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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 06 nov 2007Lecture 8 min

Le traitement des tachycardies atriales

J.-F. LECLERCQ, P. FIORELLO, F. HALIMI, C. BERTRAND et P. ATTUEL, Unité de Rythmologie Interventionnelle, Paris et Le Chesnay

On entend par tachycardie atriale une tachycardie régulière (sauf si elle est en salves) venant de l’oreillette, et dont la fréquence est inférieure à 350 bpm ; au-delà on admet qu’il s’agit d’un équivalent de fibrillation. La prise en charge optimale d’une telle tachycardie doit reposer sur un diagnostic précis de son mécanisme et de son siège. Il n’y a pas de règle générale et, là comme ailleurs en rythmologie, le diagnostic doit précéder le traitement. Ce texte ne traitera pas de la fibrillation ni du flutter commun.

    Le flutter commun : la plus fréquente des tachycardies Tous les cardiologues savent le reconnaître sur son aspect en dents de scie en DII, DIII, VF, comportant une descente lente et une remontée plus abrupte. Cette tachycardie est actuellement aisément « guérissable » par l’ablation de l’isthme cavo-tricuspide.   Le flutter « inverse » est relativement fréquent Le flutter commun est une macro-réentrée de toute l’oreillette droite qui tourne dans le sens antihoraire lorsque l’on regarde l’oreillette droite en OAG : la descente se fait par la crista terminalis située sur la face latérale, et la remontée par le septum. Dans le flutter « inverse », c’est le contraire : la macro-réentrée tourne dans le sens horaire, descendant par le septum et remontant par la crista terminalis. L’ECG a un « air de famille » avec le flutter commun : c’est également en DII, DIII, VF que l’on individualise l’aspect continu, festonné, de l’activité atriale, qui a l’aspect inverse du flutter commun (figure 1). En fait, la cause en est la même : c’est le retard de conduction qui se trouve dans l’isthme entre la veine cave inférieure, l’anneau tricuspide et l’ostium du sinus coronaire. Ce retard de conduction physiologique est exagéré par toute pathologie cardiaque droite ou les antiarythmiques (donnés en général pour une fibrillation associée). Figure 1. Les deux flutters par macro-réentrée de toute l’OD. Noter « l’air de famille » des deux aspects. En DII, DIII, VF, l’onde F est négative dans le flutter commun avec une descente lente et une remontée abrupte. Dans le flutter inverse, l’onde F est positive avec une montée rapide et une redescente lente. Pourquoi le flutter commun est-il préférentiellement rencontré (10 fois plus fréquent que le flutter inverse) ? Probablement parce que l’extrasystole initiatrice vient de l’oreillette gauche : l’influx bloque dans l’isthme qu’il est obligé de contourner en antihoraire. Si l’extrasystole initiatrice venait de la face latérale de l’oreillette droite, elle bloquerait dans l’isthme et tournerait en horaire ; mais malheureusement la grande majorité des extrasystoles atriales sont gauches. Le traitement du flutter « inverse » est donc le même que celui du flutter commun, par l’ablation par radiofréquence de cet isthme cavo-tricuspide.   Les tachycardies par réentrée atriale Les tachycardies par réentrée atriale (le terme micro-réentrée serait plus juste car le flutter étant une réentrée) sont également des tachycardies fréquentes. Mais elles évoluent souvent sous forme de salves s’interrompant spontanément, et ne sont habituellement pas très rapides (< 200 bpm). Elles sont souvent bien tolérées et ne posent guère de problème clinique. On les reconnaît en particulier au Holter sur leur caractère irrégulier, avec plus précisément une fréquence decrescendo, le cycle tachycardique s’allongeant progressivement avant l’arrêt, lequel peut être précédé d’une alternance de cycle sur quelques complexes (figure 2). Elles sont habituellement favorisées par l’accélération sinusale, et donc l’activité. Le siège de cette micro-réentrée peut être variable, mais il s’agit le plus souvent de l’oreillette