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Valvulopathies

Publié le 17 oct 2006Lecture 8 min

Pressions pulmonaires - Faut-il les mesurer sur l'insuffisance tricuspide ou pulmonaire ?

C. CHAUVEL, clinique Saint-Augustin, Bordeaux

L’évaluation des pressions pulmonaires est un temps essentiel de chaque examen échocardiographique. On peut en tirer des informations diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques que ce soit chez un patient porteur d’une cardiopathie connue ou non. Cette évaluation systématique permet également le diagnostic précoce d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), primitive ou dans le cadre de pathologies systémiques (sclérodermie), dont on sait l’importance pour la prise en charge de ces patients. L’échographiste dispose de trois méthodes principales pour évaluer le niveau de pression pulmonaire chez un patient ; chacune présente des avantages et limites que nous essayerons de dégager.

Étude du flux d’insuffisance tricuspide   Principes La vitesse maximale (Vmax) du jet d’insuffisance tricuspide (IT) est un reflet du gradient qui règne (en systole) entre le ventricule droit (VD) et l’oreillette droite (OD). Plus la pression systolique VD est élevée, plus la vitesse maximale de l’IT est importante. De plus, en systole, le VD a une pression proche de celle de l’artère pulmonaire, sauf si la valve pulmonaire est sténosante. On peut donc faire l’approximation que la pression systolique VD est la même que la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs). On comprend alors qu’il existe une corrélation entre la Vmax de l’IT et la pression artérielle pulmonaire systolique. La formule de Bernouilli simplifiée donne l’équation suivante : PAPs = 4 x (Vmax IT)² + POD. Cela a été démontré en effectuant simultanément les mesures par cathétérisme droit et en Doppler.   Méthodologie Pour espérer estimer avec fiabilité le niveau de PAPs à partir de la Vmax de l’IT, il est impératif de respecter une méthodologie rigoureuse. L’élément déterminant est, comme toujours en Doppler, d’obtenir un alignement satisfaisant avec le jet d’IT. Un repérage du jet couleur est indispensable pour cet alignement. Cela peut nécessiter d’utiliser des coupes inhabituelles, comme une incidence « endapexienne » qui est souvent la meilleure (figures 1 et 2). Mais chez certains patients, ce sera la parasternale basse, voire la sous-costale.   Figure 1. A. Incidence apicale des 4 cavités en Doppler montrant un alignement médiocre entre le tir Doppler (ligne pointillée) et la fuite tricuspide ; B. Enregistrement en Doppler continu suivant l'alignement de A. On mesure un gradient VD-OD maximal de 36 mmHg. Figure 2. Même patient que figure 1 mais incidence endapexienne. A. L'alignement entre le tir Doppler et la fuite tricuspide est meilleur ; B. On mesure un gradient maximal VD-OD de 45 mmHg. La mesure de la Vmax peut se faire en utilisant la sonde couplée 2D-Doppler mais il faut savoir recourir à la sonde pedoff dès que le spectre n’est pas parfait, sous réserve de sous-estimer franchement la Vmax. Plusieurs mesures sont effectuées (au minimum trois) pour s’assurer de la reproductibilité de la mesure. Un spectre mal défini n’autorise pas la mesure de la Vmax car on s’expose à de grossières erreurs dont les conséquences cliniques peuvent être importantes (sous-estimation du niveau de PAPs). Il faut alors recourir aux autres moyens. Rappelons ici que l’absence d’IT ne signifie aucunement une PAP normale. Il est impératif de s’assurer que la valve pulmonaire n’est pas sténosante car, alors, la pression systolique VD n’est plus assimilable à la PAPs et on va surestimer nettement celle-ci en mesurant la Vmax de l’IT. La formule n’est donc plus utilisable. Enfin, lorsque la fuite tricuspide se fait à travers un orifice très large (importante dilatation annulaire), le régime du flux devient laminaire (figure 3). La formule de Bernouilli n’est plus applicable et il est impossible d’évaluer la PAPs à partir de la Vmax de l’IT.   