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Explorations-Imagerie

Publié le 10 nov 2009Lecture 7 min

Peptides natriurétiques : quand demander les dosages et comment interpréter les résultats ?

C. MEUNE, Hôpital Cochin, Paris

Les peptides natriurétiques ont le vent en poupe. Initialement développés dans l’aide au diagnostic de l’insuffisance cardiaque aiguë, ils sont désormais pertinents comme marqueurs diagnostiques, pronostiques ou comme tuteurs thérapeutiques dans de nombreuses affections, chez des patients hospitalisés ou ambulatoires… Une session entière animée par 2 médecins cliniciens et un médecin biologiste leur était consacrée lors du dernier congrès de l’insuffisance cardiaque. Cette session soutenue par Roche Diagnostics a été l’occasion d’une mise au point exhaustive des données physiologiques et analytiques de ces marqueurs et de leur utilisation concrète en pratique clinique.

Les premières minutes de ces exposés ont été source d’angoisse ; le schéma simple de synthèse et de dosage de ces peptides a été balayé. En effet, BNP et NT-proBNP sont issus d’un même précurseur. Le pro-BNP est clivé par des protéases intracardiaques en BNP et NT-proBNP. Dans la circulation, on retrouve le NT-proBNP et le BNP, ainsi que leurs formes dégradées, mais aussi (et surtout) le pro-BNP. De plus, les anticorps utilisés pour le dosage du BNP et du NT-proBNP croisent avec le pro-BNP, avec un effet plus marqué pour le BNP. Les techniques employées peuvent également compliquer l’interprétation des résultats des dosages de ces peptides. Le dosage du NT-proBNP utilise un seul anticorps monoclonal alors que le dosage du BNP peut être réalisé avec différents anticorps, distribués par plusieurs sociétés. En conséquence : – BNP et NT-proBNP ne sont pas interchangeables, leurs taux ne peuvent pas être directement comparés. – La concordance des résultats de NT-proBNP est excellente, quel que soit le distributeur (machine et anticorps). – Il existe des discordances importantes entre les résultats de BNP selon la technique utilisée. Valeurs usuelles, variations physiologiques et pathologiques extra cardio-vasculaires Il existe, en dehors de toute pathologie cardiaque, différentes sources de variation de la concentration des peptides natriurétiques. Le poids de ces différents « facteurs confondants » n’est pas le même et tous ne sont pas à prendre en considération dans l’interprétation des résultats. Les femmes ont des concentrations de BNP ou de NT-proBNP plus élevées que celles des hommes, et cette différence est retrouvée chez des témoins au cours de l’insuffisance cardiaque. Il existe une relation inversée entre peptides natriurétiques et masse maigre ; la concentration diminue en cas d’obésité. Le récepteur C du BNP pourrait être exprimé dans le tissu adipeux, mais ce mécanisme n’est probablement pas exclusif. Néanmoins, ces 2 facteurs, sexe et obésité ne semblent pas devoir interférer avec notre interprétation des résultats ; les variations observées sont très faibles en comparaison des variations survenant au décours d’affections cardio-vasculaires. Les variations de ces peptides avec l’âge semblent plus importantes. En effet, il existe une augmentation de synthèse de BNP et de NT-proBNP avec le vieillissement. Ces variations ont été intégrées dans l’algorithme décisionnel du NT-proBNP, pas dans celui du BNP. La fonction rénale est probablement le facteur le plus important à prendre en compte dans l’interprétation des dosages des peptides natriurétiques. En effet, les peptides natriurétiques augmentent chez les insuffisants rénaux selon 2 mécanismes. Le 1er est la rétention hydrique conséquence de l’insuffisance rénale, qui entraîne une surcharge volumique. Le 2ème serait la diminution de l’élimination des peptides natriurétiques (diminution de leur clairance rénale). Enfin, il ne faut pas oublier que l’insuffisance rénale est un facteur de risque ou un facteur associé aux affections cardio-vasculaires ; ainsi, 84 % des insuffisants rénaux sévères ont une dysfonction ventriculaire gauche (systolique et/ou diastolique), 40 % des patients hémodialysés ont une insuffisance cardiaque symptomatique, et 50 % des insuffisants rénaux terminaux décèdent d’affections cardio-vasculaires (figure 1). Figure 1. Variation des concentrations de peptides natriurétiques selon la fonction rénale dans l’étude Val-HeFT (d’après Masson S, Clin Chemistry 2006 ;52 :1528-38). Plusieurs études ont été consacrées à l’effet de l’insuffisance rénale sur les peptides natriurétiques. L’étude Val-HeFT (Valsartan in Symptomatic Heart failure) publiée dans Clin Chem en 2007 menée chez 3 916 patients présentant une insuffisance cardiaque stable, montre que les taux de BNP et de NT-proBNP sont inversement corrélés à la clearance de la créatinine, mais que leur valeur diagnostique persiste quelle que soit l’importance de l’insuffisance rénale. Dans une autre étude (deFilippi CR, Clinical chemistry 2007), il ressort que l’intérêt diagnostique du BNP et du NT-proBNP est équivalent chez l’insuffisant rénal ; le NT-proBNP serait en revanche un élément prédictif de la mortalité plus puissant. Enfin, cette même étude suggère que la valeur d’exclusion (valeur en deçà de laquelle l’insuffisance cardiaque aiguë peut être éliminée) chez ces patients reste inchangée pour le NT-ProBNP à 300 pg/ml et augmente pour le BNP de 100 à 225 