Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 15 juin 2010Lecture 7 min
La resynchronisation cardiaque
C. ALONSO, InParys, Clinique Val d’Or (Saint Cloud) et Clinique Bizet (Paris)
CARDIOSTIM
La fin de l’année 2009 en resynchronisation cardiaque a été marquée par la parution des études MADIT-CRT et REVERSE (cohorte européenne), qui laissent prévoir un élargissement des indications de resynchronisation cardiaque aux patients peu symptomatiques. Au cours de l’édition 2010 de Cardiostim sont présentées des sous-études de MADIT-CRT s’intéressant aux facteurs influant sur la réponse à la resynchronisation.
Retour sur MADIT-CRT
Ces études ont mis en évidence, pour la première, une réduction des événements liés à l’insuffisance cardiaque par la resynchronisation associée à la défibrillation chez des patients peu symptomatiques (classe NYHA I ou II) ayant par ailleurs une dysfonction VG (FEVG ≤ 30 %) et des QRS larges (QRS ≥130 ms), et pour la seconde, un effet sur le remodelage ventriculaire gauche par la resynchronisation associée ou non à la défibrillation chez des patients ayant des caractéristiques comparables : classe NYHA I ou II, FEVG ≤ 40 % et QRS ≥ 120 ms.
Zareba met en évidence, parmi les 1 820 patients inclus dans MADIT-CRT, un bénéfice supérieur de la resynchronisation en présence d’un bloc de branche gauche et chez ceux ayant une durée de QRS > 160 ms comparativement à ceux présentant d’autres types de troubles conductifs et à ceux ayant des QRS moins élargis.
Dans l’analyse de MADIT-CRT, Arshad observe un bénéfice supérieur de la resynchronisation chez les femmes, qui présentent une réduction significative de la mortalité toutes causes. Ces dernières ont, par ailleurs, moins de cardiopathies ischémiques et d’insuffisance rénale que les hommes.
Barsheshet rapporte des résultats intéressants concernant les cardiopathies ischémiques. Le bénéfice de la resynchronisation augmente avec le délai écoulé depuis la survenue de l’infarctus et est également plus important chez les patients ayant une cardiopathie ischémique mais sans antécédent d’infarctus.
Enfin, Link souligne le mauvais pronostic de la survenue de troubles du rythme supraventriculaires en termes de mortalité et de survenue d’insuffisance cardiaque. Parmi 1 089 patients ayant un suivi de 2,4 ans, 16,5 % ont développé de la fibrillation atriale, du flutter ou des tachycardies atriales.
Cependant, si les indications de resynchronisation vont probablement s’élargir aux patients moins symptomatiques, Eyal Nof souligne que la proportion de patients implantés d’un défibrillateur nécessitant un « up-grading » vers un système de resynchronisation est faible, de l’ordre de 5 % pour un suivi de 26 ± 18 mois.
Pour Le saux, parmi 60 patients présentant une dysfonction VG et une indication prophylactique de défibrillateur sans indication de resynchronisation au moment de l’implantation, aucun n’a dû être resynchronisé au cours d’un suivi de 3 ans. Pour Scott, chez les patients implantés d’un défibrillateur et ayant une FEVG ≤ 35 %, le taux d’« up-grading » vers un système de resynchronisation est de 7 % avec des taux de 0,5 %, 3,6 % et 10,1 %, à 1, 3 et 5 ans respectivement.
Les facteurs influant sur les bénéfices de la resynchronisation cardiaque
• Kenji Ando souligne l’importance de la présence d’une insuffisance mitrale et de sa sévérité. Plus l’insuffisance mitrale est sévère, moins bon est le pronostic. Cependant, chez les patients ayant une insuffisance mitrale modérée ou sévère à l’état basal, la réduction de l’insuffisance mitrale après 6 mois de resynchronisation est un facteur de bon pronostic.
• Comme nous l’avons vu dans MADIT-CRT, la survenue de troubles du rythme supraventriculaires est un facteur de mauvais pronostic. Santini rapporte les résultats d’un registre italien incluant 1 193 patients dans 77 centres. Après un suivi de 13 mois, l’incidence des troubles du rythme supraventriculaires était de 30 %. La survenue de troubles du rythme supraventriculaires était corrélée aux décès, transplantations cardiaques et hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Les résultats du registre ACTION-HF présentés par Botto vont dans le même sens. La fibrillation atriale est associée ici à une augmentation de la mortalité toutes causes et à la survenue de troubles du rythme ventriculaire.
Les comorbidités
On note également que la présence d’une bronchopathie chronique obstructive est un facteur de mauvais pronostic.
D’autres auteurs (Goscinska, Theuns) soulignent eux aussi l’importance des comorbidités dans le pronostic des patients resynchronisés.
Lunati s’intéresse à la mortalité à long terme. Sur 611 patients inclus en 10 ans avec un suivi moyen de 40 mois, il rapporte une mortalité de 5 % par an. Chez ces mêmes patients, il décrit un maintien des bénéfices cliniques (NYHA) et échographiques (FEVG et volume télésystolique) à long terme.
Eyal Nof rapporte des résultats similaires avec un maintien à long terme des bénéfices cliniques et échographiques. Il retrouve également que la réponse clinique à 1 an prédit la survie à long terme, ce qui n’est pas vrai pour la réponse échographique.
Réserve contractile et viabilité myocardique
Parmi les facteurs pouvant influer sur la réponse à la resynchronisation cardiaque, on retrouve également les notions de réserve contractile et de viabilité myocardique. Pour Muto et Peraldo Neja, la présence d’une réserve contractile à l’échographie de stress permet de prédire la réponse à la resynchronisation. Dans le premier des deux travaux, portant sur 271 patients, on observe 78 % de répondeurs dans le groupe ayant une réserve contractile comparativement à 54 % de répondeurs dans le groupe n’en ayant pas. Dans le second, sur 126 patients, on constate 75 % de répondeurs en présence d’une réserve contractile versus 35 % de répondeurs en l’absence de réserve contractile.
