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Échocardiographie

Publié le 06 fév 2007Lecture 6 min

Pièges de l'échographie du péricarde

J.-M. TARTIÈRE, hôpital Lariboisière, Paris

Bien qu’aujourd’hui totalement « démocratisée », l’échographie cardiaque reste un art difficile.
L’exploration du péricarde motive parfois la demande de cet examen, nous laissant face aux faux-semblants et autres pièges échographiques. Pratiquer cette échographie en vue d’informer le clinicien d’une éventuelle maladie du péricarde suppose une connaissance de l’anatomie du péricarde, des variantes à la norme et des images susceptibles d’engendrer des erreurs diagnostiques, ainsi que des critères (non pathognomoniques) pouvant conduire au diagnostic de tamponnade et de constriction péricardique.

Les rapports anatomiques du péricarde Macroscopiquement, le péricarde pariétal est fibreux et présente un aspect aponévrotique, blanc nacré, enveloppant les cavités cardiaques et les pédicules artériels et veineux. Ce sac péricardique présente des expansions fibreuses appelées ligaments, permettant sa suspension aux structures voisines dans le thorax : diaphragme, sternum, corps vertébraux, zone cervicale et viscères (trachée, œsophage…). Le feuillet viscéral du péricarde rejoint le feuillet pariétal (ou épicarde) au niveau du pédicule artériel en formant une ligne de réflexion. La cavité péricardique ainsi définie est habituellement virtuelle, mais un épanchement peut la révéler. Les figures 1 et 2 montrent clairement l’absence de cavité péricardique en arrière de l’oreillette gauche et la prolongation du sac péricardique jusqu’aux pédicules artériel et veineux. L’épanchement est toujours présent sur cet exemple en regard du tronc de l’artère pulmonaire et de la veine cave supérieure. Figure 1. La cavité péricardique n’existe pas en arrière de l’oreillette gauche. Figure 2. Prolongation du sac péricardique jusqu’aux pédicules artériel et veineux. Les causes d’erreurs diagnostiques   L’épanchement pleural L’épanchement péricardique peut parfois être confondu avec l’épanchement pleural. Toutefois, en connaissant parfaitement les rapports anatomiques du péricarde, il est possible de les différencier (figure 3). L’épanchement péricardique est nécessairement limité par la zone de réflexion du sac péricardique se situant en incidence parasternale grand axe au niveau du sillon auriculoventriculaire (AV), lui-même proche de l’aorte thoracique descendante. Ainsi, en cas d’épanchement péricardique, l’épanchement passe en avant de l’aorte et l’angle formé par l’épanchement et ayant pour sommet le sillon AV est fermé (figure 3 A). Dans le cas d’un épanchement pleural, la cavité liquidienne passe en arrière de l’aorte et l’angle formé par l’épanchement et ayant pour sommet le sillon AV est ouvert (figure 3 B). Figure 3. (A) Rapports anatomiques différenciant l’épanchement péricardique et pleural (B). Le « décollement systolique » Un décollement péricardique systolique anéchogène est fréquemment retrouvé en échographie, notamment sur les incidences parasternales avec ou sans mode TM. Ce décollement n’est pas pathologique. Toutefois, il est utile de signaler sa présence sur un compte-rendu d’échographie afin d’éviter des errements diagnostiques au cas où le même patient serait exploré dans le futur pour une douleur thoracique.   La graisse épicardique La troisième cause d’erreur diagnostique est la présence de graisse épicardique, laquelle est directement liée à la présence de graisse périviscérale dans l’obésité. Sa prévalence suit celle de l’obésité en général et elle est associée aux mêmes modifications métaboliques. Son aspect échographique est celui d’une zone hypoéchogène, hétérogène, où les franges graisseuses peuvent parfois même être parfaitement visibles. La situation anatomique préférentielle de cette graisse épicardique se trouve en regard de la paroi libre du ventricule droit et est parfaitement dégagée en incidence parasternale gauche, voire par voie sous-costale. Dans quelques cas caricaturaux cette graisse peut être circonférentielle. Là aussi, il peut être intéressant de noter sa présence sur un compte-rendu comme une manifestation de la présence de graisse périviscérale.   Les épanchements cloisonnés Lorsque le péricarde n’est pas anatomiquement intègre, suite à une maladie inflammatoire, une chirurgie ou une radiothérapie, un épanchement peut être cloisonné, ce qui rend sa détection difficile. Ce diagnostic est souvent évoqué lorsque l’épanchement devient compressif, notamment sur les cavités droites. La présence d’un caillot intrapéricardique, principalement en postopératoire précoce de chirurgie cardiaque, est une forme d’épanchement focal sans cloisonnement du péricarde. En cas de doute, il peut être utile parfois d’effectuer dans ces cas particuliers une échographie transœsophagienne, voire des coupes scannographiques.   