Vasculaire
Publié le 12 avr 2011Lecture 12 min
Prévention secondaire après un accident ischémique cérébral
M. PASQUINI, J.-L. MAS, Hôpital Saint Anne, Paris
La prévention est la meilleure stratégie pour réduire l’incidence et les conséquences des AIC, et doit être envisagée dans le contexte plus général de la prévention vasculaire, incluant la prévention de l’IDM, des complications de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), et, plus généralement, du décès vasculaire. Pour cela, le critère de jugement principal des essais randomisés de prévention secondaire est souvent un critère composite, incluant la récidive d’AVC, ou la survenue d’un événement vasculaire, ou de décès vasculaire.
Les causes des AIC sont nombreuses, mais trois d’entre elles dominent par leur fréquence : l’athérosclérose, la microangiopathie et les embolies d’origine cardiaque. Déterminer la cause d’un AIC est une étape fondamentale qui conditionne le choix du traitement de prévention secondaire. Celle-ci repose sur le contrôle des facteurs de risque vasculaire, le traitement antithrombotique et la revascularisation artérielle dans certains cas.
Contrôle des facteurs de risque vasculaire
Le traitement des facteurs de risque est au centre de la prévention des AVC et les bénéfices attendus de ce traitement sur l’incidence des AVC sont à la base des recommandations pour la pratique.
Pression artérielle
Des nombreux essais cliniques randomisés ont démontré les bénéfices de l’abaissement de la pression artérielle (PA) sur le risque d’événements vasculaires, en particulier sur celui d’AVC, aussi bien en prévention primaire que secondaire. Chez des patients, hypertendus ou non, aux antécédents d’AVC ou AIT et recevant du perindopril (4 mg/j) et de l’indapamide (2,5 mg/j), la baisse de la pression artérielle de 12/5 mmHg a été associée à une réduction de 43 % de l’incidence d’AVC et de 40 % de l’incidence d’événements vasculaires majeurs. Sous perindopril seul, la baisse de pression artérielle était moins importante (5/3 mmHg) et ne s’accompagnait pas d’une réduction significative du risque d’événements vasculaires. La réduction du risque était présente dans tous les sous-types d’AVC.
Ces données ont été confirmées par les résultats d’une revue systématique de 7 essais randomisées portant sur 15 527 patients ayant eu un AIT ou un AVC.
Le traitement antihypertenseur réduisait de 24 % l’incidence des AVC, de 21 % celle des IDM et de 21 % celle des événements vasculaires majeurs (AVC infarctus du myocarde, décès vasculaire).
La réduction du risque de récidive d’AVC était significative avec l’association d’IEC et de diurétiques et avec les diurétiques seuls, mais pas avec les bêtabloqueurs ou les IEC seuls. Cependant, ces comparaisons doivent être interprétées avec prudence en raison du faible nombre d’études, de patients et d’événements, et des différences de baisse de PA selon les études. La réduction du risque d’AVC et d’événements vasculaires était similaire dans les essais portant sur des patients hypertendus ou normotendus, et dans ceux portant exclusivement sur des patients normotendus, et est continue avec la baisse de la pression artérielle. On ne peut pas définir de valeurs en termes de cible, mais on peut prendre en compte le fait que les bénéfices associés à la baisse de la pression artérielle ont été obtenus avec une réduction moyenne de 10/5 mmHg et que la pression artérielle est considérée comme normale si les valeurs sont < 120/80 mmHg. Il n’existait pas de valeur seuil en dessous de laquelle le traitement antihypertenseur s’accompagnait d’une augmentation du risque d’AVC, dans les fourchettes de valeurs de pression artérielle étudiées.
Cependant, dans certains cas, on peut proposer un traitement plus prudent : il s’agit des patients ayant des lésions obstructives des artères à destination cérébrale ou intracrâniennes, en particulier les patients ayant des sténoses des artères carotides bilatérales.
Lipides
Bien que la relation épidémiologique entre le cholestérol et le risque d’AVC soit complexe, plusieurs études ont montré les effets positifs de l’abaissement du LDL cholestérol.
