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Coronaires

Publié le 09 sep 2008Lecture 7 min

Les coronaropathies du sujet jeune

C. TRON, H. ELTCHANINOFF, M. GODIN, J. HAAS, B. BAALA, A. CRIBIER, Hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen

Les coronaropathies du sujet jeune, bien que peu fréquentes en valeur relative, sont un problème de santé publique compte tenu du jeune âge des patients, du coût de leur prise en charge et des conséquences socio-économiques et psychologiques qu’elles engendrent. Cette brève mise au point sera consacrée aux différentes particularités de cette entité.

Prévalence La proportion de patients âgés de 40 ans ou moins parmi des patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde (IDM) varie de 4 à 10 % dans les diverses séries de la littérature(1-3). Dans la grande étude internationale INTERHEART incluant 27 098 participants(3), 6 % des patients ayant fait un IDM ont moins de 40 ans (7,2 % des hommes et seulement 2,3 % des femmes). Il existe une très forte prépondérance masculine puisque, dans cette catégorie d’âge, il y a 10 fois plus d’hommes que de femmes alors que la proportion n’est plus que de 65 % d’hommes chez les patients de plus de 60 ans. Dans cette étude, le plus jeune âge de survenue d’un infarctus chez les hommes par rapport aux femmes était essentiellement expliqué par un niveau plus élevé de facteurs de risque, que ce soit le tabagisme ou une dyslipidémie(3). L’augmentation du tabagisme chez les jeunes femmes pourrait leur faire perdre une partie de l’avantage relatif qu’ont les femmes sur les hommes pour éviter ou retarder la survenue d’une coronaropathie. À un jeune âge, les femmes ont également des taux de dyslipidémies moins importants que les hommes, sans qu’il ne soit facile de faire la part respective d’erreurs alimentaires chez l’homme (prise plus importante de graisses saturées) et d’effets directs ou indirects des estrogènes endogènes sur le métabolisme des graisses(3).   Facteurs de risque Toutes les études s’accordent pour souligner la place prépondérante du tabagisme dans les coronaropathies du sujet jeune, qui varie dans les différentes séries de 73 à plus de 90 %(1-5). Il est présent chez 79 % des sujets jeunes contre 37 % des sujets plus âgés dans les études françaises PREVENIR(5). Le tabac accélère non seulement les processus d’athérosclérose mais surtout favorise la survenue des accidents aigus, précoces dans l’évolution de la maladie athéromateuse et mettant en jeu le pronostic vital. L’effet du tabac est également particulièrement important chez la femme. Les femmes qui fument ont un risque quantitatif égal à celui des hommes mais un risque multiplié par 5 par rapport aux femmes non fumeuses(6). Le tabac en association à une contraception orale multiplie par 13 le risque de décès en rapport avec une insuffisance coronaire(7,8). Bien qu’il existe des divergences selon les études, des antécédents familiaux coronariens semblent également plus souvent retrouvés dans les coronaropathies des adultes jeunes que chez les sujets plus âgés(1,9,10). Ces antécédents familiaux sont probablement le reflet de la combinaison de facteurs de risque en partie d’origine génétique tels que le diabète, les anomalies du métabolisme lipidique, de la coagulation et de la fonction endothéliale(11). À l’opposé, dans la plupart des études, des facteurs de risque classiques de l’athérosclérose tels que l’hypertension artérielle et le diabète sont moins présents chez les patients les plus jeunes. Quant à l’hypercholestérolémie, elle n’apparaît pas comme un facteur étiologique spécifique, car généralement présente avec une égale fréquence, quel que soit l’âge des patients. Le rôle réel d’une hyperhomocystéinémie dans les coronaropathies du sujet jeune reste très discuté bien qu’une relation ait été suggérée(12,13).   Étiologies non athéromateuses À côté des facteurs de risque classiques, des syndromes coronariens aigus peuvent être secondaires à des situations plus rares telles que le lupus érythémateux disséminé(14), le syndrome des antiphospholipides(15), une dissection coronaire spontanée(16), la prise de cocaïne(17). La prise de cocaïne favoriserait les spasmes, les ruptures de plaque et la thrombose coronaire mais aurait également un effet athérogène(17).   Anomalies de la coagulation L’importance de l’hémostase dans la physiopathologie des syndromes coronariens aigus est bien établie depuis de nombreuses années par les études anatomopathologiques et angiographiques démontrant la présence d’un thrombus coronaire. