Publié le 17 fév 2009Lecture 8 min
Sténoses des artères rénales : données récentes
M. AZIZI, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris,
Les Journées d'HTA
HTA rénovasculaire
Une sténose des artères rénales (SAR) peut être responsable d’une HTA si elle réduit le diamètre luminal d’au moins 50 % (SAR bilatérale) ou 60 % (SAR unilatérale). Toutes les SAR dépassant ces seuils n’entraînent pas nécessairement une HTA, et à plus forte raison une HTA curable, et l’on réserve le terme d’HTA rénovasculaire à l’HTA avec SAR qui se montre réversible par la revascularisation. Sur 100 SAR, 60 à 70 sont athéroscléreuses, 20 à 30 sont liées à la dysplasie fibromusculaire, les autres causes étant beaucoup plus rares (artérites radiques et de Takayasu, dissections, neurofibromatose de type 1 [NF1]).
Les SAR athéroscléreuses sont habituellement proximales, associées à des plaques aortiques ou à des sténoses sur d’autres sites artériels, et bien entendu aux facteurs de risque de l’athérosclérose. Les sténoses par dysplasie fibromusculaire sont généralement du type médial, réalisant des sténoses tronculaires multiples avec un aspect en perles enfilées ; elles atteignent des femmes jeunes non athéroscléreuses (figure 1).
Figure 1 : Sténoses des artères rénales athéroscléreuses (à gauche) et dysplasiques (à droite).
Prévalence
La prévalence des SAR est < 5 % chez l’ensemble des hypertendus mais celle des SAR athéroscléreuses est plus élevée, voire très élevée, dans certaines situations cliniques (tableau).
Dépistage et exploration
Le dépistage porte sur les patients ayant un risque élevé de SAR et chez qui l’on peut attendre un bénéfice thérapeutique de l’angioplastie (figure 2). À moins qu’une artériographie soit indiquée par ailleurs (coronarographie, artériographie des membres inférieurs), ce dépistage utilise une imagerie non invasive : angioscanner si la fonction rénale est normale ou écho-Doppler quelle que soit la fonction rénale.
Figure 2. Diagramme de décision dans l’HTA avec SAR.
L’angio-IRM avec injection de gadolinium qui pouvait être utilisée chez le patient insuffisant rénal ne doit plus être utilisée dans cette indication en raison du risque iatrogène d’induction d’une sclérose systémique néphrogénique grave après injection de gadolinium.
Enfin, on réserve l’artériographie à la décision préopératoire ou aux procédures de dilatation.
Objectifs thérapeutiques
Les SAR dysplasiques peuvent entraîner une HTA sévère mais rarement une insuffisance rénale. Le seul objectif est le contrôle de la PA et la majorité des HTA avec SAR dysplasique est guérie par la dilatation. Dans les SAR athéroscléreuses en revanche, l’évolution de la SAR et des autres localisations de l’athérosclérose expose à des complications rénales et cardiovasculaires sévères. L'insuffisance rénale est généralement la complication d'une SAR bilatérale ou sur rein unique, ou encore de sténoses associées à une maladie parenchymateuse d’aval. Celle-ci est la conséquence de l’âge, de la néphroangiosclérose induite par l’HTA et éventuellement d’un diabète ou d’embolies de cholestérol. Outre le risque d’insuffisance rénale, les patients ayant une SAR athéroscléreuse ont un risque cardiovasculaire très élevé.
L’objectif thérapeutique en cas de SAR athéroscléreuse est donc la prévention d’une mort prématurée, d’un événement cardiovasculaire majeur et de l’insuffisance rénale, le contrôle de la PA n’étant qu’un objectif intermédiaire.
Moyens thérapeutiques
Ce sont la revascularisation, les médicaments antihypertenseurs, hypolipidémiants et antiagrégants.
