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Risque

Publié le 03 fév 2009Lecture 11 min

Rythmologie - Stratifier le risque

B. BREMBILLA-PERROT, CHU de Brabois, Vandoeuvre-Les-Nancy

AHA

Il n'y a pas eu d'avancées spectaculaires dans ce domaine, mais des discussions devenues indispensables, sur la stratification des risques ou le traitement de la fibrillation auriculaire (FA). La génétique pourrait aussi ouvrir une porte vers cette stratification. Les principaux thèmes abordés ont été celui de la FA, des troubles du rythme ventriculaire et de la génétique.

Fibrillation auriculaire La FA continue à faire l'objet de nombreux travaux puisqu'il s'agit du trouble du rythme le plus fréquent ; 9 millions d'américains présenteront une FA en 2020. L’incidence de la FA est augmentée par la prise de bi-phosphonates chez les femmes ménopausées (Bhurija) et dans l'insuffisance rénale (étude japonaise réalisée par Watanabe chez 235 818 sujets). Les deux aspects du traitement ont été débattus. La prévention des accidents thromboemboliques basée sur les critères de CHADS2 Le risque d'accident est de 5 % par an et passe de 1,5 % entre 50 et 59 ans et à 23 % entre 80 et 89 ans. La mortalité est élevée (24 % à un an). Une protéinurie ou un abaissement de la filtration glomérulaire (étude ATRIA) ou des critères échocardiographiques d’augmentation des pressions de remplissage sont d'autres facteurs de risque de thrombose. Lorsque le score est de 0, l'aspirine est recommandée. Lorsqu’il est ≥ 1, le traitement par antivitamine K est indiqué et les INR doivent être entre 2 et 3,5, pour limiter les risques d’accidents ischémiques et hémorragiques. Les interférences médicamenteuses, alimentaires, médicales doivent être recherchées pour diminuer les risques d'accident et la PA systolique doit être < 140 mmHg. Le traitement pour maintenir un rythme sinusal (figure 1) Figure 1. Conduite à tenir devant une FA (fibrillation auriculaire paroxystique). (AA : antiarythmiques ; VP : veines pulmonaires) Les études comme AFFIRM montrant que restaurer un rythme sinusal ne réduit pas la mortalité comparativement au maintien en FA, sont confirmées dans l'insuffisance cardiaque où l'étude AF-CHF n'a pas montré de différence de survie chez le sujet en rythme sinusal ou en FA, Toutefois, ces études ne considèrent qu’une population relativement âgée (moyenne 70 ans). Le confort de vie de patients plus jeunes est souvent altéré par la FA. Une FA peut précéder une décompensation cardiaque gauche (Jhanjee). Teixeira a montré, chez 866 patients, une corrélation entre une surmortalité et la présence d'une dilatation de l'oreillette gauche (> 44 mm). Deux traitements pour le maintien en rythme sinusal sont disponibles : Le traitement de référence reste le traitement antiarythmique. Il est basé sur les recommandations européennes et américaines de 2006 : flécaïnide ou sotalol en l'absence de cardiopathie ; sotalol ou amiodarone en cas de cardiopathie hypertensive avec hypertrophie ventriculaire gauche ou de cardiopathie ischémique ; amiodarone (ou dofétilide) en cas d'insuffisance cardiaque. Le Heuzey a rapporté le registre international « Record AF global registry » qui étudie les données cliniques des patients chez lesquels le maintien du rythme sinusal est privilégié et de ceux dont la FA est respectée, ces groupes se différencient par l’âge et la présence d’une cardiopathie. Il y a cependant de très nombreux développement d'antiarythmiques qui agiraient plus sélectivement à l'étage auriculaire comme le vernakalant qui permet de régulariser les FA de moins de 45 jours dans 50 % des cas. La dronédarone pourrait être l'antiarythmique de choix pour le maintien en rythme sinusal, car l’étude ATHENA a montré que sa prise, étudiée chez 4 628 sujets de plus de 75 ans ou de plus de 70 ans avec un facteur de risque, est associée à une réduction de la mortalité cardiaque, par diminution des morts d'origine arythmique. En cas d'échappement, le traitement curatif par ablation de la FA peut être discuté. De nombreuses communications ont rapporté les progrès techniques pour isoler les veines pulmonaires, qui permettent de raccourcir la durée de la procédure par de nouvelles sources d'énergie, ultrasons, laser ou surtout cryoablation et des nouveaux cathéters, cathéters irrigués ou ballons. En cas d’échec, la voie épicardique est proposée, la perfusion d'éthanol dans la veine de Marshall peut même être envisagée pour supprimer l'innervation vagale ! De bons résultats de l’ablation curative sont maintenant rapportés dans la FA paroxystique. Les résultats de l'étude randomisée « Thermocool AF » ont été présentés par Wilber (USA). Elle compare les résultats du traitement curatif