Chez des patients à haut risque vasculaire, la baisse de 1 mmol/l de LDL-cholestérol par statines s’accompagne d’une réduction de 23 % du risque d’IDM ou de décès coronaire, et de 17 % du risque d’AVC, avec une réduction de 22 % des AIC. Dans la seule étude consacrée à la prévention secondaire après un AVC, l’atorvastatine à la dose de 80 mg/j a réduit le risque de récidive d’AVC de 16 % et de 20 % celui des événements vasculaires majeurs, en dépit d’une augmentation du risque d’hémorragie cérébrale. Il est possible que le bénéfice absolu du traitement par statines observé dans cette étude soit plus important dans certains sous-groupes étiologiques, en particulier chez les patients ayant un AIC lié à l’athérosclérose. De plus, les patients ayant un AIC lié à une cardiopathie emboligène ont été exclus de l’étude. On ne sait pas si ces patients, qui représentent 20 % des AIC, bénéficient de ce traitement. De même, le faible nombre de patients inclus dans cette étude avec un antécédent d’hémorragie cérébrale ne permet aucune conclusion quant au rapport bénéfice/risque de l’atorvastatine chez ces patients.
Glycémie
Les données concernant l’efficacité du traitement de l’hyperglycémie en prévention secondaire des AVC sont peu nombreuses. Le contrôle glycémique strict permet de diminuer les complications microvasculaires du diabète, mais son bénéfice sur la réduction du risque d’AVC ou d’autres événements vasculaires est controversé.
Chez 5 238 patients aux antécédents macrovasclaires, le traitement par pioglitazone a été associé à une réduction non significative du risque d’événements vasculaires majeurs et, dans une analyse secondaire, le risque d’AVC était réduit de 47 % chez les patients traités par pioglitazione. Cependant, les études plus récentes ne montrent pas de bénéfice d’un contrôle strict de la glycémie. Chez des diabétiques de type 2 ayant bénéficié soit d’un contrôle strict de la glycémie soit d’une prise en charge standard, l’incidence des événements vasculaires n’était pas significativement différente, et ce, malgré une réduction de 2 % environ de l’hémoglobine glyquée.
En revanche, un contrôle strict de la pression artérielle chez le diabétique réduit le risque d’AVC et d’événements vasculaires : chez les diabétiques de type 2 ayant une PA strictement contrôlée, le risque d’AVC était réduit de 44 % par rapport à ceux ayant un contrôle de la PA moins strict.
Les IEC et les ARA II sont recommandés en première intention en raison de leur effet bénéfique sur la néphropathie. Les statines ont aussi un effet bénéfique chez le diabétique : chez les patients diabétiques inclus dans l’étude HPS, le risque d’AIC était réduit de 28 % et celui d’événement vasculaire majeur de 22 %, indépendamment du taux basal de LDL-cholestérol.
Tabac
Plusieurs études observationnelles ont montré que l’arrêt du tabac est associé à une réduction rapide du risque d’AVC et d’autres événements vasculaires. L’arrêt de l’intoxication tabagique pendant au moins 20 ans diminue le risque de décès de toute cause et de décès vasculaires à un niveau identique à celui des non-fumeurs.
Alcool
La majorité des études suggèrent une relation en forme de J entre la consommation d’alcool et le risque d’AIC. Dans une métaanalyse portant sur 35 études observationnelles, la consommation d’alcool > 5 verres/jour est associée à une augmentation de 64 % du risque d’IC et de 118 % du risque d’HIC, alors qu’une consommation < 1 verre/jour s’accompagnait d’une réduction de 17 % du risque d’AVC. Une consommation modérée de 1-2 verres/j s’accompagne d’une réduction de 28 % du risque d’AIC.
Traitement hormonal substitutif et contraception orale
Contrairement aux études observationnelles, les essais thérapeutiques ont conclu à une augmentation du risque d’AVC chez les femmes recevant un traitement hormonal substitutif. Une métaanalyse portant sur 28 essais randomisés a montré une augmentation du risque d’AVC de 29 %. Le THS doit être arrêté en phase aiguë d’un AVC et la reprise de ce traitement doit être fortement déconseillée.
La contraception estroprogestative faiblement dosée n’augmente que faiblement le risque d’AVC. Cependant, il existe des catégories des femmes plus à risque : les femmes âgées de plus de 35 ans ou ayant des facteurs de risque associés (tabac, hypertension artérielle ou diabète), des antécédents de migraine, en particulier avec avec aura, ou un antécédent d’accident thromboembolique. Dans ce contexte, la contraception orale devrait être évitée.
Antithrombotiques
Avec la prise en charge des facteurs de risque vasculaires, les traitements antithrombotiques jouent un rôle majeur dans la prévention des AIC. Le risque hémorragique potentiel des différents traitements antithrombotiques, d’autant plus élevé que l’action antithrombotique est puissante, doit être mis en balance avec le risque ischémique à prévenir. Également, le choix du traitement antiplaquettaire de prévention secondaire doit être guidé par la cause de l’infarctus cérébral.
