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Cardiologie générale

Publié le 08 déc 2009Lecture 9 min

Un siècle de cardiologie - Le temps des explorations

C. RÉGNIER

L’histoire a retenu le nom de Willem Einthoven (1860-1927) comme inventeur de l’ECG ; en 1924, un prix Nobel de médecine récompense cette découverte.

Du galvanomètre à corde d'Einthoven (1901) à l'ECG portatif (1928) L’histoire a retenu le nom de Willem Einthoven (1860-1927) comme inventeur de l’ECG ; en 1924, un prix Nobel de médecine récompense cette découverte. Le savant hollandais emploie le galvanomètre à corde de l’ingénieur français Clément Ader (1841-1925) qu’il adapte en ajoutant un système de lentilles pour amplifier et rendre visibles les oscillations de la corde de quartz argenté. Il obtient un graphique papier avec des lignes ascendantes et descendantes ; Einthoven définit « son » triangle équilatéral formé par les trois dérivations standard. En 1901, il publie ses premiers EKG (electrokardiogram) ; il décrit cinq ans plus tard les signes électriques du bloc auriculo-ventriculaire, de l’onde P mitrale et des hypertrophies ventriculaires. Les lettres P, Q, R, S, T, qui désignaient depuis Descartes les points se suivant sur une courbe, furent choisies pour identifier les variations électriques du courant pendant la contraction cardiaque. (figure 1) Les 57 premiers électrocardiographes Cambridge (à trois dérivations standard) sont vendus en Europe dès 1911 ; chaque appareil pèse 150 kg. L’électrocardiographie entre dans la pratique courante avec la mise au point en 1928 de l’appareil portable Sanborn de 25 kg fonctionnant sur une batterie automobile de 6 volts. Dix ans plus tard, les six dérivations précordiales V1 à V6 complètent l’ECG (figure 2). En 1942, Emmanuel Goldberger ajoute les dérivations périphériques aVR, aVL, aVF. Le Larousse Médical est enthousiaste : L’électrocardiographie est considérée actuellement comme l’une des techniques les plus étonnantes de la médecine moderne (1945). Des ombres radiologiques à l'angiographie Le 6 janvier 1900 – moins de quatre ans après la découverte des rayons X – Francis Henry Williams (1852-1936) réalise la première radiographie du cœur d’une femme de 47 ans (temps de pose 40’). Peu de temps après, il met au point une méthode pour déterminer la taille du cœur, à l’aide d’un écran fluorescent qui épouse la forme du thorax, évitant ainsi les distorsions de l’ombre radioscopique. Vers 1910, les arcs de l’ombre radiologique cardiaque sont désignés ; dix ans plus tard, les cardiopathies radiologiquement décelables sont toutes décrites. Les premiers films de la cinétique cardiaque – kinécardiogrammes – sont projetés à l’Académie de Médecine à Paris en 1924 par le radiologue André Lomon et le physicien Jean Comandon (1877-1970) qui ont filmé les images radioscopiques du cœur sur un écran fluorescent. En 1923, les radiologues allemands Joseph Berberich (1897- ?) et S. Hirsch réussissent la première artériographie par injection d’iodure de sodium. En 1929, à Lisbonne, Reynaldo Dos Santos (1880-1970) présente une artériographie de l’aorte et de ses branches abdominales. Deux ans plus tard, le chef de file de l’école portugaise d’artériographie Egas Moniz (1874-1955) réalise une angiographie des cavités droites du cœur et du réseau artériel pulmonaire. En 1938, le cardiologue Georges Porter Robb (1898-1983) et Israël Steinberg (1902-1983) mettent au point l’angiocardiographie qui révélera la structure interne du cœur et de la circulation. Les deux Américains font usage d’un produit de contraste non irritant pour les vaisseaux et rapidement excrété : l’iodopyracet. Après la Seconde Guerre Mondiale, l’angiographie profite d’une amélioration des techniques de cathétérisme et de l’utilisation de produits de contraste mieux tolérés. Le succès de l’angiographie contribue à celui de la chirurgie du cœur dans les années 40. En 1953, Sven Ivar Seldinger (1921-1998) réalise l’opacification du cœur gauche par cathétérisme rétrograde fémoral percutané ; technique connue sous le nom de « ponction de Seldinger » (figure 3). En 1979, l’équipe de Kruger développe l’angiographie numérisée. Évolutions des techniques d'échographie et de Doppler (1953-1985) Les lois physiques de l’effet Doppler sont énoncées en 1842 à Vienne par Christian Doppler (1803-1853) qui établit la corrélation entre les variations de fréquence d’une source d’ultrasons et le déplacement d’une cible recevant ces ondes. Cet effet Doppler est appliqué pendant la Grande Guerre pour la détection des sous-marins. L’échographie cardiaque – l’UCG pour Ultra Sound Cardiography – naît en Suède. La première image d’une anomalie