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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 juin 2010Lecture 9 min

La FA, une star incontestée

G. JAUVERT, InParys, Clinique Val d’Or (Saint Cloud) et Clinique Bizet (Paris)

CARDIOSTIM

Depuis plusieurs années, l’ablation de la fibrillation atriale occupe une place prépondérante dans les communications présentées à Cardiostim. D’édition en édition, leur nature a évolué. Successivement, l’accent a été mis sur l’émergence et l’intérêt d’une approche thérapeutique radicalement nouvelle, sur la définition de populations cibles et de stratégies en fonction des différents types de fibrillations atriales (paroxystique, persistante ou permanente), sur la démonstration de son efficacité avec la présentation des résultats à long terme des premières larges séries représentatives de « la vraie vie », sur les complications à redouter et leur meilleure compréhension pour une meilleure prévention, sur la transformation « anatomique » de la technique par l’essor de l’imagerie tridimensionnelle et le développement des systèmes de manipulation à distance des cathéters.

L’ablation de la fibrillation atriale (FA) est une révolution dans la prise en charge de cette arythmie. Elle représente la seule alternative potentiellement curative. Bonanno rapporte une méta­analyse portant sur plus de 800 patients sélectionnés dans 8 essais randomisés contrôlés montrant une réduction de 71 % (p < 0,00001) des récidives de FA comparativement aux traitements antiarythmiques ; plus de la moitié des patients en tireront un bénéfice à long terme avec, de surcroît, un taux de complications ou d’effets secondaires moindre. La qualité de vie est très significativement améliorée, en particulier chez les patients en FA paroxystique/persistante (Haman) et ce, quel que soit leur âge (Bulkova), avec cependant un taux de complications peropératoires plus élevé chez les plus de 70 ans (Shah). L’édition 2010 met l’accent sur la recherche et le développement des outils d’ablation. Chaque nouveauté technologique apporte son avantage en termes de simplicité d’utilisation, de rapidité ou de confort. Chaque utilisateur peut donc choisir le ou les outils les mieux adaptés à sa pratique, ses moyens, ses patients ou ses attentes. Performances de la cryoablation La cryoablation est la première technique ablative alternative à la radiofréquence « classique ». Elle démontre aujourd’hui une efficacité comparable dans l’ablation de la FA paroxystique/persistante. Au moyen de ballons occlusifs et d’un liquide réfrigérant, les veines pulmonaires sont isolées de façon anatomique et circonférentielle en une ou deux applications pour chaque veine. En s’appuyant sur des séries de 55 à 776 patients, Heintz, Nadji, Schumacher, Kane et Halbfass rapportent des taux de succès immédiats (déconnexion des veines) de 85 à 95 %. Après un suivi moyen de 3 à 12 mois, 52 à 97 % des patients sont indemnes de FA symptomatique. Cette approche purement anatomique n’exclut pas de vérifier la déconnexion électrique effective des veines pour un meilleur taux de succès à 6 mois (86 % versus 53 % selon Koch). Comparativement à l’isolation anatomique des veines pulmonaires utilisant la radiofréquence classique (cathéter irrigué conventionnel et isolation point par point) et un système de cartographie électro-anatomique 3D, les temps moyens de procédure sont réduits, proches de 150 min, mais l’exposition aux rayons X est sensiblement augmentée (35 min en moyenne). Les complications inhérentes à la technique sont essentiellement des paralysies phréniques (7 à 10 %), réversibles. Les risques d’AVC ou de tamponnade sont comparables à ceux de la technique de référence. Ceux de sténose veineuse pulmonaire, considérés comme virtuels, ne sont pas nuls (bien qu’asymptomatiques) d’après Langbein, qui insiste sur la nécessité de bien garder le ballon en position antrale et non veineuse. En cas d’utilisation complémentaire de la radiofréquence (pour une isolation complète des connexions résiduelles après cryoablation), le risque de sténose sévère est bien réel : 4 % selon Mouquet. La cryoablation paraît bien adaptée pour traiter les FA paroxystiques. Certains la recommandent même en première intention dans cette indication (Kane). Il n’existe pas vraiment de données pour son application dans la FA persistante/permanente. Figure 1. Schéma du ballon de cryoablation positionné à l’ostium de la veine pulmonaire supérieure gauche. Figure 2. Cathéters MASC, PVAC et MAAC (Ablation Frontier). Nouveaux cathéters de radiofréquence Plus récemment, Ablation Frontiers a développé de nouveaux cathéters. Utilisant la radiofréquence, ils ont un design « anatomique », pour une approche électrophysiologique. Ces cathéters multipolaires circulaires, linéaires ou en étoiles (PVAC, MAAC et MASC) permettent de délivrer la radiofréquence simultanément sur plusieurs pôles en mode uni- ou bipolaire. Comme la cryo-ablation, cette approche ne nécessite pas d’équipement d’imagerie autre que la fluoroscopie. La variété des cathéters permet de cibler tous les types de FA et notamment la FA persistante/permanente, pour laquelle le design très original des cathéters est plus adapté que celui des ballons. Avec une puissance moindre, ces cathéters permettent des lésions tissulaires au moins similaires à celles obtenues avec les cathéters d’ablation classiques, voire plus importantes (Matia Frances). Comparé à l’approche habituelle par cathéter conventionnel et système de navigation 3D, l’efficacité clinique est, semble-t-il, équivalente. Après un suivi moyen de 6 à 12 mois, le maintien d’un rythme sinusal stable est obtenu chez 50 à 85 % des patients, selon qu’il s’agit de patients en FA permanente/persistante ou en FA paroxystique (Mulder, Zeb, Bünz, Bulava). Les types et le taux de complications sont également comparables à ceux de l’approche classique. En revanche, les temps de procédure sont nettement plus courts (Klein, Chung), comparables à ceux de la cryoablation, mais dans la mesure où l’on n’utilise que la fluoroscopie pour manipuler les cathéters, les temps de scopie sont sensiblement plus longs. Un ballon d’ablation à l’étude Ces deux techniques dites « anatomiques » font des émules puisqu’un nouveau type de ballon d’ablation a fait l’objet d’une étude de faisabilité et de sécurité sur 21 patients (Schmidt). L’EAS (Cardiofocus, USA) est un ballon de diamètre variable abritant un endoscope permettant la visualisation de la région péri-ostiale des veines. Les veines sont isolées par énergie Laser. Les temps de scopie et de procédure sont comparables ; 98 % des veines ciblées ont été déconnectées et une tamponnade est rapportée. Quelle stratégie selon le type de FA ? L’ablation de la FA persistante ou permanente est faisable mais les résultats sont moins bons que pour la FA paroxystique. Chez les patients en FA permanente, l’isolation/déconnexion des veines pulmonaires ne suffit pas, c’est un fait. Même chez les patients ayant une FA paroxystique, cela ne suffit pas toujours. Le groupe des patients ayant une FA persistante est un groupe hétérogène qu’il faudrait mieux stratifier, comme le souligne Barker. La stratégie thérapeutique la plus courante est la réalisation de lignes au niveau de l’oreillette gauche en plus de l’isolation des veines pulmonaires. Elles augmentent le taux de succès à long terme : 49 % de récidive versus 44 % dans la série de Berkowitsch (142 patients), qui souligne par ailleurs que 66 % des patients sans récidive de FA sont revenus en rythme sinusal pendant l’ablation. Ces lignes sont réalisées au niveau du toit, du septum, le long du sinus coronaire et le long de l’isthme mitral. L’inconvénient est qu’elles peuvent être incomplètes et assez fréquemment responsables de circuits de flutters gauches (4 fois plus qu’en l’absence de lignes, toujours selon Berkowitsch). Il existe une alternative, qui fait toujours débat : le mapping et l’ablation de multiples zones atriales gauches où sont enregistrés des potentiels fragmentés ou fractionnés, les « CAFE » (complex atrial fractionated electrograms), sorte de nids de FA qui entretiennent la FA. Seitz rapporte une corrélation entre ces zones, repérées grâce à un système de cartographie électro-anatomique (CARTO) et un substrat anormal, des zones de fibroses identifiées à l’IRM par rehaussement tardif. Leur étendue est peut-être corrélée avec des récidives précoces (Daccarett). On comprend l’intérêt que cela représenterait en pré-opératoire : guider le mapping. Mais ces données sont contradictoires avec celles de Jadidi. Ces mêmes régions, visualisées par IRM, correspondraient à des zones peu voltées en rythme sinusal et non aux CAFE qui, toujours selon Jadidi, seraient en fait purement fonctionnels. Finalement, que l’on choisisse de suivre la ligne, ou bien de moudre du « CAFE », c’est du tissu atrial que l’on compartimente comme du Maze chirurgical, de la masse critique que l’on réduit. Il est impossible de dire aujourd’hui laquelle de ces deux méthodes