droite, souvent para-sinusale : elle peut alors parfaitement mimer une tachycardie sinusale mais irrégulière, avec une onde P’ positive en I, II, III. Il en existe à l’inverse à la partie basse de l’oreillette droite, donnant un aspect de dépolarisation caudo-céphalique. L’exploration électrophysiologique permet de la déclencher et de la stopper, comme toute réentrée. Figure 2. Déroulement typique des accès de réentrée auriculaire au Holter. La tachycardie évolue en salves, entrecoupée d’un seul battement sinusal. Elle n’est pas très rapide. L’onde P’ est voisine de l’onde P sinusale, évoquant une réentrée de la partie haute de l’oreillette droite, potentiellement accessible à une ablation en cas d’insuffisance du traitement médical. Le traitement doit, dans un premier temps, être médicamenteux : bêtabloquants, vérapamil, ou classe Ic ont de raisonnables chances d’efficacité. Le Holter est le meilleur moyen de surveillance. Il est rare que l’on soit amené à proposer une ablation à ces patients pour cause d’inefficacité du traitement, car ceux-ci, sans éradiquer totalement le trouble rythmique, suffisent en général à le morceler et à donner une tolérance acceptable. En revanche, si le malade ne souhaite pas prendre de traitement médicamenteux, une ablation peut se discuter, surtout si la réentrée est facile d’accès, dans l’oreillette droite, ce qui est le cas le plus habituel.   Les tachycardies incisionnelles Les tachycardies incisionnelles sont l’apanage et la gloire du rythmologue interventionnel. Elles prennent naissance autour de la cicatrice d’atriotomie droite laissée le chirurgien cardiaque qui a « réparé » une cardiopathie congénitale (le plus souvent une CIA). C’est beaucoup plus rare chez les valvulaires, sauf si la tricuspide a été réparée ou examinée par voie droite. Cette atriotomie droite est verticale, juste en avant de la crista terminalis. Si elle n’est pas prolongée jusqu’à la veine cave inférieure, une zone de conduction lente se crée à la partie basse de l’atriotomie, constituant le substrat d’une réentrée. Il s’agit donc habituellement d’une macro-réentrée prenant toute l’oreillette droite, comme dans un flutter commun. Le plus souvent d’ailleurs, il y a deux bras au circuit de réentrée, l’un autour de l’atriotomie, l’autre empruntant le circuit du flutter commun antihoraire avec collision des influx à la partie haute de l’oreillette (figure 3). Mais d’autres variantes existent : zone critique à la partie haute de l’atriotomie, ou sur la ligne d’atriotomie par récupération de la conduction en un point. L’aspect électrocardiographique de la tachycardie dépend alors du circuit le plus rapide : le flutter aura un aspect de flutter commun, le bras l’atriotomie est totalement différent. Figure 3. Schématisation de la figure en 8 de la tachycardie incisionnelle sur atriotomie droite. Ici les deux boucles du 8 sont : un flutter commun antihoraire péri-tricuspide (flèche pleine) et une réentrée horaire autour de l’atriotomie (flèche creuse) (A). L’interruption du flutter commun dans l’isthme cavo-tricuspide laissera persister cette dernière réentrée (B). Dans tous ces cas, l’ablation est le traitement de choix, mais il est souvent nécessaire de faire deux séries de tirs de radiofréquence, l’une pour prolonger l’atriotomie vers le bas, et l’autre dans l’isthme cavo-tricuspide. L’ablation d’un site ne parvient en général qu’à casser l’un des deux bras, en changeant le rythme et l’aspect de la tachycardie. Lorsque l’aspect de base est celui d’un flutter commun, c’est alors une découverte pendant l’ablation de l’isthme, il faut donc y être préparé chaque fois que l’on programme une ablation de flutter chez un patient ayant eu une atriotomie droite.   