échographique est obtenue à l’université de Lund le 29 octobre 1953 par le cardiologue Inge Edler (1911-2001) et le physicien Hellmuth Hertz (1917-1990), fils de Gustave Hertz, prix Nobel de physique (1925). Les deux hommes utilisent un « réflectoscope » pour détecter une anomalie de la valve mitrale antérieure chez un patient présentant un RM. Hertz développe l’échocardiographie bidimensionnelle en temps réel (1967) et pédiatrique (1971). L’échographie dans ses débuts ne suscite pas un enthousiasme unanime mais quelques cardiologues pionniers en comprennent immédiatement l’intérêt. La grande variété d’appareils et la difficulté à se former à deux nouvelles techniques non standardisées, le Doppler et l’échographie expliquent ce scepticisme. En outre, la communauté des cardiologues fonde de grands espoirs sur une autre technique, la ballistographie. L’exploration Doppler des vaisseaux est le fait des physiciens japonais d’Osaka. En 1955, le neuropsychiatre Ziro Kaneko (1915-1997) et le physicien Shigeo Satomura (1919-1960) débutent leurs expériences sur les applications de l’effet Doppler à l’étude des flux des vaisseaux du cou et du cerveau. Quatre ans plus tard, Satomura met au point le premier appareil avec sonde pour apprécier les débits sanguins artérioveineux, le « rhéographe Doppler », fabriqué par la Nippon Electric Company. En 1966, Kanemasa Kato et T. Izumi proposent le premier Doppler en flux continu qui permet d’estimer les variations de débit sanguin. (figure 4) L’écho-Doppler commence sa marche vers le succès au début des années 70 lorsque le physicien John M. Reid (1926- ?) et le cardiologue Clauce R. Joyner (1925-2006) de Seattle parviennent à coupler le Doppler pulsé à un échographe 2D. Retour au Japon, en 1965 où Yoshitoshi utilise l’effet Doppler pour étudier les mouvements de la paroi postérieure du ventricule gauche ; c’est le début du Doppler tissulaire myocardique développé par Karl Isaaz. En 1985, à Tokyo, se développe l’écho-Doppler 3D avec image en couleurs fabriqué par Aloka® d’après les recherches de C Kasai, K. Namekawa et A. Koyano. En 1998, la technique Color Kinesis permet la détection des contours endocardiques en temps réel et fournit de nouveaux indices sur la fonction cardiaque. Dernière étape, depuis 2003, l’échographie en 3D – 4D permet une mesure précise du volume des ventricules, de la fraction d’éjection et de l’épaisseur des parois. Le temps des cathétérismes En 1928, le médecin berlinois Werner Theordor Otto Forsmann (1904-1979) se fait anesthésier le bras, s’incise une veine basilique, introduit une canule pour y pousser un cathéter de 65 cm de long, y injecte de l’iodure de potassium et se place derrière un écran fluorescent pour visualiser sa propre oreillette droite. Il monte au service de radiologie et fait prendre deux clichés du premier cathétérisme du cœur droit. La publication de Forsmann ne soulève aucun enthousiasme… En 1956, il reçoit le prix Nobel de médecine avec André Cournand (figure 5) et Dickinson Richards. En 1937, à la Havane, l’équipe d’Augustin Walfredo Castellanos (1902-2000) réalise la première aortographie. En 1940, à New York, André Cournand (1895-1988) et Dickinson Richards (1895-1973) développent la technique du cathétérisme du cœur droit et de mesure du débit cardiaque. Les deux hommes reçoivent le prix Nobel de médecine en 1956. En 1950, à Cleveland, celle du cœur gauche est réussie par Normann O. Becker, Roy W. Scott et Henry A. Zimmerman. La première coronarographie sélective (Ricketts et Abrams - 1961) En 1959, F. Mason Sones (1919-1985) met au point une technique d’opacification des coronaires par artériographie humérale. Cette découverte résulte d’une injection accidentelle de produit de contraste dans une artère coronaire un an plus tôt chez un patient de 28 ans présentant une cardiopathie rhumatismale ; Sones cherchait à opacifier les valves aortiques et a introduit son cathéter dans l’artère coronaire droite. En le sortant, 30 cm3 de produit de contraste pénètrent dans l’artère coronaire… En 1962, Sones et Earl K. Shirey réussissent une cinéartériographie coronaire. À la fin de l’année 1961, Howard J. Ricketts et le radiologue Herbert L. Abrams, de l’université de Stanford, réalisent chez l’homme la première coronarographie sélective. Deux cathéters moulés en polyéthylène sont introduits par l’artère fémorale et poussés jusqu’à l’ostium aortique (figures 6, 7, 8 et 9). À partir de 1965, le matériel s’améliore avec l’arrivée de l’introducteur Desilet, les Judkins Right, Judkins Left, et la sonde Pitgail de Melvin P. Judkins (1922-1985), les sondes à courbure spéciale de Kurt Amplatz (né en 1925). Entre 1991 et 2002, la