publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie générale

Publié le 16 oct 2007Lecture 7 min

Les effets cardiovasculaires de la chimiothérapie : conduite pratique

J. FAYETTE, centre Léon Bérard, Lyon

Classiquement, en dehors des anthracyclines et du 5FU, il existait peu de toxicité cardiaque des chimiothérapies. Cependant, les nouveaux types de médicaments comme les thérapies ciblées ont montré des effets secondaires cardiovasculaires importants, parmi lesquels l’insuffisance cardiaque, les thromboses et l’hypertension. Ces nouveaux effets secondaires doivent être connus des médecins généralistes et des cardiologues qui sont de plus en plus impliqués dans leur traitement. Les effets secondaires cardiovasculaires des chimiothérapies et les attitudes pratiques simples à adopter pour chaque molécule sont ici passées en revue.

Les anthracyclines Les anthracyclines sont des molécules de référence dans de nombreux cancers, en particulier ceux du sein. Une de leur toxicité limitante est la cardiotoxicité, avec développement de cardiomyopathies, dose-dépendantes, symptomatiques ou non, révélées par une diminution progressive de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) qui aboutit le plus souvent à une insuffisance cardiaque congestive. Cliniquement, il est impossible de différencier une insuffisance cardiaque liée aux anthracyclines ou d’une autre origine. Les principaux facteurs de risque de cardiotoxicité sont : – la dose cumulée supérieure à 550 mg/m2, – l’hypertension artérielle, – une maladie cardiaque préexistante, – un âge élevé et une irradiation médiastinale antérieure(1,2). Le dépistage est difficile. L’élévation de la troponine T (TnT) serait prédictive d’une cardiotoxicité aux anthracyclines. En pratique, avant tout traitement par anthracycline, il est nécessaire d’évaluer la FEVG soit par échographie, soit par scintigraphie cardiaque. Toute valeur inférieure à la normale contre-indique les anthracyclines. Il est conseillé également de contrôler la FEVG au-delà de 350 mg/m2 de dose cumulée. En tout état de cause, on ne dépassera pas la dose de 450 à 500 mg/m2. Cependant, même pour la dose de 300 mg/m2, une étude sur 141 patients adultes traités pour un lymphome a montré un taux d’insuffisance cardiaque infraclinique à long terme de 20,5 %(3). En cas de survenue d’une insuffisance cardiaque aux anthracyclines, celle-ci doit être traitée de façon agressive par les traitements standard qui associent les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les bêtabloquants, la spironolactone et les digitaliques. En cas de contrôle du cancer, on pourra même discuter le cas échéant d’une transplantation cardiaque. Pour réduire la toxicité des anthracyclines il est possible d’ajouter à celles-ci un chélateur du fer comme le dexrazoxane, à partir d’une dose cumulée de doxorubicine de 300 mg/m2. Cependant, une étude randomisée a montré que le dexrazoxane diminue l’efficacité de la doxorubicine(4). Une voie plus intéressante est celle des doxorubicines liposomales, équivalentes à la doxorubicine pour une moindre toxicité cardiaque, hématologique ou digestive, et non alopéciantes(5).   Les taxanes Les taxanes ont pu montrer seulement de rares toxicités cardiaques à type d’arythmies. Ils semblent surtout augmenter la toxicité de la doxorubicine en association. Ainsi, en cas d’association de la doxorubicine au paclitaxel, la dose cumulée à ne pas dépasser se situe plutôt aux alentours de 380 mg/m2(6). Cette augmentation de la toxicité pourrait être liée à la diminution de l’élimination rénale de la doxorubicine.   Le 5FU et la capécitabine   La toxicité cardiaque du 5FU est représentée essentiellement par des spasmes coronariens avec possible ischémie myocardique d’aval. Une étude menée chez des patients recevant du 5FU en continu a montré 7,6 % d’événements cardiaques(7). On estime même dans ces conditions que des ischémies silencieuses visibles à l’ECG surviennent dans 68 % des cas(8). La toxicité est plus importante chez les patients coronariens. Dans la majorité des cas, les symptômes disparaissent à l’arrêt de la perfusion de 5FU, et si besoin avec l’administration de dérivés nitrés ou d’inhibiteurs calciques. Ces derniers pourraient avoir une action préventive sur la survenue des spasmes(9). On n’observe pas toujours d’élévation de la troponine. La survenue d’un spasme coronarien n’est pas automatiquement une contre-indication au 5FU et une nouvelle administration pourra être proposée sous haute surveillance et traitement préventif. La capécitabine est une fluoropyrimidine orale pour laquelle le recul est très inférieur à celui du 5FU et il est encore trop tôt pour établir son innocuité cardiaque. Dans différents essais cliniques, des toxicités cardiaques ont été rapportées. On note même 3 décès par infarctus chez des patients traités par capécitabine seule (1 cas) ou en association avec l’irinotécan (2 cas) dans deux essais de phase III(10,11).   