Les tachycardies par foyer automatique Les tachycardies par foyer automatique sont moins fréquentes que les précédentes, du moins si l’on ne parle que des tachycardies soutenues posant un problème clinique. Lorsqu’il ne s’agit que d’extrasystoles éparses ou de salves pas trop fréquentes, un traitement médical bénin, voire sporadique (pill-in-the-pocket therapy) est suffisant et elles ne viennent pas jusqu’au rythmologue interventionnel. Lorsqu’il s’agit de salves se répétant à court terme, il est préférable, chez les sujets jeunes, de faire un bilan complet et de songer à une technique interventionnelle, car de tels foyers font le lit de la fibrillation auriculaire paroxystique. C’est le mérite de l’école bordelaise d’avoir montré que, le plus souvent, ces arythmies focales prenaient naissance dans le muscle auriculaire gauche qui s’invagine dans les premiers centimètres des veines pulmonaires, davantage sur les supérieures que les inférieures. Mais il ne faut pas pour autant généraliser : tous les foyers auriculaires ne sont pas situés à ce niveau. Avant d’effectuer un cathétérisme transseptal, geste toujours dangereux, le rythmologue interventionnel doit donc regarder le tracé 12 dérivations permettant de déterminer un certain nombre de situations cliniques maintenant bien individualisées en fonction du siège du foyer. Celui-ci se situe souvent à proximité d’un « trou » facilitant les troubles conductifs. L’ostium du sinus coronaire est particulièrement propice à de tels foyers, d’aspect ECG caricatural dit « rythme du sinus coronaire » mais actif et non passif comme à l’accoutumée. De même, les premiers centimètres de la veine cave supérieure (VCS) qui ont du tissu auriculaire sont souvent en cause, soit sous forme de foyers ectopiques (figures 4, 5 et 6), soit sous forme de réentrée circulaire autour de la VCS. À l’inverse, il n’y a guère de foyers dans la VCI qui ne comportent pratiquement pas de muscle atrial. On ne piquera le septum que si l’aspect ECG est franchement « gauche », à savoir une onde P’ négative ou à tout le moins plate en DI et VL. Une activité atriale positive en DI est a priori d’origine droite. Figure 4. Salves de tachycardie atriale par foyer de la veine cave supérieure. Noter l’aspect de l’onde P’ très proche de celui de l’onde P sinusale. Figure 5. La cartographie précise de la jonction OD-VCS permet de retrouver un potentiel spécifique passif en rythme sinusal (suivant l’oreillette) et actif sur les salves (précédant l’oreillette). Figure 6. Le tir de radiofréquence supprime les salves incessantes. Devant des salves d’arythmie atriale organisée avec un aspect négatif en DI, on regardera si elle est ou non positive en DII, DIII, VF. Si tel est le cas, cela évoque un foyer des veines pulmonaires supérieures ; si elle est négative, cela évoque les veines pulmonaires inférieures. La première extrasystole est souvent très précoce, réalisant un aspect P-sur-T propice au déclenchement d’une fibrillation auriculaire (figure 7). Dès lors, la conduite à tenir dépend essentiellement de l’âge et du contexte clinique. Chez un sujet jeune, cette tachycardie atriale est souvent isolée et c’est une excellente indication d’ablation des ostia des veines pulmonaires (on ne fait pas l’ablation d’un seul ostium, mais toujours des quatre). Chez un patient plus âgé, ces salves de tachycardie atriale vont entraîner rapidement une fibrillation auriculaire. Le traitement médical est alors toujours proposé en première intention, et l’ablation est proposée après échec d’au moins un traitement antiarythmique (recommandations conjointes AHA/ACC/ESC 2006). Figure 7. Salves de tachycardie atriale par foyer d’une veine pulmonaire. Noter les deux démarrages différents sur le Holter, l’après-midi et la nuit sur fond de bradycardie sinusale (arythmie vagale) avec à chaque fois la première extrasystole couplée très court, réalisant un aspect P sur T. Confirmer l’origine gauche sur le tracé 12 dérivations avant de piquer le septum. En pratique Le diagnostic précis du trouble du rythme est essentiel pour sa prise en charge. L’ablation occupe une place croissante dans les recommandations et permet, quand elle est indiquée, une guérison définitive.

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