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Insuffisance cardiaque

Publié le 20 fév 2007Lecture 8 min

La revascularisation coronaire dans l'insuffisance cardiaque

J.-L. DUBOIS-RANDÉ, hôpital Henri Mondor, Paris

Malgré des avancées technologiques et thérapeutiques importantes, la revascularisation des patients ayant une atteinte coronaire et une dysfonction ventriculaire gauche et, a fortiori, une insuffisance cardiaque, reste toujours l’objet de discussions. Malgré un risque opératoire élevé, le pronostic à distance est amélioré par la revascularisation menée chez les patients ayant une FE très abaissée. Encore faut-il que le myocarde puisse récupérer, ce dont il faut s’assurer avant de retenir l’indication d’un geste de revascularisation.

Un pronostic sévère   Une morbi-mortalité élevée Ces patients insuffisants cardiaques ont une morbi-mortalité élevée aussi bien spontanée que lors du geste opératoire. Différentes comorbidités peuvent également aggraver le pronostic. Ainsi, la mortalité d’une intervention chirurgicale reste élevée pour des fractions d’éjection < 30 % avec des chiffres entre 3 et 10 %. Cette mortalité augmente en cas de symptômes patents d’insuffisance cardiaque. Malgré cette mortalité élevée, le pronostic à distance des patients est retrouvé meilleur après revascularisation, même pour les fractions d’éjection les plus basses. Cependant, la comparaison par des études contrôlées de la revascularisation versus le traitement actuel optimal de l’insuffisance cardiaque n’existe pas vraiment aujourd’hui, de même que l’évaluation de la revascularisation par la cardiologie interventionnelle qui s’impose pourtant souvent dans la pratique.   Une dysfonction VG réversible La base de l’indication de la revascularisation est que l’atteinte de la fonction ventriculaire n’est pas toujours irréversible car elle témoigne souvent d’un processus d’adaptation à l’ischémie chronique appelé myocarde hibernant. Ce myocarde a un potentiel de récupération après revascularisation avec amélioration à la fois de l’état fonctionnel des patients et du pronostic. L’étude des capacités de récupération du myocarde est donc a priori un préalable avant l’indication d’un geste de revascularisation.   Mécanismes de la dysfonction cardiaque dans les cardiopathies ischémiques   Différents mécanismes sont en cause L’infarctus du myocarde qu’il soit transmural ou non, le myocarde sidéré et le myocarde hibernant sont des états parfois difficiles à différencier et peuvent d’ailleurs coexister au sein du ventricule gauche, voire de la même région de ce ventricule. Sur le plan des définitions, il faut reconnaître une certaine confusion et, particulièrement, entre le concept de myocarde viable et de myocarde hibernant. Le terme viabilité décrit par principe des cellules myocardiques vivantes. Cependant, cela ne simplifie pas forcément la définition car il existe un spectre assez large de réflexions biologiques autour de ce terme. En pratique, cela signifie qu’un myocarde dit viable peut être fonctionnel ou non suivant les circonstances pathologiques. Le terme hibernant, qui lui-même a évolué depuis sa définition initiale, fait référence à un myocarde viable mais non ou peu contractile dans le cadre d’une cardiopathie ischémique chronique. L’hypothèse pour l’indication de revascularisation est que la normalisation de la réserve coronaire permettra aux cellules de se contracter, surtout, il s’agit dans notre pratique d’une définition a posteriori car la récupération fonctionnelle prédite par ce concept ne se vérifiera qu’après revascularisation, en supposant que celle-ci n’aggrave pas la situation. Il est donc difficile aujourd’hui, compte tenu des incertitudes sur les mécanismes cellulaires qui soutiennent ces concepts, de faire une référence simpliste à ces termes pour prédire la récupération.   Une viabilité doit permettre une récupération L’étude de la « viabilité » au sens large, réalisée en pratique clinique, est globalement une bonne approximation des possibilités de récupération du myocarde, une bonne compréhension des outils permettant de l’apprécier est essentielle. Par exemple, l’IRM pourra mettre en évidence une large zone de cicatrice sous-endocardique après un infarctus alors que la scintigraphie montrera la zone viable restante. Quelles seront les chances de récupération réelle après revascularisation et quelle méthode choisir dans ce cas ? Étude de la viabilité et pronostic dans la dysfonction ventriculaire De nombreuses études ont montré que l’évaluation de la viabilité était nécessaire pour prédire la récupération fonctionnelle et, au-delà, la survie des patients ayant une dysfonction systolique sévère symptomatique ou non. Parmi les méthodes d’évaluation de la viabilité, la scintigraphie Thallium-201 ou Technetium-99 est la plus couramment utilisée, la scintigraphie par émission de positons est en règle générale considérée comme très effective mais encore peu accessible. Les études menées avec l’échographie de stress montrent qu’il s’agit d’une excellente technique et les résultats fournis par l’IRM sont de plus en plus convaincants. Une récente revue des différentes méthodes a été faite par un groupe de travail de la Société européenne de cardiologie qui examine l’intérêt respectif des différentes techniques et leur complémentarité. Il faut pourtant mentionner encore les limites de ces études qui examinent souvent plus les valeurs prédictives d’une technique donnée mais sans se comparer largement les unes avec les autres. Par ailleurs, peu d’études ont analysé les valeurs prédictives, non pas en termes d’impact de la revascularisation, mais d’efficacité du traitement médical. Enfin, d’autres études sont plus réservées et ne trouvent pas de relation si directe entre démonstration d’une viabilité et amélioration fonctionnelle. Les limites de ces études sont en général leur caractère rétrospectif et/ou le faible nombre de patients mais la prise en compte du remodelage ventriculaire semble être assez déterminante. Pour les patients en insuffisance cardiaque, peu d’études ont été réalisées. Récemment, une étude incluant un nombre conséquent de patients a montré que parmi les patients ayant une insuffisance cardiaque systolique, la revascularisation quelle qu’elle soit (un certain nombre de patients ont eu une angioplastie) améliorait le pronostic. La présence d’une viabilité et surtout la précocité de la revascularisation après la réalisation des tests donnaient de bons résultats. De façon intéressante, l’effet sur la survie n’apparaît qu’après plusieurs mois. Enfin, même des patients sans viabilité ou sans évaluation de celle-ci semblent tirer un bénéfice, ce qui souligne la complexité probable de l’effet de la revascularisation. Cette étude en tout cas est une des seules de cette taille à s’être intéressé aux patients en insuffisance cardiaque. Signalons l’étude européenne en cours sur ce sujet : the Heart failure Revascularisation Trial (HEART).   