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Insuffisance cardiaque

Publié le 22 sep 2009Lecture 7 min

L'insuffisance cardiaque sévère - Insuffisance cardiaque : comment optimiser la prise en charge par assistance circulatoire et sélectionner les candidats à la transplantation

P-V. ENNEZAT et F. MOUQUET, Soins intensifs cardiologiques et A. VINCENTELLI, F. JUTHIER et C. BANFI, Pôle de chirurgie cardio-vasculaire, CHRU Lille

Les patients insuffisants cardiaques par dysfonction systolique du ventricule gauche ont bénéficié ces 20 dernières années d’avancées thérapeutiques majeures incluant les inhibiteurs du système rénine-angiotensine, les bêtabloquants, la resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire et la défibrillation automatique implantable, qui ont permis une amélioration des symptômes et de la survie. Néanmoins, le pronostic reste sévère avec une mortalité globale de 50 % à 4 ans. Le nombre de greffons et l’accès à l’assistance cardiaque demeurent limités alors que le nombre de candidats à la transplantation cardiaque croît. La stratification répétée dans le temps du risque des patients en insuffisance cardiaque, à l’aide de modèles objectifs, doit désormais faire partie intégrante de la prise en charge globale de ces patients afin de détecter les patients insuffisants cardiaques ambulatoires à haut risque d’événements à court terme.

