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Valvulopathies

Publié le 16 juin 2009Lecture 6 min

Insuffisance mitrale ischémique : indications et traitement chirurgical

S. AUBERT, B. LEVY PRASCHKER, E. COIGNARD, A. PAVIE, I. GANDJBAKHCH, Institut du cœur, hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris

L’insuffisance mitrale (IM) ischémique est une pathologie du ventricule gauche (anneau mitral et appareil sous-valvulaire) et non une maladie des feuillets valvulaires. Le traitement chirurgical qui en découle doit donc s’adresser aussi bien à l’anneau mitral qu’aux piliers.

Définition Une IM pour être d’origine ischémique doit remplir les critères suivants : - elle doit être secondaire à une atteinte ischémique du muscle myocardique ; - elle ne doit pas être rattachable à un antécédent de maladie rhumatismale ; - les lésions ne doivent pas être étiquetées en tant que maladie dégénérative ; - elle ne doit pas présenter une anomalie congénitale. Cependant, il n’est pas rare de retrouver deux origines intriquées, le patient peut avoir une valve mitrale dégénérative associée à une atteinte ischémique d’origine coronarienne. L’IM ischémique sera dite aiguë si elle survient dans les 30 jours après un infarctus du myocarde. Elle sera dite chronique si elle survient au-delà de ce délai. Physiopathologie de l’insuffisance valvulaire Il faut différencier deux tableaux de présentation différente : Aigu : la nécrose est responsable d’une rupture complète ou partielle d’un pilier ou d’un de ses chefs, ce qui entraîne une insuffisance valvulaire aiguë et massive avec un tableau d’œdème aigu du poumon. Dans ce type de mécanisme, les cavités cardiaques gauches n’ont pas eu le temps de se dilater. Le pilier le plus souvent atteint est le pilier postérieur en raison de sa vascularisation précaire assurée, soit par la coronaire droite, soit par la circonflexe distale. Le pilier antérieur est, pour sa part, atteint de manière moins fréquente en raison d’une vascularisation plus favorable, dépendant à la fois de l’artère interventriculaire antérieure et de l’artère circonflexe. Chronique (plus de 30 jours) : il s’agit en général d’une IM grade II à III avec une gêne fonctionnelle plus importante que ne le voudrait l’importance de la fuite et des symptômes d’angor qui restent au second plan. L’atteinte mitrale peut être de deux types qui peuvent être eux-mêmes associés : - soit une atteinte d’un pilier qui est progressivement allongé sans rupture complète, ou rompu au niveau d’un seul de ses chefs, créant ainsi un prolapsus du feuillet valvulaire qui s’y rattache (fuite mitrale excentrée) ; - soit une dysfonction contractile segmentaire de la base du ventricule gauche qui entraîne un excès de traction sur les cordages correspondants avec restriction valvulaire au décours de la systole responsable de la fuite. En présence d’un segment akinétique ou dyskinétique, la distance séparant le pilier implanté sur ce segment du plan de l’anneau mitral est augmentée en systole ; il en résulte un défaut de fermeture mitrale par excès de traction sur les cordages amarrés sur ce pilier et une restriction aux dépens de la région commissurale correspondante et des feuillets adjacents. Les artères le plus souvent en cause sont l’artère coronaire droite et l’artère circonflexe distale qui sont responsables d’une ischémie de la face inférieure du ventricule gauche. Le pilier atteint est donc en général le pilier postérieur et la restriction atteint la commissure postéro-interne et les feuillets valvulaires adjacents. Nous rappelons que les deux mécanismes de prolapsus et de restriction valvulaire peuvent être ici intriqués. Dilatation annulaire : en cas d’IM ischémique aiguë, l’anneau mitral n’a pas eu le temps de se dilater. En cas d’insuffisance chronique, l’anneau mitral faisant partie intégrante du ventricule gauche, la dilatation annulaire est proportionnelle à la dilatation de celui-ci. De plus, cette dilatation annulaire est asymétrique du fait de l’atteinte préférentielle du pilier postérieur. Indication opératoire Dans les cas d’IM ischémique aiguë, l’indication opératoire en urgence est formelle et correspond bien souvent à une chirurgie de sauvetage chez un patient en choc cardiogénique postinfarctus avec OAP massif. Dans les cas d’IM ischémique chronique, bien souvent le traitement chirurgical de l’IM est associé à une revascularisation myocardique par pontages. Une IM de grade II est retenue pour qu’un geste sur la mitrale soit effectué. La valve mitrale est évaluée en préopératoire et peropératoire par échocardiogarphie transœsophagienne. Si une fuite grade I est identifiée, on effectue alors une épreuve dynamique en augmentant la postcharge pour révéler des IM plus