Le trastuzumab Le trastuzumab est un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine membranaire HER2 exprimée par environ 25 % des cancers du sein. Son activité clinique est capitale puisqu’en association avec un taxane, en situation métastatique, la survie médiane atteint plus de 30 mois contre 22 à 24 avant l’ère du trastuzumab(12). En situation adjuvante, le recul est encore faible mais le trastuzumab administré pendant 1 an après la chimiothérapie adjuvante divise par deux les récidives à 3-4 ans et améliore la survie globale(13). Cependant, la toxicité cardiaque du trastuzumab est limitante. Il s’agit d’une insuffisance cardiaque avec diminution de la FEVG. Est considérée comme toxicité cardiaque toute diminution de la FEGV de 5 points en dessous de 55 % avec symptômes ou bien toute diminution de 10 points en dessous de 55 %. Avec ces critères, dans la phase III d’enregistrement du trastuzumab, on observe 27 % de toxicité cardiaque en association avec la doxorubicine (qui est bien sûr contre-indiquée), 13 % en association avec le paclitaxel et même de 2 à 8 % en monothérapie(12). Sur une petite série de 30 patients, l’association trastuzumab et doxorubicine liposomale n’a pas montré de toxicité cardiaque : cette voie doit donc être explorée plus avant car il existe une synergie entre trastuzumab et anthracycline(14). En traitement adjuvant on observe aussi une toxicité cardiaque de l’ordre de 2 à 4 %. Ceci est bien sûr problématique dans le cadre d’un traitement adjuvant. Actuellement en France, l’essai Phare permet d’étudier la diminution du temps d’administration à 6 mois contre 12 actuellement pour tenter de diminuer cette cardiotoxicité. En pratique, une mesure de la FEVG par échographie ou scintigraphie cardiaque est nécessaire avant de débuter le traitement, renouvelée tous les 3 mois aussi longtemps que la patiente est traitée par le trastuzumab seul ou en association avec la chimiothérapie. En cas de diminution de la FEVG de 20 % ou en deçà de la normale, le trastuzumab est arrêté. Une surveillance échographique s’impose et on observe alors le plus souvent une restauration de la FEVG permettan de reprendre le trastuzumab. Le traitement médical standard de l’insuffisance cardiaque améliore la symptomatologie chez 80 % des patients(15). La physiopathologie de cette toxicité cardiaque du trastuzumab est mal connue.   Les anti-angiogéniques   Le bevacizumab est un anticorps monoclonal recombinant dirigé contre le VEGF, médiateur majeur de la néoangiogenèse tumorale. Cet anticorps améliore la survie des cancers colorectaux en association avec le 5FU et l’irinotécan(16). La toxicité vasculaire du bevacizumab est inhérente à son mécanisme antiangiogénique. Une première toxicité grave est l’apparition de perforations gastro-intestinales (1,2 à 4 %) et d’hémorragies (9 % dans un essai en première ligne des cancers pulmonaires), et surtout si la tumeur est épidermoïde, nécrotique proche de gros vaisseaux. On observe aussi des hémorragies cutanéo-muqueuses. Les ischémies cardiaques ou cérébrales sont augmentées, en particulier chez des patients de plus de 65 ans : l’incidence globale est de 4,5 versus 2 % dans le groupe placebo. L’hypertension est également fréquente (33 %), généralement modérée (22 % de grade 1 et 2, 11 % de grade 3) et nécessite rarement l’arrêt du médicament. Son traitement est celui habituel de l’hypertension. On observe aussi 26 % de protéinurie, le plus souvent sans conséquence. Le sunitinib, petite molécule administrée par voie orale, cible le récepteur du VEGF des cellules endothéliales et a globalement les mêmes effets secondaires que le bavacizumab. Dans l’étude de phase III comparant le sunitinib à l’interféron a en première ligne des cancers du rein, outre une très nette efficacité, les toxicités cardiovasculaires attendues ont été retrouvées avec 32 % d’hypertension (dont 8 % de grade 3), et 12 % de diminution de la FEVG (dont 2 % de grade 3)(17). Avant de débuter le traitement par bevacizumab ou sunitinib, quelques précautions s’imposent avec la réalisation d’un ECG et d’une mesure de la FEVG et le respect des contre-indications pour écarter les patients aux antécédents de thromboses ou d’hémorragies. La prudence est recommandée chez les patients âgés et ceux à forte masse tumorale qui ont un plus grand risque de nécrose tumorale avec perforation. La tension artérielle sera mesurée avant la mise en route du traitement. On demandera au patient une automesure de la tension avec trois mesures le matin (à 5 min d’intervalle) et le soir, 3 jours consécutifs à toutes les semaines du traitement. La valeur seuil retenue pour la tension systolique est de 150 mmHg. En cas d’atteinte de cette valeur, un traitement antihypertenseur sera instauré. Si le patient est hypertendu au départ, le traitement antiangiogénique sera instauré après prise en charge de cette hypertension et les valeurs tensionnelles seront contrôlées et traitées le cas échéant de la même façon que précédemment. Avec le sunitinib, se pose le problème du schéma de l’AMM qui est de 4 semaines de traitement et de 2 semaines de repos, avec donc des variations tensionnelles à surveiller pendant cette période de repos. En cas de chirurgie prévue, il faut respecter une latence de 2 semaines pour le sunitinib et de 8 pour le bevacizumab avant la réalisation du geste. Le traitement ne sera repris qu’après parfaite cicatrisation. Ce point souligne les difficultés de prise en charge en cas d’urgence chirurgicale. Le recul est insuffisant pour le moment pour proposer une attitude pratique dans ces cas.   En pratique Les effets secondaires cardiovasculaires des chimiothérapies, s’ils sont heureusement assez peu fréquents, peuvent être potentiellement très graves. Le tableau récapitule ces effets et propose une attitude pratique pour chaque molécule.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 94
publicité
publicité