Les méthodes de revascularisation sont la dilatation avec ou sans endoprothèse (« stent ») et la chirurgie reconstructrice. La dilatation est préférée à la chirurgie car un essai randomisé portant sur des patients ayant une SAR ostiale athéroscléreuse a montré que la dilatation était plus simple et aussi efficace que la chirurgie. La chirurgie est réservée aux patients chez qui la dilatation est un échec ou qui combinent une SAR et une pathologie aorto-iliaque justifiant une reconstruction chirurgicale.
Comparativement au traitement médicamenteux seul, la dilatation réduit la PA et permet de diminuer l’intensité du traitement.
La guérison, c’est-à-dire la normotension sans traitement, est fréquente dans les sténoses dysplasiques mais reste l’exception dans les sténoses athéroscléreuses.
Cela s’explique par la grande fréquence, dans ce dernier cas, d’une atteinte des petits vaisseaux intrarénaux ou d’une atteinte glomérulaire chronique liée à l’ancienneté de l’HTA ou à l’association d’un diabète. D’ailleurs, les patients ayant une sténose athéroscléreuse ont souvent une atteinte vasculaire extrarénale, notamment coronaire, laquelle justifie un traitement médicamenteux propre.
Pour ces raisons, on envisage de dilater les sténoses athéroscléreuses dans les cas d’échec du traitement médicamenteux ou d’HTA compliquée d’œdème aigu du poumon, ou si la fonction rénale se détériore spontanément ou du fait d’un traitement IEC.
Indications thérapeutiques
La discussion de l’utilité d’une revascularisation fait intervenir le motif du dépistage, l’âge, le degré de sténose et son caractère uni- ou bilatéral, la taille du rein et l’index de résistance intrarénale, ces deux derniers paramètres étant déterminés par échographie. Un âge avancé, un rein < 8 cm ou un index de résistance > 80 % mesuré dans le rein controlatéral prédisent un mauvais résultat de la revascularisation. La scintigraphie avec captopril ou la mesure de la rénine dans les veines rénales ont une valeur prédictive médiocre et sont de moins en moins utilisées.
• Les SAR dysplasiques touchent généralement des femmes jeunes et la dilatation leur assure d’excellents résultats. Au contraire, un âge avancé est associé à des SAR athéroscléreuses. Les échecs tensionnels sont fréquents et la fréquente diffusion de l'athérosclérose augmente le risque de complication de la dilatation. Les sujets âgés qui ont une SAR avec une fonction rénale et une PA proches de la normale ne doivent pas être exposés à ces complications à moins qu'ils aient une insuffisance cardiaque. Trois essais randomisés ont montré que l’HTA peut être contrôlée par les médicaments dans la majorité des cas de SAR athéroscléreuse avec HTA et fonction rénale proche de la normale.
• En cas de SAR athéroscléreuse, la revascularisation n'est clairement justifiée que chez les patients dont l'HTA résiste au traitement ou qui ont besoin d'un IEC du fait d'un antécédent d'insuffisance cardiaque, d'infarctus du myocarde ou d’AVC. Quant aux patients ayant une SAR et une insuffisance rénale modérée, leur risque de mourir d'infarctus du myocarde ou d'AVC est supérieur à celui d’évoluer vers l’insuffisance rénale terminale.
• La valeur de la revascularisation pour la protection néphrotique est mal connue. Trois essais récents ont tenté de répondre à la question. ASTRAL (Angioplasty and Stenting for Renal Artery Lesions trial) est un essai contrôlé randomisé, comparant l'efficacité de l'angioplastie avec ou sans endoprothèse (n = 403) au traitement médical seul (n = 403) chez des patients ayant une sténose athéromateuse d’une ou plusieurs artères rénales, âgés de 70 ans (extrêmes 42-88 ans), dont 63 % d'hommes, ayant une insuffisance rénale (créatinine plasmatique 179 µmol/l, extrêmes 64-750 µmol/l), un DFG estimé de 40 ml/min (extrêmes 5-124 ml/min) et une HTA à prédominance systolique (151/76 mmHg en moyenne. Le critère principal d'évaluation était une réduction de 20 % de la vitesse de déclin de la fonction rénale.