Figure 3. A. Mise en évidence d'une large fuite tricuspide laminaire en incidence apicale des 4 cavités en Doppler couleur (flux bleu homogène témoignant de vitesses basses) ; B. Tir Doppler continu sur la fuite tricuspide laminaire montrant des vitesses basses et un pic protosystolique caractéristiques. En Doppler pulsé on obtiendrait un flux de type "éjection aortique" avec une ligne d'isovitesses, témoignant de l'écoulement laminaire. Le calcul de la PAPs n'est pas possible.   La méthode est utilisable en cas de fibrillation auriculaire mais il faut alors répéter les mesures sur plusieurs cycles « moyens » afin d’obtenir une valeur fiable (risque de surestimation après une diastole longue et de sous-estimation en cas de diastole courte). L’évaluation de la POD est indispensable pour effectuer le calcul de PAPs par l’IT ; elle est détaillée plus loin. La faisabilité de l’enregistrement d’une enveloppe satisfaisante d’IT en Doppler continu est bonne, chez plus de 80 % des patients avec les machines récentes. L’utilisation de la sonde pedoff et le temps consacré à sa recherche sont certainement déterminants pour augmenter le taux de réussite et la fiabilité des mesures.   Étude du flux d’insuffisance pulmonaire En utilisant le même principe que pour l’IT, on peut approcher la valeur de la PAP diastolique (PAPd) en enregistrant le flux d’insuffisance pulmonaire (IP). En effet, au cours de la diastole, la vitesse de l’IP est un reflet du gradient diastolique AP-VD assimilable au gradient AP-OD. La vitesse de l’IP en télédiastole est le reflet de la PAPd en utilisant la formule de Bernouilli qui est ici : PAPd = 4 x (VtéléD IP) ² + POD. La mesure de la vitesse s’effectue le plus souvent après l’onde A (marquée par une diminution de la vitesse de l’IP) (figure 4). Les précautions d’alignement décrites pour l’IT sont tout aussi valables pour l’IP. La limite de la méthode concerne les cas (rares) d’IP massive comme après certaines chirurgies de cardiopathies congénitales. Dans ce cas, la formule de Bernouilli ne peut être appliquée.   Figure 4. A. Incidence parasternale peit axe permettant de mettre en évidence une fuite pulmonaire physiologique en Doppler couleur ; B. Enregistrement de cette fuite en Dppler continu permettant la mesure d'un gradient télédiastolique AP-VD de 11 mmHg.   La faisabilité de la mesure est moins bonne que pour l’IT, l’incidence parasternale le plus souvent utilisée étant moins constamment de bonne qualité chez l’adulte. Une faisabilité > 50 % est toutefois la réalité avec les machines actuelles. L’apport de la sonde pedoff est ici déterminant et on ne peut prétendre à l’absence de flux enregistrable qu’après l’avoir utilisée. Chez les patients difficiles en parasternale, l’incidence sous-costale doit être utilisée, permettant de dégager la voie d’éjection droite et le tronc de l’AP ; on est alors très bien aligné sur l’IP (figure 5). Il est fréquent de n’enregistrer qu’une partie du flux au cours de la diastole (le plus souvent la fin), ce qui n’empêche pas la mesure si la valeur est reproductible d’un cycle à l’autre. Il est important de se rappeler que la valeur varie toutefois avec la respiration mais dans des proportions faibles (20 à 30 % environ). En cas de fibrillation auriculaire, la mesure n’est pas réalisable.   Figure 5. Incidence sous-costale petit axe vers la base dégageant parfaitement l'infundibulum pulmonaire ainsi que le tronc de l'artère pulmonaire.   Certains auteurs ont proposé d’utiliser la valeur de la vitesse protodiastolique de l’IP pour approcher la PAP moyenne (PAPm) par la formule : PAPm = 4 x (VprotoD) ² + POD, voire même d’extrapoler la PAPs (PAPs = 3 PAPm – 2 PAPd). Ces formules sont moins utilisées en pratique et s’avèrent moins fiables car la VprotoD est souvent difficile à mesurer (risque de sous-estimation). En cas de discordance entre les valeurs obtenues par l’IT et l’IP, il est préférable de retenir celles obtenues par l’IT car il existe moins de sources d’erreur. Enfin, la morphologie du flux d’IP est importante à analyser car elle peut faire porter un diagnostic de « dip-plateau ».   