Valvulopathies
Publié le 06 oct 2009Lecture 5 min
Rétrécissement aortique calcifié - Facteurs de risque de la chirurgie de remplacement valvulaire aortique
N. AL-ATTAR, Service de chirurgie cardiaque, Hôpital Bichat, Paris
La calcification dégénérative de la valve aortique ou maladie de Monckeberg, liée à l’âge, est actuellement la cause la plus fréquente du rétrécissement aortique calcifié (RAC) chez l’adulte (figure 1) ; elle constitue aussi la principale indication du remplacement valvulaire aortique (RVA) en France. Elle concerne fréquemment des personnes âgées avec de nombreuses comorbidités et son incidence est de plus en plus importante étant donné le vieillissement de la population. L’histoire naturelle du RAC, en l’absence du traitement chirurgical, se fait habituellement vers l’apparition des symptômes progressivement invalidants, surtout la syncope et l’angor. Lorsque les premiers symptômes de la sténose aortique apparaissent, la survie moyenne est alors inférieure à 2 à 3 ans. L’indication chirurgicale s’impose quand le patient devient symptomatique, ou lorsque la sténose devient sévère définie par une surface valvulaire ≤ 0,6 cm2/m2 et/ou un gradient aortique moyen ≥ 50 mmHg.
Figure 1. Calcification dégénérative de la valve aortique (maladie de Monckeberg), la cause la plus fréquente du rétrécissement aortique calcifié.
Le remplacement valvulaire aortique chirurgical (RVA) est le traitement de référence (figure 2). C’est une technique bien codifiée et pratiquée de façon routinière dans les services de chirurgie cardiaque. Le RVA est réalisé sous circulation extracorporelle et clampage aortique. Cette intervention, lorsqu’elle est pratiquée de façon isolée, a une mortalité hospitalière (< 30 jours) de 3,8 ± 1,5%. En plus d’une morbi-mortalité opératoire acceptable, la survie à long terme de cette intervention est excellente avec une survie à 15 ans aux alentours de 80 %.
Une étude prospective portant sur 5 001 patients dans 92 centres européens, L’Euro Heart Survey, a cependant montré que la chirurgie n’a pas été réalisée pour 31,8 % des patients âgés de plus de 75 ans porteurs d’un RAC serré symptomatique. Ce chiffre était de 62 % dans une étude comparable aux États-Unis.
Figure 2. Technique de remplacement valvulaire aortique, une bioprothèse remplace la valve native.
Influence de l’âge
L’âge avancé est un important facteur prédictif du risque opératoire, mais n’est pas, en soi, une contre-indication au RVA. L’analyse des déterminants de la mortalité a montré que l’âge n’est pas linéairement lié aux taux de mortalité post-RVA. Néanmoins, les patients âgés ont une mortalité opératoire plus élevée et un risque accru des complications postopératoires
Il est, bien sûr, éthique de considérer l’opportunité d’une intervention aux âges extrêmes de la vie et d’évaluer à la fois la volonté, l’autonomie et les comorbidités avant toute discussion d’une thérapeutique interventionnelle.
Influence des comorbidités
Les comorbidités sévères sont fréquemment la raison d’une contre-indication à la chirurgie. La gravité des symptômes (NYHA classe ≥ III), la fraction d’éjection ventriculaire gauche très altérée, les troubles neurologiques, les antécédents de chirurgie cardiaque, de maladie pulmonaire chronique, une maladie polyvasculaire, l’insuffisance rénale et la maladie coronarienne sont des facteurs connus pour augmenter significativement le risque opératoire. La chirurgie en urgence peut augmenter par un facteur de 10 le risque opératoire, l’insuffisance rénale, par 5, la classe NYHA (III-IV vs I-II) par 3 et les troubles neurologiques par 4. Étant donné que la prévalence de RAC augmente avec l’âge et que la longévité au sein de la population en général est en augmentation, il est également prévu que la proportion de patients présentant des contre-indications à la chirurgie à cause de comorbidités multiples augmente. Néanmoins, même en présence de multiples facteurs de risque, la survie est supérieure après RVA. Ainsi, chez les patients âgés (≥ 80 ans) souffrant de RAC et avec FE basse (≤ 30 %) et/ou d’insuffisance rénale chronique, la survie est significativement plus importante dans le groupe opéré que le groupe traité médicalement.
