Valvulopathies
Publié le 22 juin 2010Lecture 4 min
Sténose pulmonaire valvulaire chez une patiente âgée
M. STRACHINARU, D. I. COSTESCU, CHG de Charleville-Mézières Cardiologie
Nous rapportons le diagnostic d’une sténose de l’artère pulmonaire probablement congénitale chez une patiente âgée de 74 ans, hospitalisée en cardiologie pour décompensation cardiaque globale en contexte d’une arythmie paroxystique. Elle est découverte sur l’angioscanner pulmonaire effectué pour suspicion d’embolie pulmonaire d’une sténose valvulaire de l’artère pulmonaire, et confirmée ultérieurement en échocardiographie, qui retrouve par ailleurs un foramen ovale perméable avec shunt droite-gauche. Mais reste sans solution malheureusement car la patiente refuse toute exploration ou prise en charge thérapeutique interventionnelle ou chirurgicale.
Observation
Mme S.E., âgée de 74 ans, qui se rappelle vaguement de la notion d’une découverte d’une cardiopathie congénitale à l’âge de 3 ans, se présente aux urgences pour une dyspnée croissante et œdèmes des membres inférieurs installés depuis une semaine.
Examen clinique
Dyspnée au moindre effort, cyanose centrale modérée, avec auscultation pulmonaire normale et saturations O2 en air ambiant environ 80 %. Apyrétique, consciente, coopérante. TA = 120/70mmHg, FC = 100/min, souffle systolique grade 4/6 parasternal gauche. Œdèmes des membres inférieurs, sans signe de phlébite. Reste de l’examen sans particularité.
Biologique
Hémoconcentration avec un hématocrite à 52 %, CRP normale, TSH =1,04 mUI/ml, BNP modérément élevé à 443 pg/ml, troponine négative, ionogramme normale, créatininémie normale, D dimères positifs à 1,2 mg/ml, gazométrie avec effet de shunt montrant une hypoxémie sévère avec normocapnie, pH = 7,37.
ECG : Flutter atrial atypique 3 :1, avec un bloc de branche droite incomplet et une fréquence cardiaque fixe sur le scope à 100/min.
Radiographie pulmonaire : sans foyer pulmonaire, sans stase, dilatation de l’arc inférieur droit avec image de double contour, dilatation de l’arc moyen gauche dans 2/3 supérieures.
Ce tableau clinique, biologique et radiologique a été interprété aux urgences comme une possible embolie pulmonaire, avec réalisation par la suite d’un angioscanner pulmonaire, qui infirme ce diagnostic mais décrit une dilatation anévrismale de l’artère pulmonaire. La patiente est hospitalisée en cardiologie pour traitement et investigations.
Dans le service, la patiente a reçu un traitement anticoagulant, antiarythmique et diurétique. Malgré une diminution de la fréquence cardiaque, toujours en flutter auriculaire, les saturations en O2 restent toujours basses, sous masque à haute concentration, 15l/min, avec une tolérance clinique paradoxalement excellente.
En reprenant les images de l’angioscan, on constate la présence d’une dilatation importante et hypertrophie des cavités droites en détriment du ventricule gauche, avec un retour veineux normal au niveau de l’oreillette gauche, sans canal artériel visible. On retrouve une sténose pulmonaire valvulaire avec dilatation poststénotique du tronc de l’artère pulmonaire et de l’artère pulmonaire gauche (figure 1). Des reconstructions 3D permettent d’isoler mieux cette anomalie (figure 2).
L’échocardiographie est difficile car la patiente est hypoéchogéne et la dilatation de l’artère pulmonaire modifie l’anatomie locale rendant l’alignement doppler presque impossible (flux perpendiculaire en toutes les incidences). On retrouve une dilatation importante des cavités droites, avec septum paradoxal et cavités gauches de fonction normale. Dilatation anévrismale du tronc de l’artère pulmonaire de 60mm. On peut trouver avec difficulté un flux de rétrécissement valvulaire pulmonaire avec un gradient maximal probablement sous-estimé à 60 mmHg (figure 3), un flux d’insuffisance tricuspidienne avec un gradient maximal de 71 mmHg (figure 4). On note la présence d’un flux doppler important par un foramen ovale perméable dirigé de droite à gauche (figure 5), confirmé a l’épreuve de contraste. La pression artérielle pulmonaire calculée dans ces conditions est de 30 mmHg.
Figure 1. Reconstruction en plan sagittal qui montre la sténose pulmonaire avec dilatation poststénotique.
Figure 2. Reconstruction 3D de la sténose pulmonaire, avec dilatation anévrismale post sténotique.
Figure 3. Flux de sténose valvulaire pulmonaire en doppler continu.
Figure 4. Gradient Doppler tricuspidien.
Figure 5. Flux Doppler couleur par le foramen ovale perméable.
Diagnostic
Sténose valvulaire pulmonaire congénitale serrée. Foramen ovale perméable avec shunt important droite-gauche. Flutter auriculaire atypique avec fréquence ventriculaire contrôlée par antiarythmique. Evolution favorable sous traitement médicamenteux. Refus d’une prise en charge interventionnelle.
Malgré les explications, la patiente insiste à refuser plus d’explorations et tout traitement interventionnel.
Recommandations à la sortie : suivi rapproché en cardiologie, prévention de l’endocardite infectieuse, traitement médical, sans oxygénothérapie car excellente tolérance de cette desaturation chronique due à un shunt anatomique, avec adaptation métabolique et hématologique.
Discussion
La sténose de l’artère pulmonaire est une pathologie congénitale relativement fréquente puisqu’elle est estimée à 1 sur 1 500 naissances. Le diagnostic est d’habitude postnatal. Il est quand même extrêmement rare qu’une telle cardiopathie survive sans complication importante jusqu’à des ages avancés.
En l’absence de communication inter-ventriculaire, une atrio-septostomie de Rashkind (septostomie atriale) est effectuée pour limiter l’insuffisance cardiaque droite et assurer le retour veineux chez les enfants.
Le traitement est chirurgical et consiste :
• à ouvrir la voie pulmonaire par dilatation au ballonet ou par abord chirurgical direct.
• à installer un shunt de type Blalock avec la mise en place d’une prothèse systémico-pulmonaire entre une artere sousclavière et une artère pulmonaire.
Notre patiente a probablement pu survivre à sa valvulopathie par une adaptation métabolique (hémoconcentration et extraction périphérique de l’oxygène augmentée), ainsi que le shunt droite-gauche naturel par un foramen ovale perméable. Malheureusement, la patiente a refusé toute idée interventionnelle, donc il faut se contenter d’un traitement médical et surveillance. Il existe peu des données sur le traitement, survie et pronostique des valvulopathies pulmonaires congénitales importantes aux âges très avancés (quelques cas isolés rapportés par des équipes cardiochirurgicales asiatiques, qui montrent des bénéfices de la valvuloplastie au ballon et de la chirurgie). Le dépistage et le traitement précoce restent les meilleures modalités de prévention efficace.
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