Les données de prévention secondaire sont donc réparties en deux grands groupes : celles consacrées aux maladies artérielles (athérosclérose et maladie des petites artères), ou d’origine non cardioembolique, et celles consacrées aux cardiopathies emboligènes.
Lorsqu’aucune cause d’imputabilité certaine n’a été mise en évidence, il existe un consensus en faveur de l’aspirine, bien qu’il n’existe aucun essai thérapeutique spécifique.
AIC non cardioemboliques
Un traitement antiplaquettaire est recommandé en prévention secondaire après un AIC lié à l’athérosclérose, à la microangiopathie, ou de cause inconnue. Le traitement par antiplaquettaires s’accompagne d’une réduction de 25 % du risque de IDM, AVC ou de décès vasculaire, et de 22 % du risque d’AIC.
L’aspirine est de loin la substance plus étudiée, et elle est l’antiplaquettaire de référence pour l’évaluation de nouvelles substances. Dans la dernière métaanalyse de l’ATTC, chez les patients ayant des antécédents d’AIC, l’aspirine réduit de 17 % le risque d’AVC, malgré une légère augmentation d’incidence des hémorragies cérébrales, et de 17 % celui d’événements vasculaires majeurs.
Le bénéfice de l’aspirine a été démontré pour des doses entre 50 mg et 1,3 g, sans différence d’efficacité à partir de 75 mg.
Le risque hémorragique est indépendant de la dose d’aspirine mais la toxicité gastro-intestinale augmente avec la posologie. Compte tenu du rapport bénéfice/risque, les doses d’aspirine actuellement recommandés sont de 75 à 150 mg/j.
Chez les patients ayant présenté un accident artériel (IDM, AIC ou AOMI), le clopidogrel (75 mg/j) réduit de 8,7 % par rapport à l’aspirine (325 mg) le risque du critère composite (AVC, IDM, ou mortalité vasculaire). Le risque hémorragique (9,2 %) du clopidogrel était identique à celui de l’aspirine, mais les hémorragies digestives (2,66 %) et les ulcères gastriques (1,15 %) étaient plus fréquents sous aspirine.
Chez des patients ayant présenté un AIC, l’association d’aspirine (30-325 mg/j) et de dipyridamole (400 mg/j) entraîne une réduction significative de 18 % du risque du critère composite (AVC, IDM, ou mortalité vasculaire). Le taux de saignements est moins important avec l’association (2,7 %) qu’avec l’aspirine seule (3,9 %). Néanmoins, le taux de sorties d’essai était plus important sous association, essentiellement en raison des céphalées. Alors que la réduction relative de risque par rapport à l’aspirine seule semblait plus importante avec l’association d’aspirine et de dipyridamole qu’avec le clopidogrel, un large essai thérapeutique n’a pas montré de différence d’efficacité entre ces deux traitements : le taux d’AVC était de 9 % sous clopidogrel et de 8,8 % sous association aspirine-dipyridamole, et le critère composite AVC, IDM ou décès était de 13,1 % dans les deux groupes.
En pratique
Bien que les recommandations suggèrent l’utilisation en première intention du clopidogrel ou de l’association d’aspirine et de dipyridamole, les trois traitements constituent une alternative valable ; le choix du traitement doit être guidé par la présence d’autres pathologies associées, le coût du traitement et la tolérance.
L’association d’aspirine et de clopidogrel n’est pas recommandée en prévention secondaire au long cours après un AIC en dehors de cas spécifiques (stents), en raison d’une augmentation significative du risque de saignement majeur(18,19). Son évaluation se poursuit dans deux variétés étiopathogéniques particulières : les maladies des petites artères cérébrales (SPS3) et l’athérome de la crosse de l’aorte (ARCH trial).
Les anticoagulants oraux, essentiellement les antivitamines K (AVK), ne sont pas utilisés en prévention secondaire après un AIC non cardioembolique car, si leur efficacité est comparable à celle de l’aspirine en termes de prévention de récidive ischémique, les risques hémorragiques sont significativement plus importants(20,21).
AIC cardioemboliques
Le pronostic des infarctus cardioemboliques est globalement plus sévère par rapport aux IC d’origine artérielle en raison du risque élevé de récidives et de la morbi-mortalité cardiaque propre. Le traitement de prévention secondaire repose sur celui de la pathologie cardiaque de base, si possible. Le traitement antithrombotique est choisi en fonction du risque de récidive, qui est variable en fonction de la cardiopathie en cause et de la présence de facteurs de risque associés.
