Publié le 19 fév 2008Lecture 4 min
Insuffisance mitrale importante et cardiopathie dilatée hypokinétique : la stimulation multisite peut être bénéfique
W. AMARA, S. MAZOUZ et J. SERGENT, Fédération de cardiologie et CHI Le Raincy-Montfermeil
La stimulation multisite permet d’améliorer la morbi-mortalité des patients insuffisants cardiaques à fonction systolique altérée présentant des indices d’asynchronisme. Elle a également pour effet, comme l’ont montré de nombreuses études, d’entraîner une réduction significative du degré de l’insuffisance mitrale ; certains en ont même fait l’un des critères de bon résultat.
Contexte
Les mécanismes à l’origine de l’insuffisance mitrale lors d’une cardiomyopathie dilatée sont complexes et plurifactoriels : la dysfonction ventriculaire gauche, associée au remodelage cavitaire avec déplacement des muscles papillaires et élargissement de l’anneau aboutissent à une altération des forces de fermeture de la valve mitrale et un « tenting » de celle-ci. À cela s’ajoutent d’autres mécanismes préexistants, notamment en cas de cardiopathie ischémique évoluée.
L’indication actuelle de la pose d’un stimulateur cardiaque multisite porte sur des malades en insuffisance cardiaque réfractaire par dysfonction systolique. Pourtant, chez certains patients l’impact de la fuite mitrale peut être prédominant, conduisant à des indications chirurgicales ou de plastie percutanée encore controversées. En effet, il est admis actuellement que la chirurgie de correction d’une insuffisance mitrale fonctionnelle n’améliore pas la survie(1).
La resynchronisation est-elle une alternative à la chirurgie ?
S’il est admis que la stimulation multisite peut diminuer le degré de la fuite mitrale fonctionnelle lors d’une cardiomyopathie, son impact sur des fuites massives en grande partie responsables du tableau clinique n’est pas clairement établi. Dans quelle mesure la resynchronisation pourrait apporter une solution à ces fuites mitrales sévères et ainsi être une alternative à des sanctions chirurgicales ou percutanées lourdes chez des patients souvent en mauvais état général ?
Dans le cas présenté ici, nous avons recouru à une stimulation multisite chez un patient en insuffisance cardiaque réfractaire du fait d’une fuite mitrale massive sur cardiomyopathie dilatée hypokinétique d’origine ischémique, ce patient ayant été récusé pour une plastie mitrale chirurgicale ou percutanée.
Chez ce patient, l’implantation du stimulateur a été associée à une réduction importante de l’insuffisance mitrale, et à une amélioration spectaculaire des symptômes sans nouvelle hospitalisation avec un recul de 12 mois.
Observation
Clinique
Il s’agit d’un patient âgé de 68 ans hospitalisé à plusieurs reprises pour des œdèmes aigus pulmonaires cardiogéniques sévères s’intégrant dans le cadre d’une cardiopathie ischémique très sévère (antécédent d’infarctus du myocarde antéroseptal avec remodelage apical), associée à une fuite mitrale importante, malgré un traitement médical maximal.
Les principaux examens ont montré :
- ECG : rythme sinusal avec bloc de branche gauche complet ;
- échographie cardiaque : large séquelle akinétique antéro-septo-apicale. Ventricule gauche dilaté à 70 mm de diamètre télédiastolique. Fraction d’éjection en Simpson à 25 %, Insuffisance mitrale massive avec rayon de PISA mesuré à 12 mm et un SOR à 67 mm2, en rapport avec une béance valvulaire sur restriction bivalvulaire et anneau mitral dilaté (à 42 mm). L’HTAP était importante, évaluée à 80 mmHg ;
- la recherche d’asynchronisme a montré la présence d’un asynchronisme interventriculaire avec un délai interventriculaire mesuré à 65 ms et un asynchronisme intraventriculaire gauche sur les critères DTI avec retard essentiellement de la paroi antérieure ;
- biologie : créatinine = 389 mmol/l, urée = 33 mmol/l.
Quel traitement proposer ?
Compte-tenu de la sévérité de la fuite mitrale, le patient a été proposé pour une plastie mitrale. Il a été cependant récusé pour l’annuloplastie mitrale percutanée en raison de l’insuffisance rénale importante, qui constitue une contre-indication à ce type de procédure car elle nécessite une injection d’iode importante. Il a également été récusé pour une plastie mitrale chirurgicale en raison d’un risque chirurgical élevé (mortalité estimée à 35 % par un Euroscore à 12).
Nous avons donc proposé à ce patient, symptomatique, une resynchronisation ventriculaire (pose d’un stimulateur multisite).
Dans les suites de la procédure, et avec un recul actuel d’un an, nous avons constaté une diminution de la fuite mitrale (rayon de PISA passant de 12 à 5 mm, soit un SOR passant de 67 à 15 mm2), ainsi qu’une correction de l’asynchronisme inter- et intraventriculaire gauche. À noter, l’absence d’amélioration significative de la fraction d’éjection à 12 mois.
Ces améliorations « échographiques » ont été associées à une amélioration fonctionnelle puisque le patient n’a à ce jour plus été hospitalisé pour insuffisance cardiaque, avec une dyspnée actuellement au stade II de la NYHA.
L’objectif de ce cas clinique est de sensibiliser le cardiologue quant à l’utilité de la stimulation multisite chez les patients présentant une cardiopathie hypokinétique, qui restent sévèrement symptomatiques malgré un traitement médical et ce, même en cas d’insuffisance mitrale massive.
Figure 1. Insuffisance mitrale importante visualisée en Doppler couleur avant la resynchronisation.
Figure 2. Diminution nette de l’insuffisance mitrale après la resynchronisation.
Figure 3. Béance valvulaire mitrale en systole avant la resynchronisation.
Figure 4. Disparition de la béance valvulaire en systole après la resynchronisation.
Discussion
Les études portant sur les patients insuffisants cardiaques présentant une cardiopathie dilatée sont concordantes. Elles montrent une diminution de l’insuffisance mitrale au repos ou à l’effort(2,3).
Plusieurs mécanismes semblent expliquer la diminution de l’insuffisance mitrale sous l’effet de la stimulation multisite : diminution de l’asynchronisme intraventriculaire gauche qui semble le déterminant majeur de la diminution des insuffisances mitrales fonctionnelles(4). En effet, la diminution de l’insuffisance mitrale a été corrélée à la diminution de la largeur des QRS sous l’effet de la stimulation multisite. L’amélioration de la synchronisation des parois entraîne une amélioration de la fonction et de la coordination de contraction des muscles papillaires(5,6).
Si les études portant sur la stimulation multisite ont montré une diminution de l’insuffisance mitrale, les patients présentant une insuffisance mitrale importante dans ces études restent rares. La prise en charge de ces patients présentant une cardiopathie sévèrement hypokinétique et une insuffisance mitrale importante reste difficile. Le cas de ce patient montre que la resynchronisation constitue une option thérapeutique majeure.
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