Étude du flux d’éjection pulmonaire C’est « la roue de secours » de l’échographiste lorsque l’IP et l’IT ne permettent pas une évaluation de la PAPs. En effet, il a été montré que le temps d’accélération du flux pulmonaire (TAP : délai entre le début de l’éjection pulmonaire et sa valeur maximale) est corrélé au niveau de PAPm. Ainsi, un TAP < 100 ms correspond pratiquement toujours à une PAPm > 30 mmHg. Un TAP > 130 ms est en faveur d’une PPA normale (figure 6). Entre les deux valeurs, il est plus difficile de trancher. Il est important de bien positionner la porte de Doppler pulsé juste sous les sigmoïdes pulmonaires et de refaire plusieurs enregistrements pour s’assurer de la bonne qualité du flux sous réserve d’obtenir des valeurs erronées.  L’avantage principal de cette méthode est sa faisabilité constante (par voie parasternale ou sous-costale), utile notamment chez les insuffisants respiratoires dont l’étude Doppler est souvent délicate.   Figure 6. Enregistrement en incidence parasternale en Doppler pulsé du flux d'éjection pulmonaire. A. Temps d'accélération très court (70 ms) en faveur d'une HTAP. On note un aspect caractéristique de crochetage mésosystolique du flux (flèche) ; B. Mesure d'un temps d'accélération pulmonaire à 170 ms, en faveur d'une PAP normale.   D’autres méthodes ne seront pas détaillées car elles relèvent de cas particuliers (gradient d’une CIV…).   Évaluation de la POD C’est un élément clé de l’équation de la PAP puisqu’on rajoute sa valeur à 4 x (vitesse doppler)² que ce soit pour l’IT ou l’IP. L’échographie-Doppler ne permet qu’une estimation de sa valeur en fonction de la taille de la veine cave inférieure (VCI) ou d’autre paramètres plus rarement utilisés (flux des veines sus-hépatiques, etc.). En effet, des études couplées avec la mesure invasive de la POD ont montré que la dilatation de la VCI et l’importance des variations respiratoires de son calibre sont corrélées avec le niveau de POD (tableau).   Les mesures peuvent être faites en TM si l’on est parfaitement perpendiculaire à la VCI et qu’elle reste dans le plan de coupe tout au long du cycle respiratoire. Au moindre doute, il faut effectuer les mesures en bidimensionnel (figure 7). L’étude de la VCI dans le plan orthogonal est parfois utile s’il existe des mouvements latéraux importants au cours du cycle respiratoire. Cette estimation est toutefois assez grossière et explique certaines discordance entre les mesures Doppler et invasives de la PAP. Cela est d’autant plus vrai pour la PAPd où le chiffre de POD représente une part importante du résultat. Pour la PAPs, une erreur de 3 à 5 mmHg sur la POD ne bouleversera pas le résultat. Enfin, en cas d’élévation importante de la POD, l’aspect de l’IT est particulier avec un pic protosystolique témoignant d’une égalisation rapide des pressions VD et OD (figure 8).   Figure 7. A. Mesure du diamètre maximal de la veine cave inférieure (VCI) en incidence sous-costale (26 mm) ; B. Étude des variations respiratoires du calibre de la VCI en TM, ici absentes en faveur d'une POD d'au moins 20 mmHg. Figure 8. Enregistrement d'un flux d'insuffisance tricuspide en Doppler continu montrant un pic protosystolique très net (flèche), avec aspect triangulaire du spectre, en faveur d'une élévation franche de la POD.   En pratique   L’étude des pressions pulmonaires est un élément clé devant figurer dans le compte-rendu de toute échocardiographie. Il faut mesurer la PAP par l’IT et l’IP. La mesure de la PAPs est le plus souvent faisable par l’étude de l’IT. Le flux d’IP doit être également systématiquement étudié permettant une évaluation fréquente de la PAPd. Il est capital d’estimer correctement la POD chez chaque patient et non pas de mettre un chiffre identique pour tous les examens. L’analyse de la morphologie du flux d’éjection pulmonaire (mesure du TAP) permet d’orienter vers la présence ou l’absence d’HTAP significative dans les cas rares où ni IT ni IP ne sont enregistrables. L’évaluation de la PAP ne constitue qu’un des éléments dans l’analyse échographique du cœur droit qui comporte également la morphologie des cavités et valves droites, la fonction VD, les pressions de remplissage droites, la quantification de la fuite tricuspide, l’étude du septum inter-auriculaire… La cohérence entre tous les paramètres étudiés est, comme toujours en échocardiographie, un élément essentiel qui permet de critiquer certaines valeurs recueillies dans des conditions parfois difficiles. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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