Preuves du bénéfice de la revascularisation chez les multi-tronculaires Les bases du raisonnement font toujours référence à trois articles princeps comparant la chirurgie versus et le traitement médical chez des patients essentiellement en angor stable ayant deux ou trois vaisseaux à revasculariser. Ces études ont démontré que la revascularisation par pontage donnait un bénéfice en termes de survie par comparaison au traitement médical. Cependant, ces études portaient sur un nombre faible de patients (environ 2 000 au total) et surtout ont été menées dans les années 1970-80. La conclusion principale érigée presque en dogme était que la chirurgie améliorait la survie des patients ayant une atteinte tritronculaire avec une dysfonction ventriculaire gauche. Les données sur la chirurgie du tronc commun penchaient également dans le sens du bénéfice de la chirurgie. Ces études sont maintenant anciennes et les techniques de revascularisation ont évolué, aussi bien sur le plan chirurgical, où elles peuvent être associées à des gestes de reconstruction du myocarde ou de réparation valvulaire, que dans le domaine de la cardiologie interventionnelle. Par ailleurs, l’approche par les techniques d’imagerie de la viabilité myocardique a modifié l’approche empirique autour de ces patients, comme nous l’avons vu au paragraphe précédent. Cela ne discrédite en rien les études citées mais amène plutôt à examiner les études plus récentes utilisant une évaluation de l’ischémie myocardique et de la viabilité et l’ensemble des techniques de revascularisation, dont bien entendu l’angioplastie.   Quelle méthode de revascularisation ? De nombreuses études qui ont comparé l’angioplastie et la chirurgie chez des patients pluritronculaires mais, en général, les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche ont été exclus de celles-ci. Une méta-analyse récente de 13 études a été publiée. L’élément dominant de ces études est, qu’en dehors de la population diabétique, les deux méthodes donnent les mêmes résultats cliniques à long terme, notamment sur la survie. Il existe une différence de pronostic en fonction du sexe, mais cette différence est vraie aussi bien pour la chirurgie que pour l’angioplastie. Chez le patient diabétique en revanche, la chirurgie a fait mieux en termes de survie, y compris lorsque l’angioplastie est réalisée avec des stents conventionnels. Le recul de ces études commence à être satisfaisant (plus de 7 ans pour l’étude BARI) et prolonge les conclusions initiales sur l’égalité à long terme des deux méthodes. Le risque principal après angioplastie par ballon était d’avoir une nouvelle angioplastie. L’arrivée du stent conventionnel a permis de faire mieux que le ballon en termes de nouvelles revascularisations (ARTS, SOS, ERACI II). Enfin, les premières études avec les stents de nouvelle génération dits actifs (ARTS 2) montrent une diminution drastique du risque de resténose et donc de nouvelles revascularisations dans les mois qui suivent leurs implantations. Cependant, la réserve reste autour de l’état de dégradation du ventricule gauche. L’analyse d’un registre récent penche encore pour le bénéfice de la chirurgie chez les patients à haut risque.   Le patient diabétique Le patient diabétique fait aujourd’hui, et fort heureusement, l’objet d’études prospectives. En présence d’une dysfonction ventriculaire gauche, les données prédictives fournies par l’étude de la viabilité, notamment par scintigraphie, semblent être applicables. La préférence va en général à l’intervention chirurgicale. En effet, dans les études comparant l’angioplastie et la chirurgie, le bénéfice était en faveur de la chirurgie y compris sur la survie. La discussion aujourd’hui est de savoir si l’utilisation des stents actifs va modifier la donne. Les analyses en sous-groupes des études menées avec des stents actifs montrent des résultats encourageants, y compris sur des lésions longues, mais les données angiographiques et cliniques à long terme manquent. Dans le registre EVASTENT, dont certaines données ont été présentées au congrès de l’American Heart Association, les patients diabétiques ont de forts pourcentages de réocclusions. Par ailleurs, quelques données récentes suggèrent la prudence du fait de possibles réocclusions tardives avec des stents actifs. Il faudra attendre le résultat des études menées prospectivement sur ce thème dont : CARDia, FREEDOM menées versus chirurgie.   En pratique   Il existe de solides arguments pour associer revascularisation myocardique et bénéfice en termes d’amélioration de fonction, de prévention de la survenue de l’insuffisance cardiaque et, au final, d’amélioration pronostique chez des patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche. L’analyse de la viabilité myocardique est déterminante pour prédire cette amélioration, mais un algorithme de réalisation des différentes techniques permettant l’étude de cette viabilité est nécessaire pour mieux identifier les patients qui bénéficieront le plus du traitement médical et de la revascularisation. Compte tenu des enjeux pour les patients ayant les fractions d’éjection les plus basses et des risques per- et postopératoires, le choix de la stratégie doit se garder d’être approximatif.

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