publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Coronaires

Publié le 29 mai 2007Lecture 11 min

L'angor vasospastique : le test au méthergin n'est pas assez pratiqué

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Nous n’évoquerons que l’angor vasospastique à coronaires angiographiquement saines, ou en tout cas indemnes de lésions athéromateuses significatives. La fréquence de l’angor vasospastique est impossible à préciser ; la grande variation de la prévalence de ce diagnostic d’une équipe à l’autre tient essentiellement de la stratégie d’exploration retenue et notamment du recours ou non aux tests de provocation chaque fois que les résultats de la coronarographie ne rendent pas suffisamment compte du tableau électroclinique. Dans la mesure où les faux positifs des tests de provocation et notamment du test au méthergin sont très rares, il est raisonnable de considérer les observations des équipes ayant souvent recours à ces tests comme représentatives de la réalité « épidémiologique ».

Quel mécanisme ? La physiopathologie de l’angor spastique à coronaires saines reste largement inconnue. Une maladie capricieuse La prévalence de cette pathologie est certes très variable d’un pays à l’autre : - relativement modeste dans les pays occidentaux, - très prévalente dans certains pays asiatiques, notamment au Japon. Il s’agit d’une maladie d’évolution cyclique : les phases d’activité vasospastique alternant avec de longues phases de quiescence. Il existe dans toutes les séries un rôle favorisant massif de l’intoxication tabagique. Enfin, l’angor spastique à coronaires saines est parfois associé à d’autres manifestations d’hyperréactivité du muscle lisse artériel, telles certaines formes de migraine et de phénomène de Raynaud, ou du muscle lisse bronchique, asthme ou a minima une simple hyperréactivité bronchique. Deux facteurs principaux Deux facteurs principaux sont impliqués : une augmentation du tonus vasoconstricteur neurogène et une diminution diffuse ou localisée de l’activité vasodilatatrice de l’endothélium. Le mécanisme neurogène peut correspondre soit : - à une hyperactivité du système parasympathique responsable de spasmes prédominants sur la coronaire droite ou la circonflexe et survenant plus volontiers lorsque le tonus vagal est élevé, par exemple en deuxième partie de nuit ou dans la période de récupération post-exercice, - à une hypertonie alpha-adrénergique concernant plus volontiers le territoire de l’IVA, ce deuxième mécanisme étant probablement moins fréquent. La dysfonction endothéliale, diffuse ou localisée, est le deuxième mécanisme invoqué, notamment chez les patients porteurs de nombreux facteurs de risque athéromateux classiques. Chez ces patients, il est assez fréquent de retrouver un athérome a minima, notamment par l’échographie endocoronaire. Chez ces mêmes patients, l’exploration de la vasomotricité à médiation endothéliale des artères périphériques est pathologique. Cette dysfonction endothéliale peut être localisée au regard d’une plaque athéromateuse non sténosante ou d’une zone où l’endothélium est soumis à des contraintes répétées, comme un enfouissement myocardique : « pont musculaire » de l’IVA. Cette dysfonction endothéliale peut également être plus diffuse expliquant que, chez un même patient, le territoire concerné par un angor vasospastique peut varier d’un épisode ischémique à l’autre. Bien souvent, l’expression clinique de cette vasomotricité coronaire exagérée nécessite simultanément une composante neurogène et une composante endothéliale.   Quand suspecter un spasme ?   Devant un tableau d’angor instable Clinique L’origine vasospastique peut être évoquée, voire diagnostiquée, avant même la pratique de la coronarographie en fonction du terrain : sujet jeune, prédominance féminine, forte prévalence du tabagisme, terrain migraineux, antécédent de phénomène de Raynaud… Ces épisodes douloureux de repos surviennent plus volontiers en deuxième partie de nuit ; leur durée est parfois un peu plus longue que dans l’angor instable habituel, pouvant atteindre 15 minutes consécutives, et ils s’accompagnent occasionnellement de palpitations, de lipothymies ou de vraies pertes de connaissance. La douleur reste nitro-sensible. ECG Un électrocardiogramme percritique, s’il est obtenu, affirme le diagnostic avec une quasi-certitude lorsqu’il objective un sus-décalage percritique du segment ST, s’accompagnant volontiers d’une