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Thérapeutique

Publié le 29 avr 2008Lecture 10 min

Stimulation cardiaque - Réduire la consommation d'énergie

M. CHAUVIN, hôpital Hautepierre, Strasbourg

L’année 2008 célébre le cinquantenaire de la première implantation humaine d’un stimulateur cardiaque. Sans remonter jusqu’à 1958, on se contentera ici d’évoquer les principaux changements survenus ces dernières années dans le quotidien du cardiologue chargé de prendre en charge des patients implantés de ces merveilleux appareils. Ces changements sont la conséquence d’évolutions de la technologie, des algorithmes et des applications de modes nouveaux.

    Au plan technologique proprement dit, le niveau atteint depuis une dizaine d’années par la stimulation cardiaque est tel que les avancées réelles ne sont pas nombreuses.   Le matériel implanté s’est miniaturisé Après une course effrénée vers la miniaturisation des appareils, parfois au détriment des performances de la batterie, les constructeurs ont surtout favorisé certes, un encombrement minimal des dispositifs, mais également une amélioration très sensible de leur longévité. La capacité actuelle des piles lithium/iode est suffisante pour assurer 8 à 10 ans de bons services, même chez des patients dépendants. Mais la conception même des piles n’est pas seule responsable de ces excellentes performances : tout ce qui favorise les économies d’énergie a été sollicité et notamment l’utilisation de circuits beaucoup moins consommateurs qu’auparavant et la diffusion d’algorithmes de programmation permettant d’éviter des énergies de stimulation trop élevées ou inutiles. Quant aux sondes, elles ont souvent perdu en diamètre et gagné en facilité d’implantation grâce à de nouveaux revêtements associant, pour certaines, du silicone aux polyuréthanes. Mais la finesse de ces nouvelles sondes ne va pas sans provoquer chez les utilisateurs quelques interrogations quant à leur stabilité dans le temps et par conséquent la fiabilité à long terme de ces produits.   L’autocapture pour réaliser des économies d’énergie Parmi les algorithmes permettant de réaliser des économies d’énergie, l’autocapture est maintenant bien connue des stimulistes et les constructeurs la proposent sur nombre de leurs modèles. Partant de l’observation que le seuil de stimulation ventriculaire varie dans le temps en fonction des conditions électrophysiologiques du moment, le concept d’autocapture est une mesure périodique de ce seuil afin de prendre en compte ces variations et de diminuer si possible la tension de stimulation lorsqu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des valeurs élevées pour garantir la sécurité de la stimulation. Les tout premiers algorithmes d’autocapture ont souvent pêché par une surestimation des seuils ; les tensions délivrées étaient alors beaucoup trop élevées, conséquences qui allaient à l’inverse du but recherché. Actuellement, les améliorations successives permettent d’affirmer que cet algorithme est fiable et l’impact positif sur la consommation indiscutable. Signalons que, récemment, des constructeurs ont appliqué ces logiciels d’autocapture réservés jusqu’alors aux seuils ventriculaires à la mesure et à la surveillance automatiques des seuils atriaux.   Éviter les stimulations inutiles Réduire la consommation d’énergie, améliorer la qualité de vie des patients, c’est aussi éviter les stimulations inutiles comme il est possible de le voir si souvent dans le cas d’une stimulation double-chambre lorsque les troubles de conduction A-V sont paroxystiques, avec ou sans allongement permanent de l’espace PR. Et puisque, par ailleurs, il est désormais démontré qu’une stimulation fréquente à l’apex du ventricule droit est susceptible d’accentuer, sinon de provoquer, une détérioration hémodynamique, on comprend pourquoi tout algorithme favorisant la conduction A-V de façon automatique suscite l’intérêt des stimulistes. Le mode AAI(R) a longtemps été le mode utilisé pour éviter les inconvénients décrits plus haut. C’est un mode qui tend à être de nouveau favorisé par les implanteurs qui craignent encore souvent qu’une insuffisance chronotrope par bradycardie sinusale ne se complique à plus ou moins long terme d’un bloc atrio-ventriculaire. Un constructeur avait proposé voici quelques années un hystérésis du délai A-V. Cet algorithme existe toujours mais d’autres constructeurs ont équipé leurs appareils de fonctions beaucoup plus élaborées qui favorisent le mode AAI(R) tout en permettant automatiquement de commuter en mode double-chambre lorsqu’une stimulation ventriculaire est nécessaire. Le principe de ces nouveaux algorithmes est le suivant : un stimulateur double-chambre est implanté. Lorsque l’on programme la fonction « AAISafeR » pour les appareils ELA-SORIN Group ou « MVP » pour les dispositifs Medtronic, le stimulateur stimule d’abord sur un mode atrioventriculaire DDD puis « recherche » une conduction spontanée A-V en cessant sa stimulation ventriculaire après une, deux ou trois ondes P selon la programmation. Si une conduction A-V est détectée, celle-ci est respectée et le stimulateur fonctionne en mode AAIR, sinon, il adopte de nouveau un mode DDD(R). Cette opération est répétée régulièrement dans le nycthémère.   