N’oublions pas les super-répondeurs !
Dans MADIT-CRT (Foster), on observe un quart de super-répondeurs.
Les patients les plus à même d’avoir une amélioration importante de la FEVG sont plutôt des femmes, et ont des cardiopathies non ischémiques et des QRS très larges.
Dans la communication de Defaye sur 340 patients, 18 % sont des super-répondeurs, avec un taux de survie de 65 % à 5 ans. Stefan, sur 687 patients n’observe que 5 % de super-répondeurs, là encore, plutôt des femmes ayant une cardiopathie non ischémique et à un stade moins avancé de la maladie (cavités moins dilatées, FEVG moins abaissée et insuffisance mitrale moindre).
Enfin, Vatasescu s’intéresse au mécanisme de la super-réponse et suggère qu’il s’agit de la correction de l’asynchronisme mécanique (figure 1).
Figure 1. Tracé ECG d’un patient « super-répondeur », en spontané puis avec stimulation (partie droite du tracé).
Les capteurs hémodynamiques font couler beaucoup d’encre
Parmi les communications sur ce sujet, on retient en particulier les résultats de l’étude CLEAR présentés par Ritter, dans laquelle 341 patients ont été inclus et randomisés en deux bras : optimisation des délais AV et VV à l’aide du SonR (ou PEA) ou optimisation standard selon les habitudes du centre. Après un an de suivi, un taux significativement plus élevé de répondeurs a été observé dans le groupe SonR (86 %) comparativement au groupe standard (62 %). Sur 31 patients, Mabo observe des résultats encourageants sur la capacité des composants du signal SonR, SonR 1 et SonR 2, à prédire le statut des patients insuffisants cardiaques. Donal utilise le SonR externe pour estimer la durée de la systole et de la diastole, et observe de bons résultats en comparaison à l’échographie cardiaque.
Bordachar montre, sur 5 cochons, que le capteur SonR peut être placé dans l’oreillette avec une très bonne corrélation à la Dp/Dt max. Klug a choisi, lui aussi, le cochon et observé une diminution significative de l’amplitude du SonR 1 au cours des tachycardies ventriculaires comparativement aux tachycardies supraventriculaires, ce qui suggère un intérêt du SonR pour la discrimination des tachycardies chez les porteurs de défibrillateur.
Mesure de l’impédance transvalvulaire et intrathoracique
Neri rapporte une stabilité de l’impédance transvalvulaire chez les patients stables et des fluctuations parallèles aux fluctuations hémodynamiques observées chez les patients. Pandozi, en s’intéressant aux variations de l’impédance transvalvulaire au cours de différents troubles du rythme, a observé une corrélation avec leur tolérance hémodynamique et suggère qu’elle pourrait être utile pour réduire le risque de chocs inappropriés chez les porteurs de défibrillateur.
La mesure de l’impédance intrathoracique permettrait, quant à elle, de détecter précocement une aggravation de l’insuffisance cardiaque. Wiegand présente les résultats du registre InSync Sentry incluant 896 patients : 78 % des patients ayant eu une alerte avaient effectivement des signes d’insuffisance cardiaque. Les alertes inappropriées étaient le plus souvent corrigées par reprogrammation du seuil d’alerte.
Poursuite des développements techniques
La mise en place de la sonde ventriculaire gauche par la voie du sinus coronaire reste dans certains cas un challenge technique. Plusieurs auteurs (Gutleben, Goetze) suggèrent un intérêt de reconstructions 3D pour faciliter l’implantation. Par ailleurs, des sondes toujours plus petites sont développées (Exner, Wong) pour faciliter l’accès aux veines de petit calibre, ainsi que de nouveaux outils (Giannola).
L’intérêt du repositionnement électronique est abordé dans plusieurs présentations (Defaye, Gold, Huizar), les différentes configurations influant sur le seuil de stimulation mais aussi sur la détection, et permettant souvent de s’affranchir d’une stimulation phrénique. L’apparition de sondes quadripolaires va encore augmenter les possibilités de programmation (Danschel, Thibault) (figure 2).
Figure 2. Angiographie du sinus coronaire : commencer par déterminer la veine cible…
Enfin, des alternatives techniques au sinus coronaire sont toujours en développement. On retient notamment l’approche transapicale, rapportée chez 14 patients par Mihalez. Ici, la sonde ventriculaire gauche, à fixation active, est mise en place dans la cavité ventriculaire gauche, sur la paroi latérobasale après ponction de l’apex du VG. Ces voies d’abord sont d’autant plus intéressantes qu’elles permettent une stimulation endocardique et non épicardique qui permettrait, d’après de récentes études chez l’animal, un résultat hémodynamique supérieur et moins dépendant de la position de la sonde. Strik rapporte une étude sur 6 chiens, dans laquelle la stimulation endocardique VG améliore significativement le synchronisme électrique d’activation et de repolarisation, ainsi que la fonction systolique et diastolique VG comparativement à la stimulation épicardique.
En résumé
Dans l’édition 2010 de Cardiostim on s’intéresse aux facteurs influant sur la réponse à la resynchronisation dans le souci de mieux cibler les répondeurs, aux capteurs hémodynamiques qui donnent des résultats prometteurs pour l’optimisation de la resynchronisation et le suivi des patients, et enfin et toujours, aux aspects techniques de l’implantation avec l’apparition de nouvelles approches en alternative à la voie du sinus coronaire.
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