hyperexcitabilité ventriculaire lorsque le territoire concerné est celui de l’IVA et de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire lorsqu’il s’agit du territoire de la coronaire droite. Si l’aspect de sus-décalage est quasi pathognomonique du spasme, a contrario, un aspect de sous-décalage transitoire du segment ST n’élimine pas ce diagnostic. L’ischémie d’un angor vasospastique peut, en effet, rester banalement sous-endocardique et donc générer un sous-décalage de ST lorsque le spasme n’est pas complètement occlusif. L’angor d’effort n’est presque jamais d’origine vasospastique, alors que les douleurs survenant électivement dans les cinq premières minutes de récupération d’un effort physique intense sont évocatrices de ce mécanisme. Il existe, en effet, en phase de récupération, surtout après un effort brutal et intense, une hypertonie vagale et une période transitoire d’alcalose, tous deux facteurs favorisant la survenue d’un vasospasme coronaire. Le plus souvent, l’angor vasospastique se présente comme un angor instable tout à fait banal, le diagnostic étant évoqué lorsque la coronarographie ne retrouve pas de lésion sténosante susceptible d’expliquer le tableau clinique. Dans ce cas, le diagnostic est posé par le recours à un test de provocation.   À la phase aiguë d’un infarctus Le diagnostic d’angor vasospastique doit être évoqué lorsque le réseau coronaire est normal, cette éventualité représente 5 à 6 % des cas chez les patients < 65 ans opacifiés en phase aiguë. Le diagnostic est plus difficile à établir. La pratique de tests de provocation lors de la coronarographie initiale, c’est-à-dire en phase aiguë d’infarctus myocardique, n’est pas recommandée… Le mécanisme vasospastique sera évoqué sur un faisceau d’arguments : - négativité du reste du bilan étiologique, - recherche des éléments cliniques d’orientation précédemment évoqués (migraines, Raynaud…), - recherche d’épisodes de douleurs thoraciques intermittentes de deuxième partie de nuit ayant précédé l’infarctus, - surtout, pratique d’un test de provocation à l’occasion d’une coronarographie renouvelée à quelques semaines de distance de l’infarctus. Ce test de provocation, retardé de quelques semaines pour des raisons de sécurité, reste spécifique (quasiment pas de faux positif) mais la sensibilité n’est pas parfaite (quelques faux négatifs) compte tenu du caractère « cyclique » de la maladie vasospastique coronaire.   Lors du bilan étiologique d’une mort subite Un test de provocation doit être pratiqué chez les patients survivant sans séquelle neurologique lorsque le bilan étiologique (recherche de maladie coronaire obstructive et bilan rythmologique) aura été négatif. L’angor vasospastique est, en effet, une étiologie relativement fréquente des arrêts cardiaques extrahospitaliers, prouvant, s’il en était besoin, la dangerosité de la méconnaissance d’un tel diagnostic.   Les tests de provocation   Quand les réaliser ? À l’étape diagnostique, ils ne seront pratiqués que si le diagnostic n’a pas été déjà formellement établi. En pratique : - si l’on a pu enregistrer, avant la coronarographie, une ischémie électrocardiographique indiscutable transitoire et synchrone de la douleur et si la coronarographie est normale, le diagnostic peut être considéré comme certain et aucun test de provocation n’est nécessaire. Cette éventualité est cependant minoritaire ; - dans les autres cas, la pratique d’un test de provocation s’inscrit pleinement dans la logique de l’exploration complète d’un syndrome douloureux thoracique. Si le cardiologue prescripteur a jugé la douleur suffisamment cliniquement compatible avec un diagnostic d’angor pour poser l’indication d’une coronarographie et si celle-ci ne retrouve pas de lésion sténosante, la non-pratique d’un test de provocation amène à choisir entre deux attitudes qui ne seront pas solidement étayées : • ne proposer aucune prescription médicamenteuse avec le risque de méconnaître un angor spastique dont la prochaine manifestation clinique pourra être un infarctus ou une mort subite ; • prescrire un traitement par inhibiteurs calciques pour une durée prolongée sans certitude diagnostique, exposant inutilement le malade à la contrainte et aux éventuels effets indésirables d’un tel traitement. Cette prescription d’un anticalcique « au bénéfice du doute » peut être considérée comme un compromis acceptable si le patient est hypertendu ; dans ce cas, l’indication du traitement antihypertenseur est nécessaire, pouvant s’orienter préférentiellement vers un inhibiteur calcique sans certitude absolue du mécanisme.   