Développement de la resynchronisation atrio-biventriculaire Parmi les avancées qui ont le plus modifié notre pratique de la stimulation cardiaque ces dernières années figure bien évidemment le développement de la resynchronisation atrio-biventriculaire. Nous ne reviendrons pas sur les détails maintenant bien connus de l’implantation à la fois d’une sonde ventriculaire droite et d’une sonde introduite via le sinus coronaire puis la grande veine cardiaque dans une veine latérale épicardique du ventricule gauche. Une sonde atriale droite est mise en place afin de parfaire la resynchronisation atrio-biventriculaire. On sait que ce mode de stimulation, issu des remarquables travaux S. Cazeau et de l’étude princeps pilotée par J.-C. Daubert, transforme la qualité de vie et la survie de bien des insuffisants cardiaques. Malgré de nombreux travaux consacrés encore au sujet, bien des interrogations demeurent.   Des modifications bien précises Actuellement, la resynchronisation cardiaque n’est validée que dans le cas d’un patient en insuffisance cardiaque congestive aux stades III-IV de la NYHA malgré un traitement médicamenteux optimal, en rythme sinusal, avec une dilatation ventriculaire gauche et une FEVG ≤ 35 % et des QRS élargis au-delà de 120 ms. Les études n’ont démontré l’efficacité de la resynchronisation que dans ces conditions où les patients sont améliorés non seulement fonctionnellement mais également au plan de la survie (CARE-HF). On observe alors un remodelage ventriculaire gauche inverse durable, quelle que soit l’étiologie de l’insuffisance cardiaque, ischémique ou non.   Qu’en est-il des autres patients, ceux qui ne remplissent pas tous les critères d’indication validés ? La réponse est complexe car, si les études (publiées ou en cours) sont nombreuses, les résultats ne permettent pas d’aboutir aux mêmes conclusions sur les conditions fonctionnelles ou la survie, vraisemblablement en raison des effectifs et de biais de recrutement. Il est ainsi très probable que certains patients insuffisants cardiaques avec QRS « fins » répondent néanmoins à la resynchronisation dans la mesure où les critères échocardiographiques sont un facteur discriminant de premier ordre. Cela n’a pas encore été démontré mais la recherche d’une désynchronisation interventriculaire et surtout intraventriculaire gauche est devenue un critère de sélection des patients a priori répondeurs pour la plupart des équipes. La surveillance, et donc le réglage des dispositifs grâce aux données échographiques enregistrées par des opérateurs formés et expérimentés dans ce domaine, se sont imposés comme étant de bonne pratique clinique.   Adjonction systématique ou non d’une fonction antitachycardique Une autre question fondamentale est de savoir si l’on doit favoriser l’association systématique d’une fonction antitachycardique au mode de resynchronisation. Hormis, bien sûr, les indications de défibrillateurs chez des patients qui relèvent par ailleurs d’une resynchronisation selon les critères validés, le bénéfice de l’adjonction systématique d’une fonction antitachycardique sur la survie des patients n’est pas démontré. On peut, certes, postuler que les bénéfices reconnus du défibrillateur dans certaines indications prophylactiques s’additionnent à ceux de la resynchronisation, mais aucune étude n’a démontré ce qui demeure encore une hypothèse. Malgré l’apparition de la stimulation de resynchronisation, le nombre de dispositifs implantés chaque année reste à peu près stable en France, autour de 50 000, remplacements compris. La part relative de chaque mode de stimulation reflète bien l’évolution des pratiques de la stimulation cardiaque. Les données des registres permettent de confirmer la diminution constante du mode simple chambre au profit du double chambre dans un rapport actuel de un à trois. Quant aux systèmes de resynchronisation, leur nombre progresse de façon constante pour atteindre environ 6 à 7 % de l’ensemble des implantations des stimulateurs. Signalons que le mode VDD tend à devenir « confidentiel ». S’il est de plus en plus fréquent d’associer aujourd’hui stimulation et défibrillation automatique, la répartition des modes de stimulation associés à une fonction antitachycardique diffère assez nettement de celles qui viennent d’être évoquées lorsqu’il s’agit des stimulateurs uniquement. On observe ainsi une chute du nombre d’implantations des défibrillateurs double-chambre (20 % environ des implantations de défibrillateurs), au profit des défibrillateurs avec fonctions de resynchronisation qui représentent actuellement environ 40 % des implantations, à égalité avec les défibrillateurs simple chambre qui bénéficient, quant à eux, des indications croissantes d’implantations prophylactiques.   Télésuivi des patients implantés Dans un autre domaine de la stimulation cardiaque, Biotronik sortait, il y a quelques années, une nouvelle gamme de dispositifs permettant un télésuivi des appareils à distance. Ce concept alors nouveau était appelé à répondre à un réel besoin et l’ère de la surveillance à distance des dispositifs implantés avait débuté.   Un concept d’actualité Ce concept, expérimenté par ailleurs dans d’autres domaines de la cardiologie comme la surveillance de l’insuffisant cardiaque, s’inscrit dans une attitude plus générale de surveillance à distance de certains patients afin d’assurer : - une plus grande sécurité pour les patients, - une optimisation des traitements et des programmations tout en gardant comme objectif de réduire le nombre des consultations de suivi, objectif permettant de diminuer la charge en travail des médecins, et surtout de favoriser des économies de santé.   