pg/ml. Enfin, il faut tenir compte, lors de l’interprétation des dosages de peptides natriurétiques d’affections susceptibles de modifier leurs concentrations, comme les atteintes respiratoires sévères, certaines endocrinopathies et les hépatopathies sévères (tableau). Taux de changement critique, variations de ces peptides Il s’agit d’un élément capital dans l’interprétation de dosages répétés. En effet, il existe plusieurs sources de variations de ces peptides et un taux de changement critique global (TCC) a été défini. Lors du suivi d’un patient, les variations observées doivent être supérieures à ce TCC pour pouvoir être prises en compte. Ce TCC est la somme des variations pré-analytiques + variations analytiques + variations intra-individuelles. La variation pré-analytique est importante et il existe des différences entre BNP et NT-proBNP. En effet, le NT-proBNP est particulièrement stable, que ce soit à température ambiante ou à 4°C, contrairement au BNP. Ce facteur pourrait être capital en pratique libérale, où l’infirmière effectue ses prélèvements de façon échelonnée et ne les dépose au laboratoire qu’à la fin de sa tournée. La variation analytique correspond à « l’imprécision de la mesure ». Elle est d’environ 10 % pour le BNP et de 5 % pour le NT-proBNP. La variation intra-individuelle correspond à la variabilité du dosage chez le patient. Les valeurs annoncées de variabilité diffèrent selon les études, allant de 30 % pour les plus pessimistes (Frankestein L, Clin Chem 2009) à moins de 10 % pour les plus optimistes (Shou M, Eur J Heart Failure 2007). Le TCC de ces peptides varie donc entre 30-40 % pour le NT-proBNP et est de plus de 40 % pour le BNP. Ceci signifie que lors du suivi d’un patient, les variations de concentrations de BNP ou NT-proBNP doivent être supérieures à cette valeur pour être interprétées comme reflétant de façon certaine des modifications de l’état des patients ; une variation supérieure à 30-50 % correspond sans équivoque à une modification de l’état clinique. Quand demander le dosage ? Il ressort de cette session qu’il n’existe pas une liste limitée d’indications. Dans leur étude présentée au JIB 2007, Plantin-Carrenard et coll., étudient les prescriptions de peptides natriurétiques. 97 % des cardiologues l’intègrent régulièrement à leur pratique quotidienne, dont 96 % depuis plus de 2 ans, ce qui suggère que ces marqueurs sont des marqueurs « de routine ». Les indications principales sont la dyspnée aiguë, « l’urgence », l’insuffisance cardiaque et le suivi de l’insuffisance cardiaque, mais ils sont aussi régulièrement prescrits au cours de l’embolie pulmonaire, dans les syndromes coronariens aigus, etc. Schématiquement, le dosage des peptides peut (doit) être réalisé dans 2 types de situations cliniques : La 1ère est « l’urgence », à savoir la dyspnée aiguë, la poussée d’insuffisance cardiaque ; ces marqueurs sont alors utiles au diagnostic et/ou au pronostic (figure 2). Ils permettent en effet d’établir le pronostic à moyen ou long terme, les valeurs les plus élevées traduisant un pronostic péjoratif. À court terme, la constatation d’une non diminution du NT-proBNP (diminution de moins de 30 %) lors de l’hospitalisation, ou la persistance d’une valeur > 4 000 pg/ml à la sortie est associée à un risque de récidive d’insuffisance cardiaque à court terme. La 2e est effectuée chez l’insuffisant cardiaque chronique, le patient traité et cliniquement stable. Les peptides natriurétiques peuvent alors orienter le clinicien si la clinique est non ou peu contributive, ou améliorer le suivi des patients. Lors du suivi, le dosage des peptides ne doit servir que dans la prévention de nouvelles décompensations en adaptant par exemple les posologies de diurétiques. Figure 2. Algorithme diagnostique en cas de dyspnée aiguë. Les règles de prescription doivent être les suivantes - Le tableau est évocateur d’une aggravation mais non typique ou lors du suivi d’un patient ambulatoire stable (dosage effectué avant chaque consultation). - Le même peptide natriurétique est utilisé et dans les mêmes conditions. - Le clinicien connaît la valeur de référence chez son patient. Chaque dosage de peptide est accompagné d’un dosage de créatinémie. - La valeur de référence de fonction rénale est connue. Un taux de variation pertinent (50 %) est choisi. En marge de ces indications (très largement majoritaires), les peptides natriurétiques sont utilisés pour dépister une atteinte cardio-vasculaire chez des populations ambulatoires à risque. Ainsi, dans certaines formes de myopathie, une concentration de NT-proBNP > 125 pg/ml détecte les patients avec dysfonction ventriculaire droite ou gauche. Au cours d’affection systémique, comme la sclérodermie systémique, une concentration de NT-proBNP dépiste également les patients avec dysfonction ventriculaire ou hypertension artérielle pulmonaire. Les marqueurs apparaissent donc indispensables à notre pratique quotidienne. Ils sont particulièrement indiqués en cas de doute diagnostique, pour affiner le pronostic (IC sévère particulièrement), lors du suivi pour améliorer la prise en charge, ou pour identifier les patients IC au sein d’une population à risque. Selon la population et l’indication, le choix de la valeur seuil et la probabilité a priori (donc la probabilité finale) seront différents.

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