Publié le 08 sep 2009Lecture 3 min
La régulation du temps de travail des internes
G. MOUBARAK, Hôpital Lariboisière (Paris)
Depuis une dizaine d’années, les conditions de travail des internes en médecine ont été réglementées dans plusieurs pays occidentaux. Les conséquences de cette régulation sur la qualité des soins et la formation des jeunes médecins ont été particulièrement bien étudiées aux États-Unis. En France, les internes de cardiologie ont été invités à exprimer leur opinion sur le sujet en 2007.
À l’origine, l’affaire Libby Zion
Libby Zion, jeune femme âgée alors de 18 ans, fut admise le 4 mars 1984 au New York Hospital pour un état d’agitation avec de la fièvre et des mouvements anormaux. Elle ne fut évaluée que par deux internes (residents), dont l’une était présente sur place pour 36 heures consécutives, sans encadrement par un médecin senior. La prise en charge de Libby Zion fut hâtive et aucun diagnostic étiologique ne fut posé (on pense aujourd’hui qu’elle souffrait de syndrome sérotoninergique médicamenteux). Son état de santé se dégrada rapidement aboutissant à son décès le lendemain matin. Son père, ancien avocat et journaliste au New York Times, s’empara de l’affaire afin de dénoncer ces horaires de travail excessifs. Son combat poussera l’état de New York à promulguer une loi en 1989, la première du genre, limitant le volume hebdomadaire à 80 heures, sans jamais excéder 24 heures consécutives.
La généralisation de la réglementation
L’Accreditation Council for Graduate Medical Education, l’organisme officiel en charge du troisième cycle des études médicales aux États-Unis, a étendu ces restrictions à l’ensemble du pays en 2003 (tableau 1). En Europe, une directive du Parlement européen du 4 novembre 2003 prévoyait la réduction du temps de travail des internes à 48 heures par semaine dès août 2009. Il existe toutefois une grande disparité de la durée de travail selon les pays (tableau 2).
En France notamment, l’arrêté du 10 septembre 2002 a fixé à 24 heures le nombre d’heures maximales consécutives, avec un repos de sécurité correspondant à l’interruption totale de toute activité hospitalière durant 11 heures après chaque garde.
Les conséquences de la réduction du temps de travail des internes
Il est bien démontré que le manque de sommeil des médecins diminue leur vigilance et que cette fatigue est source d’erreurs potentiellement évitables. Des expériences de réaménagement des plages horaires aux États-Unis ont montré une diminution du nombre d’erreurs médicales mais l’impact réel de ces restrictions hors du cadre des études randomisées est plus discuté. L’effet sur la mortalité notamment est incertain, et probablement simplement limité à quelques pathologies dans les plus grands hôpitaux universitaires. Ces incertitudes ont d’ailleurs conduit l’Institute of Medicine américain à formuler en décembre 2008 des recommandations de limitation du temps de travail encore plus drastiques que celles de 2003, afin de vraiment pouvoir mettre en évidence un bénéfice significatif sur la qualité des soins.
La plupart des études menées auprès des internes de spécialités médicales aux États-Unis n’ont pas montré de dégradation sensible de leur formation, contrairement aux internes de spécialités chirurgicales qui voient leur expérience opératoire légèrement réduite. Enfin, la qualité de vie des internes s’améliore le plus souvent, avec notamment une diminution de l’incidence du syndrome d’épuisement professionnel (burnout).
Le point de vue des internes de cardiologie en France sur le repos de sécurité 1
89 % des internes interrogés déclarent partir à 9 h ou 13 h le lendemain de leur garde. 75 % pensent que la probabilité de faire des erreurs liées à la fatigue est alors plus faible. Seuls 22 % estiment moins bien connaître leurs patients mais ils sont 49 % à estimer que leurs patients sont moins bien pris en charge le lendemain de leur garde. Ils sont 61 % à déclarer avoir plus de temps pour leur formation personnelle et 53 % se sentent plus réceptifs à l’enseignement. Enfin, 70 % déclarent se sentir moins fatigués et 55 % moins stressés.
En pratique
La limitation du temps de travail diminue le risque d’erreurs médicales liées à la fatigue mais son impact bénéfique à l’échelle de la population n’est pas clairement démontré. En France, les internes de cardiologie réservent un accueil plutôt favorable à l’instauration du repos de sécurité.
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