Les autres causes d’erreurs La présence d’un sinus coronaire dilaté, témoignant généralement de la persistance d’une veine cave supérieure gauche est, là aussi, une source possible de diagnostic par excès d’épanchement cloisonné. Toutefois, la forme ovoïde, la situation anatomique et le caractère circulant de cette structure permettent normalement de redresser le diagnostic. L’envahissement tumoral de la cavité péricardique est plus à considérer comme une étiologie possible d’un épanchement que comme une erreur diagnostique.   Le syndrome de tamponnade   L’aspect hémodynamique Le péricarde étant inextensible de manière aiguë ou subaiguë, l’apparition rapide d’un épanchement péricardique peut entraîner une compression des cavités cardiaques faisant jouer l’interdépendance des deux ventricules. La première conséquence de cet épanchement est la baisse du volume télédiastolique cardiaque entraînant une baisse des volumes d’éjection. La deuxième conséquence explique la variation des flux Doppler retrouvés en cas de tamponnade ou de constriction myocardique. En inspiration, la baisse de la pression intrathoracique favorise et augmente le retour veineux cave supérieur et inférieur dans les cavités droites. Le VD augmentant son volume télédiastolique dans un sac péricardique inextensible, cette augmentation de volume du VD se fait par conséquent par l’intermédiaire du septum interventriculaire et donc d’une diminution du volume du VG et des gradients de pression auriculoventriculaire et ventriculoartériels gauches. En expiration, au contraire, la pression intrathoracique augmente et diminue le retour veineux cave, favorisant le remplissage du VG. Cette augmentation de volume se fait par l’intermédiaire d’une diminution du volume du VD et des gradients de pression auriculoventriculaire et ventriculoartériels droits. L’aspect écho-Doppler comprend des variations majeures des flux selon le même mode que la constriction péricardique (tableau), avec, de manière caricaturale, l’aspect de « swinging heart ». Les causes d’erreurs diagnostiques Le syndrome de tamponnade est susceptible d’apparaître dans des situations hémodynamiques entraînant, comme pour l’épanchement péricardique, une compression des cavités cardiaques. Ainsi, un épanchement pleural abondant est susceptible d’engendrer le même tableau hémodynamique avec exactement les mêmes variations des flux Doppler et le même aspect bidimensionnel, l’épanchement péricardique en moins (tableau). Le traitement passe dans ce cas par le drainage des épanchements pleuraux. En cas d’épanchements pleural et péricardique associés compliqués de tamponnade, l’écho-Doppler n’est alors plus capable de différencier l’origine de la compression et le drainage chirurgical des différentes cavités est, dans ce cas particulier, souvent préférable.   Constriction péricardique et restriction myocardique L’un des grands pièges échographiques dans l’exploration du péricarde réside dans la différenciation de la constriction péricardique avec la restriction myocardique. Dans ces deux cas, il existe des anomalies communes : veine cave dilatée, modification des flux veineux (sus hépatique et pulmonaire), flux mitral restrictif (toutefois moins fréquent en cas de constriction). Les arguments évocateurs de constriction péricardique passent par la visualisation d’un péricarde épais ou calcifié (pas toujours présent), de son retentissement sur les cavités cardiaques (oreillettes non dilatées) ou de signe d’interdépendance VD-VG (variation des flux). Le recueil des vélocités tissulaires (DTI) ne permet pas à lui seul de faire le diagnostic de restriction myocardique. Une anomalie de relaxation (Ea < 8 cm/s) est fréquente dans la population « bien portante ». De plus, la constriction péricardique peut s’accompagner d’une infiltration myocardique et donc d’un certain degré de restriction. Finalement, un rapport E/Ea normal est un élément permettant d’éliminer avec une relative certitude le diagnostic de restriction (en l’absence de traitement diurétique préalable) en acceptant par défaut celui de constriction.   En pratique L’exploration du péricarde nous oblige à fréquenter assidûment l’école de la modestie. Si certaines situations comme la tamponnade sont parfois caricaturales, ne nécessitant finalement qu’un simple coup d’œil pour faire le diagnostic ; d’autres situations, telle la constriction péricardique, sont en revanche plus problématiques et l’échographie n’est souvent pas suffisante pour obtenir la certitude diagnostique.

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