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Thérapeutique

Publié le 13 oct 2009Lecture 7 min

Intensification du traitement médical ou revascularisation myocardique préopératoire : quelles stratégies en 2009 ?

V. PIRIOU, Service d’anesthésie réanimation, Centre Hospitalier Lyon Sud

Le traitement médical des patients coronariens a progressivement évolué et il a démontré qu’il est largement aussi efficace qu’une revascularisation chez des patients présentant une coronaropathie stable.

Des études anciennes Dans le contexte périopératoire, des anciennes études, telle que l’étude CASS (Coronary Artery Surgery Study), qui a inclus en 1997 de façon rétrospective 3 368 patients opérés de chirurgie non cardiaque, a montré un bénéfice à réaliser une revascularisation préopératoire chez des patients opérés de chirurgie non cardiaque à haut risque. Ce bénéfice était majeur chez les patients présentant une angine de poitrine sévère et chez les bi- et tritronculaires, et n’était pas retrouvé chez les patients opérés de chirurgie à bas risque. Des résultats identiques ont été retrouvés dans le cadre de l’étude BARI (Bypass Angioplasty Revascularization Investigation). Tout récemment Cependant, ces études ne sont probablement pas reproductibles en 2009, puisque le traitement médical des patients a évolué, et qu’il convient de comparer un traitement médical optimisé à une revascularisation périopératoire. L’étude COURAGE Chez 2 287 patients coronariens, elle n’a pas montré d’avantage en termes de morbi-mortalité entre un groupe revascularisé par angioplastie coronaire et un groupe traité par traitement médical optimal ; tous les patients ont reçu un traitement antiplaquettaire et les patients traités médicalement, un traitement incluant un bêtabloquant, un dérivé nitré, un IEC et éventuellement une statine. L’étude BARI-2 Conduite chez des patients coronariens stables présentant un diabète, elle a montré que les complications cardiovasculaires étaient identiques, que les patients soient revascularisés par pontage ou par angioplastie, ou qu’ils soient traités par un traitement médical optimal. Ces études ont pour particularité de poser le problème des indications de revascularisation par rapport à un traitement médical optimisé bien conduit, ce qui représente une question qui n’avait jamais vraiment été posée avant en ces termes. Apport des essais randomisés Plusieurs essais prospectifs randomisés ont récemment essayé de répondre à cette question. L’étude CARP (Coronary Artery Revascularization Prophylaxis) publiée en 2004 a évalué le bénéfice d’une revascularisation coronaire (par pontage ou par angioplastie) avant une chirurgie vasculaire programmée. Des patients à haut risque ont été randomisés après avoir bénéficié d’une coronarographie. Il est important de noter que les patients les plus sévères, c’est-à-dire les patients porteurs d’une sténose du tronc coronaire gauche ou d’une insuffisance ventriculaire gauche, étaient exclus. Cette étude n’a pas montré de différence de survie entre les deux groupes. Dans cette étude, les patients bénéficiaient d’un traitement médical tout à fait correct, puisque 70 à 80 % d’entre eux recevaient un bêtabloquant, de l’aspirine, une statine. Plusieurs analyses de sous-groupes ont été publiées. Parmi les patients revascularisés avant la chirurgie non cardiaque, les complications cardiaques postopératoires étaient moins fréquentes chez les patients revascularisés par pontage coronarien que par angioplastie. Dans cette étude, un certain nombre de patients avaient été revascularisés par des endoprothèses pharmaco-actives. Une des explications de la supériorité des pontages pourrait être que les pontages coronariens procurent des revascularisations plus complètes. Parmi les patients de l’étude CARP qui ont été screenés et qui ont bénéficié d’une coronarographie pré-opératoire dans les 6 mois avant la chirurgie vasculaire, seuls les patients qui présentaient une sténose du tronc gauche ont tiré un bénéfice de la revascularisation en ce qui concerne la survie à long terme (2,5 années). Les patients bitronculaires ou tritronculaires n’ont pas eu d’amélioration significative de leur survie. Dans une étude de cohorte non randomisée, Landesberg et coll. ont montré que des patients à risque intermédiaire tiraient un bénéfice de la revascularisation pré-opératoire en ce qui concerne la survie à long terme, comparativement aux patients à bas risque ou aux patients à très haut risque. Cependant, il est à souligner que, dans cette étude rétrospective, les patients étaient loin de bénéficier d’un traitement médical optimisé, puisque moins de 20 % d’entre eux prenaient un traitement par bêtabloquant et moins de 15 % une statine ! Cette étude ne répond donc pas à la question de la revascularisation periopératoire versus un traitement médical optimisé. Les études DECREASE ont évalué l’éventuel bénéfice d’une revascularisation chez des patients à risque intermédiaire et chez des patients à haut risque. L’étude DECREASE II a randomisé 770 patients à risque intermédiaire opérés pour chirurgie vasculaire, traités par bêtabloquants et statines pour la plupart d’entre eux, randomisés en deux groupes, un groupe sans test d’ischémie qui était directement opéré sous traitement