Réalisation pratique • Les tests de provocation du spasme font appel à deux agents pharmacodynamiques principaux : - l’acetylcholine et ses dérivés, riches d’enseignements physiopathologiques mais de maniement pratique parfois difficile (doses fractionnées, risque important de bradycardie) ; - des dérivés vasoconstricteurs de l’ergot de seigle ; la molécule utilisée en France étant le méthergin (méthylergométrine), administré par voie intraveineuse soit sous forme de dose unique, soit sous forme de doses fractionnées croissantes, selon les habitudes de chaque équipe (figure). • Les conditions de réalisation du test retenues par notre équipe sont listées dans l’encadré. • Réunir l’ensemble de ces conditions assure une très forte sécurité à ce test en insistant sur la levée immédiate du spasme dès que le test est positif, en résistant à la tentation de multiplier les incidences pour enregistrer les « belles images ». La belle image est celle qui permet un diagnostic de certitude avec une prise de risque iatrogène minimale, c’est-à-dire une beauté fugace ! • Signalons une divergence entre les recommandations du dictionnaire Vidal (édition 2007), qui représentent donc les recommandations françaises les plus « officielles » où seule la voie intraveineuse est recommandée à l’exclusion de toutes autres voies d’administration, et les recommandations européennes faisant une large place à la voie intracoronaire. L’essentiel des publications sur le test au méthergin a été effectué, lors de la validation de cette technique au début des années 80, par voie intraveineuse ; ceci dit, de nombreuses équipes ont recours apparemment sans souci particulier à la voie intracoronaire. Nous restons pour notre part, fidèles aux recommandations du Vidal. • La sensibilité du test au méthergin est excellente lorsqu’il est pratiqué dans les quelques heures ou quelques jours suivant un épisode douloureux spontané. En revanche, du fait du caractère cyclique de la vasospasticité, plus on s’éloigne de l’événement clinique marqueur, plus la sensibilité diminue. La spécificité est excellente lorsque, par exemple, ce test est effectué chez les patients asymptomatiques, coronarographiés dans le cadre du bilan préopératoire d’une valvulopathie ; il n’y a quasiment jamais de faux positifs. Méthergin : spasme focal du la coronaire droite vasospastique (A) ; après TNT (B). Principes du traitement Le traitement de l’angor vasospastique est généralement très efficace sur les symptômes. Il n’existe aucune série comparative permettant d’affirmer que le contrôle pharmacologique du spasme réduit l’incidence de l’infarctus du myocarde ou de la mort subite car il ne serait clairement pas éthique de constituer un groupe de référence placebo chez des patients symptomatiques… malgré l’absence de validation médecine par les preuves », il est permis de constater que le pronostic des patients traités est très satisfaisant ! L’éradication du tabagisme représente la première étape incontournable de la prise en charge de ces patients. Le traitement pharmacologique repose principalement sur les inhibiteurs calciques. Plusieurs molécules ont été étudiées aussi bien parmi les anticalciques bradycardisants (diltiazem, vérapamil) que parmi les dihydropyridines. De fortes posologies sont parfois nécessaires pour bien contrôler les symptômes. De ce fait, il est parfois judicieux d’associer entre elles les deux principales classes d’inhibiteurs calciques : une molécule bradycardisante associée à une dihydropyridine. En effet, l’utilisation de trop fortes posologies de diltiaziem ou de vérapamil expose à un risque de bradycardie excessive. Symétriquement, l’utilisation de trop fortes doses de dihydropyridines expose à des effets de vasodilatation périphérique (œdème des membres inférieurs, hypotension). Le traitement peut être débuté par une molécule bradycardisante, par exemple diltiazem jusqu’à la dose de 300 mg, vérapamil jusqu’à la dose de 360 mg. En cas de réponse insuffisante, une dihydropyridine sera associée par exemple la nifédipine ou l’amlodipine. Il n’existe pas de recommandation structurée concernant l’évaluation du traitement. La disparition des douleurs est le premier objectif ! Un enregistrement Holter peut s’assurer de l’absence d’épisode d’ischémie silencieuse