importantes majorées à l’effort et qui sont alors d’indication chirurgicale. Traitement chirurgical Dans les cas d’IM aiguë postinfarctus, le meilleur traitement actuel est le remplacement valvulaire prothétique par une valve bioprothétique ou une valve mécanique suivant l’âge du patient. Ce remplacement valvulaire cherchera à préserver autant que possible la valve postérieure avec son appareil sous-valvulaire pour conserver un maximum de fonction ventriculaire gauche. Dans les IM chroniques, un traitement conservateur de la valve mitrale est tenté dans la majorité des cas. La dilatation annulaire et la restriction valvulaire sont traitées par une annuloplastie prothétique sous-dimensionnée. L’annuloplastie permet de compenser l’excès de traction sur les cordages en forçant la coaptation des feuillets. Par ce traitement isolé, par la mise en place d’un anneau prothétique seul, le taux de récidive est important. En effet, malgré une annuloplastie sous-dimensionnée, le taux de récidive d’IM grade II ou plus peut atteindre jusqu’à 30 % à partir de 6 mois après la chirurgie. Compte tenu de ces éléments, à l’heure actuelle on associe à cette annuloplastie un traitement chirurgical du ventricule gauche à l’étage de l’appareil sous-valvulaire. Ainsi, on cherche à rapprocher les piliers antérieur et postérieur dans le but de diminuer la traction excessive exercée sur les cordages par différentes techniques. Dans cet esprit, une annuloplastie sous-valvulaire avec un anneau en GoreTex® a été décrite avec de bons résultats à moyen terme. Notre équipe a récemment décrit un rapprochement des piliers à l’aide d’un point en U pour obtenir le même résultat (figure 1). Cette technique est simple et n’augmente en rien la morbi-mortalité de l’intervention. Figure 1. Technique de rapprochement des piliers par un point en U, associée à une annuloplastie. AP : muscle papillaire antérieur, PP : muscle papillaire postérieur, CHO : cordages. D’autres techniques plus agressives réalisent un remodelage du ventricule gauche. Par exemple, Vincent Dor résèque la zone akinétique ou dyskinétique du ventricule gauche et l’exclut à l’aide d’un patch en Dacron et y associe une annuloplastie postérieure avec de bons résultats. Le pilier atteint étant en général le pilier postérieur et la restriction concernant plus généralement la commissure postéro-interne et la valve postérieure adjacente, récemment a été développé un anneau prothétique asymétrique qui comporte une encoche en regard de P2 P3 qui tient compte de cette déformation asymétrique. De plus, cet anneau est sous-dimensionné dans le plan antéro-postérieur, forçant davantage la coaptation dans ce plan (figure 2). Figure 2. Anneaux prothétiques mitraux. À gauche : anneau classique semi-rigide, à droite : anneau semi-rigide asymétrique. Edwards lifesciences, Irvine, California 92614, United States. En cas de prolapsus, le traitement sera en règle générale une résection valvulaire limitée associée à une plicature de l’anneau, pour la valve postérieure, un transfert de cordage ou la mise en place d’un cordage artificiel pour la valve antérieure ; en cas de prolapsus commissural, la fermeture de la commissure est suffisante dans la majorité des cas. Ne pas oublier, bien entendu, l’importance de la revascularisation myocardique concomitante des territoires viables qui aura une part importante sur le remodelage ventriculaire et donc sur la diminution du taux de récidive de la fuite mitrale. Morbi-mortalité La mortalité opératoire associée à la plastie des valves mitrales ischémiques est supérieure à celle des plasties mitrales pour autres étiologies. Elle atteint jusqu’à 13 % dans certaines équipes. Cependant, cette mortalité opératoire reste inférieure à la mortalité rattachée au remplacement valvulaire pour IM ischémique. La survie à 5 ans des IM ischémiques opérées est proche de 50 %. Le taux d’IM résiduelle et de réintervention est plus élevé que pour les IM d’origine dégénérative. Le taux d’IM résiduelle atteint 30 % à 6 mois et 70 % à 3 ans avec une annuloplastie sans geste sous-valvulaire associé. En pratique Associer un geste sur l’appareil sous-valvulaire mitral à une annuloplastie sous-dimensionnée n’augmente pas la morbi-mortalité opératoire et a pour but de diminuer le risque d’IM résiduelle, voire de réopération. Cette nouvelle approche donne actuellement de bons résultats qui restent à évaluer à long terme. Point fort L’insuffisance mitrale ischémique est une pathologie du ventricule gauche (anneau mitral et appareil sous-valvulaire) et non une maladie des feuillets valvulaires. Le traitement chirurgical qui en découle doit donc s’adresser aussi bien à l’anneau mitral qu’aux piliers.

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