médical, et un groupe avec test d’ischémie auquel une revascularisation était proposée en cas de test positif. Il n’a pas été observé de différence de mortalité cardiaque ou d’infarctus du myocarde (IDM) à 30 jours entre les patients opérés sans test et ceux avec test. Cette étude montre clairement que, chez des patients à risque intermédiaire opérés d’une chirurgie à haut risque telle la chirurgie vasculaire, sous réserve d’un traitement médical optimisé, les tests d’ischémie et une éventuelle revascularisation n’apportent pas de bénéfice. L’étude DECREASE V a évalué l’intérêt d’une revascularisation chez les patients à haut risque cumulant plusieurs facteurs de risque et présentant une ischémie sévère (plus de 4 segments ischémiques en échographie de stress). Cette étude a inclus des patients traités de façon optimale (bêtabloquants, aspirine poursuivis lors de la chirurgie), opérés en chirurgie vasculaire. Ils ont été randomisés en un groupe revascularisé par pontage ou angioplastie, et en un groupe traité médicalement. Malgré le manque de puissance de cette étude, les résultats sont intéressants, puisqu’ils montrent un taux de complications très élevé, que les patients soient revascularisés ou non. Cela incite à s’interroger chez ce type de patients sur l’opportunité de l’indication chirurgicale ; si celle-ci est maintenue, il est alors licite de proposer à ces patients à haut risque une approche multimodale de prévention des complications cardiaques périopératoires. Revascularisation par pontage. Quelles sont les indications de revascularisations pré-opératoires ? Les indications de revascularisation pré-opératoire doivent être réservées aux patients instables ou aux patients à risque très important. Selon les recommandations de l’ACC/AHA de 2006, les patients qui peuvent bénéficier d’une indication de revascularisation par pontage ou par angioplastie sont les suivants : – les patients qui présentent une sténose du tronc coronaire gauche ; – les patients tritronculaires, notamment s’ils ont une mauvaise fraction d’éjection ventriculaire gauche ; – les bitronculaires avec sténose proximale de l’IVA ; – les patients présentant un angor instable ou un infarctus du myocarde ST- ; – les patients présentant un sus-décalage du segment ST. Au vu de la littérature récente, les indications de revascularisation peropératoire chez un coronarien stable, en dehors des lésions du tronc gauche, doivent probablement être revues à la baisse. En cas d’indication de revascularisation pré-opératoire, il faut préférer une revascularisation par pontage coronarien plutôt que par angioplastie, en raison du risque périopératoire lié à la gestion des antiplaquettaires et d’une endoprothèse coronaire récente. Avant d’envisager une revascularisation pré-opératoire, il faut systématiquement se poser la question de l’optimisation du traitement pré-opératoire. La nécessité de cette revascularisation doit être discutée dans le cadre d’une balance risque/risque : le risque lié à l’acte de revascularisation et le risque lié à la chirurgie non cardiaque une fois la revascularisation réalisée (il faut en ce cas prendre en compte le risque lié aux endoprothèses coronaires si le patient a bénéficié d’une angioplastie) versus le risque à opérer un patient stabilisé par un traitement médical optimisé dans le cadre d’une prise en charge multimodale respectant au maximum une stabilité hémodynamique péri-opératoire, des seuils transfusionnels adaptés, un réchauffement peropératoire, une oxygénothérapie per- et postopératoire adéquate. Pourquoi la revascularisation préopératoire n’est-elle pas efficace chez les patients stabilisés par le traitement médical ? Les infarctus du myocarde péri-opératoires sont de type I ou de type II. Parmi les déterminants majeurs des infarctus du myocarde péri-opératoires, on retrouve les déséquilibres de la balance en oxygène qui peuvent être en partie prévenus par les bêtabloquants, et les plaques instables qui peuvent être traitées par des statines. Ainsi que l’ont montré les études COURAGE et BARI-2, ce ne sont pas les plaques les plus sténosantes qui sont les plus instables. Or, les examens de stress et les coronarographies mettent en évidence les plaques sténosantes, mais ne renseignent pas sur la stabilité des plaques d’athérome coronarien qui sont responsables des infarctus péri-opératoires. En effet, les IDM péri-opératoires surviennent dans environ la moitié des cas dans des zones autres que les zones pathologiques lors de coronarographies ou d’examen de stress. Il n’est donc pas étonnant que le traitement médical qui va stabiliser ces plaques, atténuer les facteurs déstabilisants, fasse mieux dans la plupart des cas, qu’une revascularisation en regard de sténoses parfois non coupables. En pratique Les indications de revascularisation périopératoire sont réduites face à un traitement médical bien conduit et optimisé. Elles doivent être réservées aux sténoses du tronc gauche ou aux état instables, c’est-à-dire, de façon générale, aux indications en dehors du contexte opératoire, malgré l’absence d’études randomisées dans ce contexte. La littérature récente, que ce soit dans le contexte médical ou péri-opératoire, semble le confirmer.

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