de la FA par l'isolation des veines pulmonaires (n = 103) à ceux d'un antiarythmique (classe I ou bêtabloquant ou inhibiteur calcique) (n = 56) chez des patients ayant présenté 3 FA paroxystiques dans les 6 mois précédents, dont la durée n'excédait pas 30 jours, qui n'avaient pas de cardiopathie et qui avaient échappé à un antiarythmique. Il apparaît un net avantage pour l'ablation avec un maintien en rythme sinusal à un an dans 64 % des cas contre 16 % dans le groupe antiarythmique. Les effets adverses sont moins fréquents dans ce groupe (6,8 % vs 17,9 %). L'amiodarone n'était cependant pas utilisée. Une étude similaire (APAF2 study) chez 198 patients a été rapportée par Santinelli (Italie) avec des résultats comparables en faveur de l’ablation versus un antiarythmique (maintien en rythme sinusal 87 % vs 37 %). L'étude PABA-CHF (Khan) a aussi montré une supériorité de l'isolation des veines pulmonaires (n = 41) par rapport à l'ablation du faisceau de His et la stimulation biventriculaire (n = 40) chez des sujets en insuffisance cardiaque avec FE < 40 %, tant sur le plan de la qualité de vie que de l’amélioration de la cardiomyopathie. Cependant, la technique d'ablation comporte encore des risques d'accidents dans environ 3,9 % des cas, avec des lésions du phrénique après utilisation d'un ballon de petite taille dans la veine pulmonaire supérieure droite et des complications classiques, tamponnade, sténose des veines pulmonaires, lésions œsophagiennes et accident embolique. Le développement de tachycardies atriales ou de flutters auriculaires gauches à conduction rapide survient dans 5 à 10 % des cas (Reents). Les lésions endothéliales liées à l'ablation sont thrombogènes. Ces complications amènent à continuer à limiter les indications du traitement curatif de la FA à des sujets symptomatiques de moins de 70 ans après un échec d’un antiarythmique, ayant surtout une FA paroxystique, pas de cardiopathie et un diamètre auriculaire gauche < 50 mm. Si, toutefois, la tolérance de la FA est vraiment médiocre, la segmentation de l'oreillette peut s'envisager par chirurgie si le patient doit avoir une chirurgie mitrale et s'il est en FA depuis plus de 6 mois avant le geste. L'étude MAMA trial (Walfriridsson, Suède) a montré de façon randomisée que, chez 31 patients traités avec ablation, 81 % resteront en rythme sinusal au bout d’un an et seulement 36 % de ceux ayant la seule chirurgie mitrale. Le domaine ventriculaire a fait l'objet de nombreuses communications La stratification du risque apparaît plus que jamais nécessaire (figure 2) Figure 2. Prévention primaire de la mort subite en cas de FEVG < 30-35 % par les bêtabloquants et le défibrillateur implantable associé à une resynchronisation si QRS > 120 ms, et sujet en stade II, III NYHA. Facteurs de risque : âge (> 70 ans), atteinte rénale, élargissement QRS (> 120 ms), bronchite chronique, FA, ischémie résiduelle, TVNS, alternance T positive, TV inductible. Dans la cardiopathie ischémique avec fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) abaissée ou dans l'insuffisance cardiaque où les recommandations récentes préconisent de mettre en place un défibrillateur à titre préventif, il apparaît que certains patients ne bénéficient pas de cette implantation où l'incidence des effets secondaires (endocardite d'Osler, chocs inappropriés) dépasse l'incidence des arythmies réellement traitées. Le seul critère de FEVG basse est insuffisant, peu spécifique, et manque de sensibilité car des morts subites sont possibles quand la FE est entre 35 et 45 %. Une sous-étude de MADIT II considère comme des facteurs de risque un âge > à 70 ans, l'insuffisance rénale, l'élargissement des QRS et la présence d'une FA. En l'absence de facteurs de risque, le défibrillateur ne sert à rien et, en présence de plus de 3 facteurs de risque, la mortalité non rythmique est très élevée. L'étude du suivi des patients de SCD-HeFT montre que la différence de mortalité au bout de 5 ans du groupe ayant reçu un défibrillateur avec celui qui n'en a pas reçu n'est plus que de 4,9 %. Il y a une surmortalité cardiaque malgré le défibrillateur en présence d'un des facteurs suivants : âge élevé, durée de QRS prolongée, absence de bêtabloquants, tabagisme actif, bronchite chronique, FE < 25 %, insuffisance rénale. Il est conseillé de stratifier les risques par un score présenté dans le PRAISE II trial et accessible sur le site Seattle Heart failure model.org. La stratification du risque doit se faire par des techniques non invasives de pronostic défavorable en cas d'alternance d’ondes T positives, d'élargissement et/ou la fragmentation des QRS, d'absence de normalisation de la variabilité sinusale par les techniques de