résiduelle mais il s’agit d’une éventualité rare. La preuve la plus formelle d’un bon contrôle est représentée par le renouvellement d’un test de provocation par le méthergin sous traitement médicamenteux. Si le vasospasme n’est plus pharmacologiquement déclenchable, l’objectif pharmacologique peut être considéré comme atteint. La réalisation d’un tel test sous traitement ne peut cependant, faute d’essai contrôlé validant cette attitude, être formellement recommandée. Que faire en cas d’échec des anticalciques ? Dans certains cas, l’angor vasospastique ne répond pas suffisamment aux anticalciques, même à fortes doses. Il est possible d’y adjoindre un dérivé nitré, de la molsidomine ou du nicorandil. Dans certains cas exceptionnels d’angor vasospastique réfractaire, peuvent être utilisés un dérivé atropinique, un antagoniste de l’angiotensine 2, un alphabloquant. Ces molécules doivent cependant rester d’usage tout à fait exceptionnel, au cas par cas dans les situations d’échec thérapeutique. Lorsqu’en l’absence de lésions athéromateuses sténosantes, le spasme est réfractaire au traitement médicamenteux et se reproduit constamment sur le même site coronaire, la responsabilité en incombe très vraisemblablement à un facteur local, plaque d’athérome infraradiologique ou dysfonction endothéliale localisée. Dans ces cas très particuliers d’échec de l’approche pharmacologique classique, l’implantation d’une endoprothèse peut être envisagée même en l’absence de lésion sténosante sous-jacente. La prescription d’aspirine est proposée par certains pour diminuer le risque de constitution d’une thrombose endocoronaire si un spasme occlusif survenait malgré le traitement. La prescription de statines, dans l’espoir d’améliorer la fonction endothéliale et de freiner la progression d’un athérome infra-radiologique fréquemment sous-jacent, n’est pas illogique. Ces deux classes pharmacologiques n’ont cependant jamais fait l’objet d’études comparatives.   Quel suivi ? Le suivi au long cours de l’angor spastique à coronaires saines n’est pas non plus standardisé. Au bout d’un an sous traitement médicamenteux, si le malade est strictement asymptomatique et si le tabagisme a été éradiqué, un sevrage thérapeutique est envisageable et selon le protocole suivant : le patient est hospitalisé pour 48 heures en soins intensifs pour permettre en toute sécurité d’effectuer le sevrage du traitement pharmacologique et d’intervenir immédiatement en cas d’éventuelle rechute de l’angor spastique à l’arrêt du traitement. Si ce sevrage est bien supporté, un test de provocation par le méthergin est renouvelé. S’il est négatif, le traitement est arrêté. Nous pratiquons ce protocole de sevrage depuis de nombreuses années mais, là aussi, en l’absence de groupe témoin et sur des effectifs de malades modestes, aucune recommandation ne peut être réellement proposée. - Un test standardisé pour une bonne sécurité en salle de coronarographie : • effectué que s’il n’y a pas de sténose athéromateuse fixe significative ; • le méthergin est injecté par voie intraveineuse à la dose de 0,4 mg (2 ampoules à 0,2 mg) ; • le test est considéré comme négatif s’il ne déclenche ni douleur, ni modification électrique, ni surtout modification de calibre artériel supérieure à la vasoconstriction « physiologique », c’est-à-dire > 20 à 30 % de réduction du calibre coronaire ; • en fin de test, le patient reçoit avant de quitter la salle de cathétérisme un dérivé nitré pour se mettre à l’abri d’une exceptionnelle réaction retardée qui, survenant en dehors du milieu « sécurisé » de la salle de coronarographie, pourrait avoir des conséquences fâcheuses. - Le test est considéré comme positif : • s’il entraîne une réduction de calibre > 70 % au niveau d’un segment coronaire. Souvent en cas de positivité, la réduction de calibre est plus importante, de l’ordre de 90-95 %, voire 100 %. L’apparition de modification électrique du tracé et/ou la reproduction de la douleur thoracique sont des phénomènes plus tardifs, décalés dans le temps de quelques dizaines de secondes et « inconstants » ; • si la réduction de calibre angiographique est indiscutable, qu’il y ait ou non des conséquences électrocliniques. - Dès que les critères de positivité sont recueillis, le spasme sera immédiatement levé par administration intraveineuse ou intracoronaire de dérivés nitrés.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 5 sur 81
publicité
publicité