Influence de la réserve contractile
Le retard de la prise en charge de certains patients porteurs d’un RAC serré est parfois étroitement lié aux mauvais résultats postopératoires après RVA et peut être une contre-indication chirurgicale. Le sous-groupe des patients porteurs d’un RAC à faible gradient et FE altérée, est connu pour être associé aux plus mauvais résultats chirurgicaux. Il s’agit de 5-10 % de cette population de RAC serré pour laquelle le gradient moyen est < 30 ou 40 mmHg, la surface valvulaire < 1 cm2 et la FE < 35 ou 40 %. La dysfonction myocardique associée ou secondaire au RAC contribue au mauvais pronostic chirurgical. Quand le gradient transvalvulaire est faible, la réduction de la postcharge après RVA sera faible et l’amélioration de la FE postopératoire ne sera pas importante. Le RVA pour ce groupe de patients a un mauvais pronostic, avec une mortalité plus élevée (21 % à 50 % à 4 ans). La recherche d’une réserve contractile est importante dans le bilan pré-opératoire pour ce groupe de patients.
Influence de la maladie coronarienne
La maladie coronarienne a des effets négatifs sur le pronostic chez les patients atteints de RAC en raison de la présence concomitante de la pathologie cardiaque et de l’altération ischémique de la fonction VG.
Les patients nécessitant des pontages coronariens concomitants présentent davantage de comorbidités (maladies cérébrovasculaires, maladie vasculaire périphérique, athérosclérose aortique étendue, diabète et insuffisance rénale). Tous ces facteurs sont connus pour augmenter la morbidité opératoire. Une analyse multivariée portant sur près de 6 000 patients opérés d’un RVA a montré que les 5 plus importants prédicteurs de mortalité sont l’âge ≥ 80 ans, la classe NYHA ≥ III, la FE ≤ 30 % les antécédents d’IDM, et l’association d’un pontage coronaire. Chez les patients en phase aiguë d’infarctus du myocarde (< 24 heures) ou qui ont été hémodynamiquement instables, la survie ajustée à 30 mois après RVA était de 59,6 %, comparée à 83,6 % pour les patients n’ayant pas ces facteurs de risque. En général, le taux de mortalité du RVA est doublé en cas de pontage coronarien concomitant.
Influence des facteurs techniques
En plus des comorbidités, certaines particularités anatomiques peuvent être sources de difficultés techniques et de mauvais résultats chirurgicaux. Il s’agit surtout des cas de patients redux aux antécédents de pontages coronaires perméables ou de radiothérapie médiastinale ou porteurs de calcifications très importantes de l’aorte ascendante (aorte porcelaine) ou d’athérome extensif (figure 3).
Figure 3. Une calcification athéromateuses très importante de l’aorte ascendante (aorte porcelaine) non abordable pour la chirurgie et empêchant les canulations pour la circulation extracorporelle et le clampage aortique. Une prothèse aortique a été implantée par voie percutanée.
Intérêt des scores de risque
Bien que plusieurs scores soient décrits et utilisés pour évaluer le risque opératoire (notamment l’Euroscore et le score STS), ces dispositifs de calcul et de prédiction de la mortalité opératoire manquent de spécificité. Ils ne prennent pas en compte certains facteurs de risque importants comme les maladies hépatiques (cirrhose), l’état nutritionnel, les sources de difficultés opératoires (calcifications aortiques, pontages coronaires perméables). Il s’agit cependant d’un outil utile, en plus du jugement clinique fondé sur l’expérience, dans l’appréciation du risque opératoire.
Les alternatives
Dans les cas d’un risque opératoire jugé trop important par l’équipe médico-chirurgicale, des alternatives thérapeutiques se sont développées. Les techniques d’implantation des bioprothèses aortiques par voie percutanée (Transcatheter Aortic Valve Implantation-TAVI) sont actuellement évaluées pour les patients contre-indiqués ou à haut risque pour un RVA chiffré par un Euroscore ≥ 20 % ou STS score ≥ 10 % et ayant une espérance de vie suffisante. Ces nouvelles techniques percutanées permettent d’augmenter le nombre des patients pouvant bénéficier de l’implantation d’une prothèse valvulaire, seul traitement curatif de la sténose aortique.
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