est la plus efficace ; la seconde est certainement la plus élégante. Améliorations des cathéters Le taux de succès de l’ablation dans les arythmies est globalement de 80 %. Il dépend en particulier de la réalisation de lésions jointives, complètes et transmurales. L’efficacité et les risques de complications d’une ablation par radiofréquence dépendent, entre autres, de la chaleur transmise au tissu en surface et du contact avec celui-ci. Divers développements ont porté sur l’amélioration des cathéters conventionnels, pour une meilleure efficacité et un risque moindre. Le contact du cathéter avec le tissu dépend essentiellement de la manipulation du cathéter. Un contact plus appuyé permet une meilleure lésion du tissu sous-jacent mais peut être aussi dangereux. La firme Suisse Endosense a développé un cathéter, TactiCath Celui-ci permet de mesurer en temps réel la force de contact avec le tissu. Plusieurs auteurs, ayant notamment participé à l’étude TOCCATA, présentent leurs résultats de l’utilisation de ce cathéter dans l’ablation de la FA. Il semble exister une relation inverse significative entre le taux de récidive de FA après ablation et la force de contact (Neuzil). Donc, dans la mesure où les veines sont électriquement déconnectées en fin d’ablation, une meilleure « transmuralité » des lésions par un meilleur contact garantirait un taux plus faible de reconductions et donc de récidives. La force de contact et sa variabilité dynamique systolo-diastolique peuvent être fonction du site d’ablation dans l’oreillette gauche, de l’orientation du cathéter et de l’utilisation éventuelle d’une gaine orientable (Herrera, Shah). La mesure en temps réel de la force de contact appliquée et de sa variabilité dynamique peuvent donc favoriser un meilleur contact pour éviter des lésions non transmurales et/ou discontinues. Ces données renseignent potentiellement sur le risque de perforation (figure 3). Figure 3. Système développé par Endosense, permettant de suivre l’angle et la force de contact du cathéter avec le myocarde. Le cathéter Therapy Cool Flex (Saint Jude Médical) C’est un cathéter d’ablation irriguée dont l’extrémité n’est plus rigide mais flexible. Expérimentalement, ce cathéter permet une plus grande surface de contact pour une force de contact identique (Byrd) et une meilleure diffusion de l’énergie au tissu, plus profonde avec moins de température en surface (Narciso). IRIS Afin d’obtenir des lésions continues, dans les ablations réalisant des lignes, Voyage Medical (États-Unis), a développé un cathéter, IRIS, comportant un nouveau système d’irrigation (saline bridge) et permettant une visualisation directe de l’endocarde. On observe ainsi la formation des lésions et on valide leur continuité en temps réel, comme Sacher l’a vérifié chez 10 patients ayant une indication d’ablation de l’isthme cavo-tricuspide. Expérimentalement, Chik, démontre la possibilité d’obtenir des lésions tissulaires plus larges, plus profondes, pour une puissance plus réduite, comparativement à l’utilisation d’un cathéter classique. Un système de navigation en champ magnétique Le système de navigation utilisant un champ magnétique NIOBE (Sterotaxis) permet de diriger à distance, grâce à un champ magnétique, un cathéter très souple, non traumatique, désormais irrigué Il s’utilise avec ou sans système de cartographie électro-anatomique (Biosense, Carto). En s’appuyant sur une série de 446 patients répartis en deux groupes (avec navigation magnétique versus manuelle), Bauernfeind présente les résultats suivants : quel que soit le type d’ablation (FA, flutter, tachycardie atriale, réentrée intranodale, tachycardie ventriculaire), ce système de navigation permet d’obtenir des résultats équivalents, une exposition aux rayons X nettement réduite et un taux de complications majeures significativement moindre (0,5 % vs 2,6 %). Dans l’ablation de la FA, Arya rapporte des résultats moins enthousiastes. En effet, la navigation magnétique n’est associée qu’à un taux de déconnexion complète des veines pulmonaires de 79 % vs 87 % pour la méthode manuelle. À 6 mois, 58 % vs 66 % des patients sont libres de récidive de FA. Peut être est-ce un problème de contact du cathéter trop souple, comme le suggère Carmo ? En effet, en utilisant un champ magnétique plus intense (0,1 T versus 0,08 T), le temps d’application de la radiofréquence pour obtenir la déconnexion des veines pulmonaires est significativement plus court.

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