Stratification de l’insuffisance cardiaque De nombreux prédicteurs ont été décrits isolément dans la littérature (tableau ci-dessous), néanmoins ces différents paramètres sont d’autant plus robustes qu’ils sont intégrés dans des scores. Le score HFSS validé par Mancini (Heart Failure Survival Score : Circulation 1997 ; 95 : 2660) intègre 7 variables : • ([0,0216 x fréquence cardiaque] + [-0,0255 x PAM] + [-0,0464 x FEVG] + [0,0470 x natrémie] + [-0,0546 x pic de VO2] + [0,6083 x présence (1) ou absence (0) de troubles de conduction intraventriculaire gauche] + [0,6931 x , présence (1) ou absence (0) d’une cardiopathie ischémique]) Il identifie les patients à : - bas risque : score ≥ 8,10 : 82 % de survie à 1 an et 87 % pour ceux restant dans la strate à bas risque à 2 évaluations successives, - risque intermédiaire : 7.20 < score < 8,09 : 62 % à 1 an, - haut risque : score ≤ 7,19 : 42 % à 1 an. Le HFSS permet également de reclasser des patients à haut risque parmi ceux ayant un pic de VO2 > 14 ml.kg.min-1. Cette stratification pronostique par l’HFSS reste valide sous traitement bêtabloquant ; les patients n’étant pas sous bêtabloquant ont dans chaque strate un pronostic plus sévère (figure 1). Le HFSS tend néanmoins à sous-estimer la survie chez les patients les plus graves. Figure 1. Validation du score HFSS (Lund LH, Aaronson KD, Mancini DM. Predicting survival in ambulatory patients with severe heart failure on beta-blocker therapy. Am J Cardiol 2003 ; 92 : 1350). Le Seattle Heart Failure Model (http://depts.washington.edu/shfm/) qui intègre 21 variables cliniques, thérapeutiques et biologiques faciles à obtenir dans tous les centres (car n’intégrant pas le pic de VO2), tend à surestimer la survie (figure 2). Figure 2. Seattle Heart Failure Model. Pic de VO2 En pratique clinique, le pic de VO2 reste un outil pronostique majeur pour la sélection des patients ambulatoires en insuffisance cardiaque en vue d’une transplantation. Le pic de VO2 dérive de l’équation de Fick (apport en oxygène - extraction de l’oxygène ou débit cardiaque (DC) x différence artério-veineuse en O2) et constitue donc un indice non invasif du pic de débit cardiaque à l’exercice et ainsi de la réserve cardiaque. Sur la base des études des années 90, un pic de VO2 > 14 ml.kg.min-1 permettait de surseoir à une transplantation cardiaque. Avec l’amélioration des thérapeutiques (et notamment à l’ère des bêtabloquants), des seuils de 12 ml.kg.min-1 pour les hommes et 10 ml.kg.min-1 pour les femmes sont probablement plus appropriés. Néanmoins, dans l’insuffisance cardiaque, le pic de VO2 est affecté par d’autres paramètres comme la masse et la perfusion du muscle squelettique périphérique, la motivation, l’anémie ou l’obésité. Des patients peuvent ainsi avoir un pic de VO2 sévèrement bas malgré une réponse cardiaque appropriée du fait de l’obésité, d’un déconditionnement ou d’autres facteurs périphériques et donc avoir un pronostic meilleur que celui prédit par le pic de VO2 et par conséquent ne devraient pas être inscrits sur une liste de transplantation. Débit cardiaque au pic d’effort Quelques études suggèrent qu’une mesure plus directe du débit cardiaque au pic de l’effort et donc de la puissance cardiaque (DC x pression artérielle moyenne au pic de l’effort) permettrait de mieux stratifier les patients que la simple mesure du pic de VO2. Cette mesure peut être invasive par thermodilution mais difficile à réaliser et potentiellement iatrogène, ou non invasive par impédancemétrie thoracique ou test d’effort cardio-pulmonaire avec rebreathing de gaz inertes NO2 et SF6 (Innocor®), permettant de mesurer le débit sanguin pulmonaire, lui-même équivalent au débit cardiaque en l’absence de shunt. Ces données préliminaires doivent être cependant confirmées par des études multicentriques. Capacité aérobique maximale et score HFSS Enfin, Mancini a validé dans une population de patients âgés insuffisants cardiaques l’utilisation pronostique de la capacité aérobique maximale (malgré les modifications du système cardio-vasculaire liées au vieillissement) et du score HFSS dans l’optique d’un accès futur plus étendu pour ces patients de 70 ± 5 ans d’âge moyen aux innovations thérapeutiques telles que des systèmes d’assistance. L’assistance circulatoire en attente de transplantation La transplantation cardiaque est l’option thérapeutique de choix dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque terminale (stade D) du sujet de moins de 65 ans. Le nombre de transplantations est en augmentation depuis 2005, proche de 3 500 cas dans le monde (on dénombrait 366 transplantations en France en 2007). Cette intervention confère une médiane de survie de 13 ans. Mais, si la demande est importante, la disponibilité des greffons demeure extrêmement limitée. L’alternative que représente l’assistance circulatoire mécanique demeure donc primordiale. Les nouvelles « pompes » dites axiales ont permis ces dernières années des progrès considérables dans le domaine de l’assistance mono-ventriculaire gauche. En effet, des pompes de petite taille confèrent au patient une autonomie permettant un retour à domicile, la reprise d’une activité physique et même, pour certains, une reprise d’activité professionnelle. L’option de l’assistance ventriculaire permet aussi la protection des organes (foie, rein, poumons) dans l’attente de la transplantation. Le bénéfice de l’assistance circulatoire chez les patients en insuffisance