner à la fois aortique, coronaire et pulmonaire montre une hypodensité apicale (flèche), sur un muscle aminci, suggérant un infarctus déjà ancien. B : L’examen des coronaires est concordant avec une occlusion complète de l’IVA distale (flèches). Noter également une sténose focale de l’IVA moyenne (tête de flèche), qui a pu être responsable des douleurs récentes.   Si cette analyse myocardique ne suffit pas, un second passage tardif à 5 minutes permet de rechercher une zone d’hypoperfusion persistante associée à une prise de contraste périphérique, correspondant à la visualisation directe de la nécrose myocardique, comme pour l’IRM. On le voit, la force du scanner est de pouvoir visualiser à la fois les coronaires et le muscle cardiaque : c’est d’ailleurs la seule technique d’imagerie qui le permet actuellement en routine clinique.   En pratique Scanner et IRM cardiaques sont 2 techniques d’imagerie performantes pour le diagnostic d’infarctus, dans ses formes atypiques ou pour une lésion chronique. Ces techniques sont complémentaires et sont performantes dans le cadre du diagnostique différentiel de la douleur thoracique aiguë.   Scanner et calcifications coronaires : en quoi les calcifications gênent-elles l’appréciation des sténoses ? Le calcium est responsable d’une forte atténuation des rayons X car il a un numéro atomique élevé, ce qui se traduit par des images hyperdenses au scanner (les calcifications apparaissent blanches avec des valeurs élevées dans l’échelle scanographique des Unités Hounsfield). Le calcium se dépose progressivement sur la plaque d’athérome coronaire au cours du temps, et la simple visualisation de calcium coronarien signe une atteinte athéromateuse coronarienne déjà évoluée. Le calcium se voit particulièrement bien au scanner et permet notamment de calculer un score calcique, dont la valeur pronostique sur l’évaluation du risque coronarien a été démontrée. Le score calcique est ainsi un marqueur de risque indépendant des facteurs de risque cardiovasculaire bien connus. Si une petite quantité de calcium déposé dans la paroi artérielle ne gêne en rien l’analyse des coronaires au scanner, un dépôt important va gêner la visualisation de la lumière artérielle en raison de l’effet de volume partiel (ou blooming). L’effet de volume partiel est simplement dû au caractère hyperdense d’une grosse plaque calcaire qui tend à rendre les pixels au voisinage immédiat de la plaque plus denses qu’ils ne sont en réalité. La plaque calcifiée apparaît donc plus grosse que sa taille réelle et l’observateur tend donc à surévaluer une sténose calcifiée. En effet, elle va occuper artificiellement une plus grande partie de la lumière artérielle. Ainsi l’effet de volume partiel, peut rendre l’analyse précise du segment artériel calcifié parfois impossible (figure 3), ce qui a été souvent présenté comme une limite importante du scanner coronaire. Cependant, il est important de noter qu’il y a plusieurs méthodes efficaces pour diminuer parfois fortement cet artefact. Figure 3. Patient de 78 ans présentant une dyspnée sévère d’apparition progressive. Le scanner coronaire met en évidence des calcifications massives du tronc commun et de l’IVA, rendant la quantification précise des lésions coronaires illusoire. Cependant l’absence d’opacification iodée visible au niveau du tronc commun, la multiplicité des lésions et leur caractère sévère ont conduit à proposer une coronarographie qui confirma les lésions tritronculaires diffuses et sévères avec, en particulier, une lésion très serrée au niveau du tronc commun. Comment diminuer le blooming ? En cas de plaque calcifiée gênante, il faut utiliser des filtres spécifiques de haute résolution et des champs de vue réduits, qui permettent ainsi de diminuer fortement l’artefact de blooming. En effet, plus l’image est résolue, plus il y a de pixels dans l’image, et donc moins l’effet apparent de « pollution » des pixels adjacents à la plaque calcifiée est important. En contrepartie cependant, l’image paraitra plus bruitée. Par ailleurs, il est fondamental d’obtenir une synchronisation cardiaque parfaite, en choisissant la phase de reconstruction optimale dans l’intervalle RR de l’ECG et en utilisant au besoin des bêtabloquants pour ralentir le rythme cardiaque du patient. Cet effet de blooming est augmenté en cas de synchronisation imparfaite car, dans ce cas, un flou cinétique va s’ajouter au volume partiel, rendant l’interprétation aléatoire. Enfin, il est important d’utiliser les dérivés nitrés de façon très large avant une acquisition scanner pour augmenter le diamètre de la lumière coronaire circulante : la part respective de la lumière circulante et de la plaque calcifiée sera d’autant plus facile à analyser. On le voit, la qualité d’acquisition et de reconstruction des images doit être rigoureuse pour limiter au maximum les artefacts de volume partiel. Il est important de noter que, lorsque les conditions techniques d’acquisition et de reconstruction sont bonnes, il est en pratique très rare que l’analyse complète du réseau coronaire ne soit pas possible pour des équipes entrainées. Les cas d’analyse incomplète sont aussi de moins en moins fréquents grâce aux évolutions technologiques et à l’expérience des opérateurs. D’autres améliorations attendues sur la résolution spatiale en scanner devraient dans l’avenir rendre le problème des calcifications tout à fait secondaire.

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