En cas de cardiopathies à haut risque, comme la fibrillation auriculaire (FA) non valvulaire, qui est responsable d’environ 50 % des cas d’AIC cardioembolique, le traitement par AVK est recommandé. Comme en prévention primaire, les AVK réduisent le risque de récidive de 60 % par rapport au placebo et de 40 % par rapport à l’aspirine. Les AVK sont également plus efficaces que l’association d’aspirine et de clopidogrel, avec une réduction de 40 % du risque d’événements vasculaires majeurs. Néanmoins, chez des patients jugés non éligibles aux AVK, l’association d’aspirine et de clopidogrel pourrait représenter une alternative à l’aspirine, car le risque d’AVC ou d’événements vasculaires majeurs est plus faible chez les patients traités par l’association d’aspirine et de clopidogrel, comparativement à l’aspirine. Les saignements majeurs étaient plus fréquents chez les patients traités patients par l’association, mais le bénéfice net restait en faveur de ce traitement. Cependant, seulement 13 % des patients inclus dans cette étude avaient des antécédents d’AVC.
Plusieurs études évaluant les nouveaux antithrombotiques sont en cours. Le dabigatran, un inhibiteur direct de la thrombine, est aussi efficace que les AVK à la dose de 110 mg/j sur le critère AVC ou embolie systémique, avec une réduction de 20 % des saignements majeurs. À la dose de 150 mg/j, le dabigatran réduit de 34 % le risque d’AVC ou d’embolie systémique comparativement aux AVK, avec un taux comparable de saignements majeurs. Cependant, seulement 20 % des patients inclus dans cette étude avaient des antécédents d’AVC.
Pour les autres variétés de FA, qui comportent presque toute un risque embolique élevé, les AVK sont impératifs. En cas de FA associée à une valvulopathie rhumatismale ou à une prothèse valvulaire, la fourchette d’INR recommandée est de 2,5-3, voire plus.
Pour les cardiopathies à faible risque, un traitement antiplaquettaire est généralement recommandé. C’est le cas chez les patients ayant un premier AIC et un FOP isolé. Des essais sont en cours pour préciser les bénéfices respectifs des antiplaquettaires, des anticoagulants oraux et de la fermeture endovasculaire du FOP après un AIC associé à un FOP avec ou sans anévrisme du septum interauriculaire.
La revascularisation artérielle
Les stratégies de revascularisation (chirurgie ou angioplastie) ont été évaluées essentiellement chez des patients ayant une sténose de l’artère carotide interne. Le risque de récidive en cas d’AIC en rapport avec une sténose carotide dépend du degré de sténose : dans les 2 ans qui suivent un AIC, le risque de récidive est de 10 % par an pour les sténoses ≥ 70 % NASCET, et 5 % par an en cas de sténose entre 50-69 % NASCET. Après, le risque devient similaire à celui d’une sténose asymptomatique.
Deux grandes études et une métaanalyse ont démontré les bénéfices de la chirurgie de carotide chez les patients ayant une sténose > 50 % NASCET. Les bénéfices sont plus importants en cas de sténose > 70 % (à l’exception des cas de sténose très serrée ou « pseudo-occlusive ») : la réduction du risque est de 16 % environ à 5 ans, alors qu’elle n’est que de 5 % à 5 ans pour les patients avec une sténose entre 50 et 69 %. À côté du degré de sténoses, d’autres facteurs peuvent être considérés, car associés à un plus haut risque de récidive : le sexe masculin, l’âge > 75 ans, et le délai court par rapport au dernier événement (< 15 jours). La chirurgie n’est pas indiquée en cas de sténose < 50 %, car le bénéfice devient non significatif. Il est recommandé de réaliser la chirurgie dans les deux semaines qui suivent l’AIC, car le bénéfice thérapeutique est plus important.
L’angioplastie de carotide est en cours d’évaluation. Les essais randomisés montrent que cette technique est associée à une augmentation significative d’environ 30-40 % du risque d’AVC ou de décès dans les 30 jours de la procédure. Elle semble cependant apporter une protection à moyen terme similaire à celle de la chirurgie concernant le risque de récidive d’infarctus cérébral ipsilatéral, malgré une augmentation significative du risque de resténose, ce qui indique que la sécurité de la procédure doit être améliorée. En attendant, la chirurgie reste la technique de référence. Une angioplastie carotide peut être envisagée en cas de contre-indication à la chirurgie carotide pour des raisons générales, telles quelles des comorbidités importants, notamment cardiaques, ou locales, comme les sténoses post-radiques, ou inaccessibles chirurgicalement.
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