• Les critères secondaires étaient le contrôle de la PA et la survenue d'une insuffisance rénale aiguë ou dialyse ou tout événement cardiovasculaire ainsi que la mortalité toute cause. 30 % des patients étaient diabétiques et 49 % avaient un antécédent coronarien, 19 % un antécédent cérébrovasculaire et 40 % une artérite des membres inférieurs.
• Après un an de suivi, la revascularisation artérielle rénale n’a pas eu d’effet bénéfique sur la fonction rénale : la créatinine plasmatique a augmenté de 0,2 mg/dl dans les deux groupes et l'incidence des événements rénaux incluant les épisodes d'insuffisance rénale aiguë dans les deux groupes a été similaire. Chez les patients à plus haut risque, c'est-à-dire qui avait la créatininémie la plus élevée à l’inclusion ou une détérioration rapide de la fonction rénale dans l’année précédant l’inclusion, l'angioplastie artérielle rénale avec ou sans stent n'a pas conféré de bénéfice rénal supplémentaire mais le nombre de patients dans ces sous-groupes était faible. La PA a baissé dans les deux groupes atteignant 146/74 mmHg. Il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes en termes de survenue des événements cardiaques, cérébrovasculaires, d'hospitalisation pour une insuffisance cardiaque, ou de décès à un an.
Ces résultats, couplés à ceux de l’essai STAR (STent placement in Atherosclerotic ostial RAS), ne plaident pas pour une revascularisation artérielle rénale par l'angioplastie avec ou sans endoprothèse dans un but de protection néphronique ou de réduction tensionnelle chez les patients âgés ayant une sténose athéromateuse d’une artère rénale avec une insuffisance rénale.
L’ensemble des résultats fait de plus en plus reculer l’indication d’une angioplastie pour sténose athéromateuse des artères rénales. Il reste quelques indications mais qui doivent être limitées compte tenu de la morbidité de ce geste. Ainsi, dans l'essai ASTRAL, 3 % des patients ont eu des complications sévères de la procédure incluant des endoprothèses mal positionnées, des perforations et dissections de l'artère rénale.
On propose ainsi une dilatation aux patients ayant une SAR athéroscléreuse et une insuffisance rénale rapidement progressive, ou à ceux dont la créatininémie s'est nettement élevée sous IEC. En revanche, on s’abstient de revasculariser un rein atrophique de < 8 cm.
Surveillance au long cours des SAR athéroscléreuses
Dans la quasi-totalité des cas de SAR athéroscléreuse, un traitement antihypertenseur, hypolipidémiant et/ou antiagrégant reste nécessaire à la prévention cardiovasculaire. Une surveillance rénale est également nécessaire. Chez les patients traités médicalement ou ayant été revascularisés, la PA et la créatininémie doivent être mesurées tous les 3 mois. La taille des reins et la perméabilité de l'artère rénale doivent être estimées chaque année, et probablement tous les 6 mois chez les patients traités médicalement qui ont une SAR > 60 % ou une SAR bilatérale. La surveillance échographique est habituellement suffisante, l'angiographie étant requise en cas d’ascension de la PA ou de la créatinine ou d’atrophie rénale progressive. Dans ces cas, on discute de nouveau l’indication d’une revascularisation dans un but de protection rénale.
En pratique
Les patients atteints de SAR ont un risque cardiovasculaire majeur (14 %/an).
Les inhibiteurs du SRA (et les statines) sont un élément nécessaire à la prévention chez ces patients.
Quand la PA est contrôlée et le DFG stable sous inhibiteur du SRA, il n’y a pas de bénéfice prouvé de l’angioplastie.
Un bénéfice est possible, mais non prouvé, en cas d’HTA non contrôlable, de réduction du DFG sous inhibiteur du SRA, et d’OAP répétés.
D’après P.-F. Plouin, HEGP, Paris
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