coronarographie se perfectionne par l’imagerie par résonance magnétique couplée à la dilatation des coronaires. Les scintigraphies : la valse des radioéléments (1962) L’utilisation de radioisotopes pour explorer le système cardiovasculaire remonte à 1925 lorsqu’Hermann L. Blumgart (1895-1977) et Soma Weiss (1898-1942) injectent en intraveineuse du bismuth 214 (ou radium C) pour mesurer les temps circulatoires en physiologie et en pathologie. La même technique est utilisée pour la mesure du débit cardiaque et du temps de transit pulmonaire. Médiocre sur le plan de la résolution anatomique, la médecine nucléaire appliquée à la cardiologie trouve son application pour l’étude de la perfusion myocardique au repos et à l’effort, la mesure des fonctions ventriculaires et de son potentiel de récupération. En 1959, à New York, l’équipe d’Eugène Braunwald (né en 1929) emploie du krypton 85 pour la détection des shunts cardiaques. Douze ans plus tard, le cardiologue américain injecte des microsphères de séroalbumine marquée pour étudier le réseau précapillaire et le territoire des coronaires. En 1962, E.A. Carr, B.J. Walker et J. Bartlett Jr réalisent la première scintigraphie de perfusion myocardique au rubidium. Des analogues du potassium, le rubidium 86, 84 ou 81, le césium 131, le potassium 42 ou 43 sont les premiers radioéléments employés. Le traceur donnant le plus de satisfaction en raison de sa facilité d’élimination et de la qualité énergétique de ses photons d’émission est le thallium 201, utilisé en 1973 par E. Lebowitz et coll. Dans les années 80, la supériorité de la scintigraphie au thallium sur l’ECG de repos et d’effort est démontrée. Le technétium 99m est employé pour mettre en évidence les régions myocardiques ischémiées (P.W. Doherty et coll.). Le scanner et l'IRM en cardiologie Le physicien sud-africain Allan Mac Leod Cormack (1924-1998) met au point en 1963 la reconstruction tridimensionnelle à partir d’images radiographiques obtenues sur des fantômes expérimentaux. Utilisant ces travaux et disposant de puissants ordinateurs de calcul, un ingénieur au centre de recherches de la firme britannique Electronical Musical Instrumental (EMI), Godfrey Newbold Hounsfield (1919-2004), réalise des images en coupes à partir de mesures du rayonnement résiduel produit par un tube à rayons X se déplaçant autour d’un crâne. En 1972, il dépose le brevet du prototype de sa conception : Computerized Transversal Axial Tomography. Le tomodensitomètre ou scanner est immédiatement perçu comme une révolution de l’imagerie médicale : il fournit des clichés de coupe d’une précision 100 fois plus grande que ceux fournis par la radiographie classique. Pour leurs travaux, Cormack et Hounsfield ont reçu le prix Nobel de médecine en 1979. Au début des années 80, les scanners à acquisition ultra rapide en moins de 100 ms sont utilisés en cardiologie. La résolution reste insuffisante pour explorer les artères coronaires jusqu’à la mise sur marché en 1999 du scanner multibarrettes (jusqu’à 320 aujourd’hui) qui donne des images comparables à celles de la coronarographie. En 2001, il est admis que les scanners hélicoïdaux offrent des images vasculaires des coronaires de meilleure qualité que celles de l’angiographie. Le SPECT, Single Photon Emission Computed Tomography, apparu vers 2005 est un examen complémentaire nouveau pour étudier les coronaires. Le phénomène de résonance magnétique nucléaire (RMN), c’est-à-dire le couplage entre le moment magnétique du noyau des atomes et le champ magnétique externe est décrit en 1946 par Felix Bloch (1905-1983) et Edward Mills Purcell (1912-1997), prix Nobel de physique en 1952. Raymond Vahan Damadian (né en 1936) propose en 1969 d’utiliser la RMN en médecine pour la détection des tumeurs. En 1973, Paul Lauterbur (1929-2007) réalise une « zeugmatographie » en s’inspirant des méthodes de reconstruction d’images de la tomodensitométrie. Le chimiste américain utilise le principe des gradients qui permettent de capturer l’image d’une « coupe virtuelle » d’un objet en deux dimensions. Simultanément mais de façon indépendante, Peter Mansfield (né en 1933) présente en 1975 les premières images de tissus humains obtenues par RMN. Deux ans plus tard, Damadian obtient la première image complète d’un corps humain vivant ; le physicien américain se lance dans la fabrication des premiers appareils commerciaux. En 2003, le prix Nobel de médecine est attribué à Lanterbur et Mansfield. Dès les années 90, l’IRM trouve son application en cardiologie pour l’angiographie et la quantification de la fonction cardiaque notamment dans les infarctus.

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