cardiaque terminale comparé au traitement médical optimal a été très significativement démontré par l’étude REMATCH. La survie à 24 mois était 4 fois supérieure dans le groupe « assistance » comparé au groupe « traitement médical » ; alors que cette étude fut menée à l’aide d’une pompe de première génération (HEARTMATE I) de grande taille (1 kg), dont la fiabilité et le taux de complications infectieuses étaient bien plus importants que ceux des complications observées aujourd’hui avec HEARTMATE 2. Cette approche n’est cependant pas dénuée de complications, et la clé du succès repose sur la sélection objective des patients susceptibles de bénéficier d’une assistance ventriculaire gauche, et sur l’évaluation précise de sa faisabilité. Valider l’indication d’assistance circulatoire Afin d’obtenir les meilleures survies, la sélection du patient mais aussi du bon timing (not too early, not too late) de l’implantation sont fondamentaux. Une classification concernant ces patients a été proposée, il s’agit de la classification INTERMACS (encadré). Actuellement, sont de bonnes indications d’assistance en attente ou « bridge » vers la transplantation : - les patients inscrits sur liste d’attente de transplantation, dépendant des inotropes, ou déjà assistés soit par un ballon de contre-pulsion intraaortique, voire même une ECMO (INTERMACS 2, 3), - et si la pression artérielle systolique demeure < 80 mmHg, la pression capillaire pulmonaire > 20 mmHg, et l’index cardiaque < 2l/min/m2. Évaluer la faisabilité, en particulier le risque opératoire Le risque opératoire peut être apprécié objectivement par les scores de Columbia ou de Lietz qui permettent d’écarter les patients à haut risque (tableaux 2 et 3). Définir le type d’assistance nécessaire Deux types d’assistance ventriculaire sont actuellement applicables : l’assistance monoventriculaire gauche, ou l’assistance biventriculaire. L’évaluation de la fonction du ventricule droit est donc cruciale. En effet, toute défaillance droite conduit à l’échec de l’assistance gauche et nécessite le recours à une assistance biventriculaire pneumatique soit par prothèse para- ou intracorporelle de type THORATEC soit par un cœur total implantable de type CardioWest. La pertinence d’une assistance mono- ou biventriculaire peut être évaluée par le score de U Penn ou de U Michigan, qui évaluent la sévérité de la dysfonction ventriculaire droite et permettent de corriger une indication d’assistance monoventriculaire vers une biventriculaire (tableaux 4 et 5). C’est le recours aux évaluations objectives par ces scores qui doit permettre une meilleure sélection des patients afin d’optimiser la réussite de ces stratégies thérapeutiques lourdes qui peuvent permettre de donner une espérance de vie à des patients condamnés à très court terme. L’utilisation systématique de ces scores a permis aux différents centres nord-américains d’obtenir une mortalité opératoire en transplantation inférieure à 10 % (20 % dans les centres européens !) et une mortalité de moins de 20 % dans le domaine de l’assistance monoventriculaire (Miller et al., NEJM 2007 ; 357 : 885-96) alors qu’elle est de 36 % dans les assistances biventriculaires (données de la Société Française de Chirurgie Cardio-vasculaire, Groupe d’étude sur l’Assistance Circulatoire Mécanique). En pratique La gestion de l’insuffisance cardiaque ne doit pas se cantonner à la maîtrise des signes de rétention hydro-sodée ou à l’amélioration des symptômes au jour le jour. Dès le diagnostic d’insuffisance cardiaque chronique posé, le patient jeune (ainsi que sa famille) doit être intégré dans un programme d’optimisation thérapeutique (pharmacologique et non pharmacologique) et de stratification pronostique. Les contre-indications évidentes (artérite sévère, troubles psychiatriques, etc.) à la transplantation et/ou assistance devraient apparaître dès le début de la prise en charge, permettant d’adapter au mieux et au plus vite le projet thérapeutique en cas d’insuffisance cardiaque aiguë sévère. Durant les phases de stabilité, l’évaluation objective par la capacité aérobique et les scores de survie doit être répétée dans le temps. Le cathétérisme droit reste indispensable pour évaluer les résistances vasculaires pulmonaires. L’éventualité de la transplantation et/ou de l’assistance doit être envisagée en général devant la survenue de décompensations répétées malgré un traitement optimal et bien suivi (classes INTERMACS 2-5). Dès la classe INTERMACS 3, les patients doivent être surveillés étroitement (diurèse, bilans répétés, etc.). La survenue de souffrance d’organes (classe INTERMACS 2) doit être anticipée car elle peut rapidement évoluer vers un état réfractaire (classe INTERMACS 1 = too late) et conduire à l’échec de la transplantation et de l’assistance. L’utilisation de scores objectifs permettant d’évaluer la faisabilité de l’assistance et d’anticiper la défaillance ventriculaire droite est particulièrement importante chez les patients graves. Les patients sévères devraient être rapprochés d’un centre de transplantation et d’assistance circulatoire pour une prise en charge désormais collégiale, véritable RCP (Réunion Collégiale Pluridisciplinaire rassemblant cardiologue, chirurgien, anesthésiste-réanimateur) comparable à la prise en charge du cancer. D’après une conférence de D. MANCINI (Columbia University Medical Center, New York)

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