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, l’existence d’antécédents familiaux d’infarctus est un facteur de risque bien connu de l’infarctus du sujet jeune, ce qui suggère qu’une composante génétique est particulièrement importante chez ces patients. Une étude récente(18) suggère que des génotypes à haut risque de la paraoxonase et de la NO synthase endothéliale sont associés avec la survenue plus précoce d’événements coronariens. Dans une autre étude(19), la présence de la mutation G20210A du gène de la prothrombine est associé à un risque relatif de 4 IDM avant l’âge de 36 ans. L’association de cette mutation avec un tabagisme augmente encore plus le risque d’IDM avec un risque relatif de 58 comparativement à des non-fumeurs non porteurs de la mutation(19). À l’opposé, un déficit en protéine C, protéine S ou antithrombine III, sources de thromboses veineuses, ne paraissent pas associés à un risque de thrombose coronaire(19). Une étude cas-témoins italienne(20) ayant évalué de nombreux gènes chez 200 patients de moins de 45 ans ayant fait un infarctus avant l’âge de 45 ans n’a retrouvé une association qu’avec la présence de l’allèle PIA2 du gène de la glycoprotéine IIIa plaquettaire, l’expression clinique de cette prédisposition génétique semblant augmentée par le tabagisme. Cependant, il faut rester très prudent car, dans une autre étude italienne plus importante incluant 1 210 patients(21), cette association n’est plus retrouvée ; de même, il n’est pas retrouvé d’association entre le risque d’infarctus prématuré et les polymorphismes étudiés de 8 autres gènes codant des protéines impliquées dans l’hémostase. Les auteurs de cette étude en concluent donc que le rôle d’une prédisposition génétique à la thrombose est probablement faible et en tout cas plus faible que celui des traditionnels facteurs non génétiques dans une maladie aussi multifactorielle et polygénique que l’infarctus(21).   Présentation Les coronaropathies du jeune adulte sont très souvent révélées par un syndrome coronarien aigu (SCA) (76 % des cas pour Chen et coll.(10)). La coronarographie retrouve plus souvent des lésions monotronculaires (54 % des cas pour Chen et coll(10), 58 % dans une série du service) que chez les sujets plus âgés. Certaines études avaient rapporté une fréquence de coronarographies « normales » allant jusqu’à 20 %, mais en fait, la pratique des coronarographies en phase aiguë (figure) montre l’existence d’une lésion coronaire « coupable » dans quasiment tous les cas(22). Selon Klein, on peut schématiquement diviser les patients en deux groupes(23). Un premier groupe de patients est représenté par ceux (en particulier la plupart des femmes avec une dissection ou un spasme coronaire) chez lesquels une rupture d’une plaque, précédemment non significative et vulnérable, est le mécanisme de la présentation aiguë. Ces cas sont souvent favorisés par un effort physique ou un stress émotionnel. Le deuxième groupe est représenté par des patients diabétiques ou hypercholestérolémiques se présentant avec une maladie multitronculaire. Figure. Coronarographie en urgence chez une patiente de 38 ans fumeuse présentant un infarctus antérieur. Il existe une lésion thrombotique de l’artère interventriculaire antérieure qui sera traitée par thromboaspiration et implantation d’une endoprothèse coronaire. Pronostic Le pronostic des SCA de l’adulte jeune a longtemps été considéré comme bon(23-25), l’événement aigu étant en rapport avec une rupture de plaque et ces patients étant souvent monotronculaires avec une fraction d’éjection conservée. De plus, la durée du suivi dans les études était généralement brève, de l’ordre de quelques années. Des données récentes, avec des suivis beaucoup plus prolongés viennent remettre en question cette notion de bénignité des SCA du sujet jeune. Fournier et coll. rapportent une série de 108 patients hospitalisés pour IDM survenu à 40 ans ou moins(26). La survie n’est que de 75 % à 15 ans et la survie sans événement cardiaque majeur (réinfarctus, angor sévère, arythmies malignes, insuffisance cardiaque) n’est que de 43 %(26). Les facteurs indépendants de mortalité à long terme sont une fraction d’éjection ≤ 45 % et l’existence d’une maladie artérielle périphérique, ce qui traduit probablement une atteinte athéromateuse plus diffuse(26). Une mortalité de 30 % à 15 ans est également constatée dans une série américaine incluant 843 patients de moins de 40 ans ayant une maladie coronaire confirmée par coronarographie entre 1975 et 1985(27). La mortalité à 15 ans augmente même à 35 % en cas de diabète, à 45 % en cas d’antécédent d’infarctus et atteint 83 % en cas de fraction d’éjection < 30 %(27). En dehors de l’arrêt du tabagisme et de la prise en charge des facteurs de risque, des facteurs génétiques pourraient influer sur le pronostic. Ainsi, un polymorphisme de l’apolipoprotéine E serait un facteur de mauvais pronostic au cours du suivi(25).   En pratique   Les coronaropathies du sujet jeune sont extrêmement liées au tabagisme. Elles doivent être une préoccupation importante du cardiologue en raison de leurs conséquences potentiellement tragiques. Dans le futur, il est possible que l’identification de facteurs génétiques et des données nouvelles sur la fonction endothéliale ou des marqueurs d’inflammation puissent aider à mieux définir le risque cardiovasculaire. Dans l’immédiat, les cliniciens doivent concentrer leurs efforts sur la détection précoce et le traitement agressif des facteurs de risque, et notamment du tabagisme, avant le développement d’une maladie coronaire symptomatique.

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