Un suivi simple Le principe repose sur la possibilité de transmettre des paramètres de stimulateurs ou de défibrillateurs, des événements (traitements), des dysfonctionnements, via Internet vers un centre « régulateur » qui va renvoyer les informations ainsi recueillies sur un terminal situé dans le centre de suivi du patient. Ce suivi peut se faire automatiquement et à heure fixe à condition que le patient soit devant l’émetteur-récepteur mis à sa disposition à cette heure-là (émetteur-récepteur le plus souvent placé sur la table de nuit), ou après que le patient ait lui-même déclenché l’émission des informations vers le centre.   Un suivi bientôt généralisé ? Le cardiologue peut ainsi prendre régulièrement connaissance de l’état de fonctionnement des différents dispositifs implantés, être averti des traitements électriques, des programmations inadaptées ou des problèmes de matériovigilance. Ce concept est d’actualité. Des patients de plus en plus nombreux sont équipés de dispositifs permettant ce télésuivi et, dans un futur très proche, il est probable que l’ensemble des constructeurs proposeront ce service.   Des questions en suspens Si les avantages du télésuivi sont évidents (surveillance facilitée, espacement des déplacements pour consultations, économies de transports, matériovigilance), plusieurs questions demeurent. Il s’agit d’un télésuivi et non d’une télésurveillance qui imposerait la présence continue d’un observateur devant une centrale ; on ne fait que consulter par télésuivi, sans possibilité de modifier des paramètres pour d’évidentes raisons de sécurité et même si, techniquement, reprogrammer à distance serait parfaitement possible. Quelle est la responsabilité respective des différents acteurs dans la chaîne du suivi (fournisseur de réseau, centre vers qui convergent les informations avant renvoi, médecin impliqué dans le suivi) ? Quelle sera enfin la rémunération de l’acte médical, problème qui n’est sûrement pas prêt d’être résolu malgré une étude de coût/efficacité en cours (EVATEL) ?   Création d’une base de données nationale Jusqu’à une date récente, le Collège français de stimulation cardiaque colligeait dans un registre national les implantations qui lui étaient communiquées par les centres qui le désiraient. Depuis mars 2007, ce registre est remplacé par une base de données, STIDEFIX, hébergée par la SFC dont le but est d’être, pour tous les centres implanteurs, un outil pratique de gestion des dossiers (archivage, compte rendu opératoire, suivis, etc.) et de constituer une base de données pour des études cliniques nationales multicentriques. La participation à ce registre n’est pas encore obligatoire, sauf pour les implantations des défibrillateurs automatiques et des systèmes de resynchronisation. Il le deviendra vraisemblablement à moyen terme pour tous les types de dispositifs et deviendra aussi un moyen d’EPP dans le cadre de la FMC.   La réglementation évolue Devant certaines dérives en partie liées à l’insuffisance de formation des cardiologues en matière de stimulation cardiaque, les sociétés savantes et en particulier le groupe rythmologie/stimulation de la Société française de cardiologie ont édicté des règles de bonnes pratiques concernant la surveillance des patients implantés d’un stimulateur cardiaque. Sans aller encore jusqu’à faire du DIU de rythmologie/stimulation, un prérequis à cet exercice, elles souhaitent que cet enseignement soit le plus souvent suivi par les cardiologues chargés de la surveillance des dispositifs. De toutes façons, il est maintenant acquis que la surveillance d’un patient implanté est un acte médical ne devant être assuré que par un cardiologue et non un technicien, quelle que soit sa formation. Le temps du suivi assuré au cabinet par le simple test à l’aimant est révolu. Si ce test conserve encore toute sa valeur pour juger en particulier de l’état d’usure de la pile, il est de très loin insuffisant pour assurer au patient la sécurité et l’adaptation de la programmation à ses conditions fonctionnelles et cliniques. L’emploi d’un programmateur est indispensable pour vérifier l’état des paramètres, des circuits et des sondes. On sait que des logiciels de plus en plus complexes permettent d’adapter automatiquement les paramètres de stimulation : il n’en demeure pas moins que ces logiciels obligent à une adaptation préalable et un suivi très spécialisé. Le réglage d’un stimulateur est affaire de spécialiste, formé par un difficile apprentissage et une longue pratique. Faute de cette formation, la surveillance est d’abord la recherche de signes cliniques (malaises, syncopes, contractions musculaires, dyspnée, etc.) ou sur l’ECG d’un dysfonctionnement. Enfin, si le suivi des stimulateurs simple et double chambre exige pour être fiable, une formation et un appareillage des plus spécialisés, que dire alors de la difficulté et de la spécificité du suivi des systèmes de resynchronisation ? Le stimuliste doit alors se doubler de compétences bien précises en échocardiographie.   En conclusion La stimulation devient un domaine très spécialisé où le cardiologue clinicien peut parfois se sentir égaré mais l’approche du malade reste clinique, et ni l’électronique ni l’informatique ne pourront être le mode exclusif de surveillance des patients.

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