turbulence, de certaines techniques d'imagerie isotopique et par IRM ; la stimulation ventriculaire programmée permet aussi une sélection des patients, les études MADIT I et MUSTT basées sur le déclenchement d’une tachycardie ventriculaire (TV) soutenue ayant une meilleure rentabilité en nombres de vies sauvées que les études basées uniquement sur la FEVG. Dans le syndrome de Brugada, il y a de nombreux travaux émanant du Japon et concernant la détection du type I, qui peut être améliorée en répétant l'ECG après un bain chaud, ou en utilisant un Holter multisite et en plaçant l'électrode au 3e espace intercostal (Shimena). Extramiana (France) montre que lorsque le type I est retrouvé sur 80 % d’un enregistrement Holter par analyse des variations du segment ST, le risque d’événements graves est identifié avec une sensibilité de 53 % et une spécificité de 89 %. L'épreuve d'effort peut permettre de mettre en évidence une élévation du point J en V1 ou J en V2. La présence d’une FA, l’augmentation de la taille de l’oreillette gauche et une syncope avec élévation du ST sont de mauvais pronostic. Dans la cardiomyopathie hypertrophique, la tachycardie ventriculaire (TV) ou la fibrillation ventriculaire sont souvent précédées par une tachycardie sinusale ou une FA (Link). La mort subite familiale est également un facteur de risque (J.M. Bos) et la syncope est à nouveau confirmée par Maron comme étant un facteur de risque majeur. Dans la dysplasie arythmogène du ventricule droit, les signes ECG sont toujours très importants avec de nombreux travaux sur la sensibilité et la spécificité des signes classiques, négativité des ondes T de V1 à V3, onde epsilon et onde T négative en D3. D’autres travaux plus sophistiqués, comme celui publié par Philippe Ricard sur la cartographie endocardique pour dépister des zones de microvoltages, peuvent aider au diagnostic. Dans le syndrome du QT long où parfois les valeurs de QT restent subnormales, les changements de position peuvent faire apparaître des allongements de QT. L’épreuve d’effort reste un examen clé pour mettre en évidence une absence de raccourcissement de QT à l’effort. Chez le sujet qui a un bloc de branche gauche, certains facteurs de risque d’évolution défavorable ont été rapportés, anomalies de l’oreillette gauche, durée de QRS > 150 ms, présence d’une FA ou d’une déviation axiale gauche (Kaykla), voire présence d’une alternance d’ondes T positives. Lorsque le trouble du rythme ventriculaire est documenté, la prise en charge continue à faire l’objet de différents bilans et traitements Le registre CASPER des fibrillations ventriculaires survenant chez des sujets sans cardiopathie apparente confirme qu’il est impératif de faire un bilan complet avec des études non invasives (ECG, Holter ECG, ECG haute amplification) et invasives (coronarographie avec recherche de spasme coronaire, stimulation ventriculaire programmée, cartographie et analyse génétique). Cette étude permet de mettre en évidence une anomalie sous-jacente dans 48 % des cas (QT long, dysplasie arythmogène du ventricule droit, spasme coronaire, syndrome de Brugada, myocardite, TV catécholergique). L’enquête familiale requiert le même bilan exhaustif. La TV spontanée chez un sujet porteur ou non d’un défibrillateur peut être traitée par ablation par radiofréquence mais, en cas de cardiopathie, le taux de succès reste limité par voie endocardique; il faut alors aborder le circuit par voie épicardique, mais la technique n’est pas dénuée de risque et son taux de succès n’excède pas 71 % (BSchmidt). De même, l’ablation d’une TV infundibulaire non associée à une cardiopathie, donc théoriquement plus simple, ne naît pas toujours de l’infundibulum du VD, mais de beaucoup d’autres sites à gauche d’abord difficile. Le défibrillateur est cependant le traitement de référence en cas de FEVG abaissée. De nombreux travaux sur les méthodes de télésurveillance de ces systèmes ont été rapportés. Ils permettraient de détecter plus précocement les troubles du rythme ventriculaire ou supraventriculaire mais, à l’inverse, le suivi clinique du patient semble moins bon. La présence d’un défibrillateur ne contre-indiquerait pas formellement la réalisation d’une IRM si cet examen est réellement indispensable, après des réglages avant et après (Cohen et Nazarian). Quant à la resynchronisation, sa place est devenue incontestée avec de nouveaux travaux sur l’intérêt de la prévention des arythmies ventriculaires. Notons les travaux de l’équipe rennaise (Leclerc) qui montrent que les sujets âgés (> 70 ans) bénéficient aussi de la resynchronisation avec une diminution de toutes les causes de mortalité et une amélioration de la qualité de vie. Les syncopes ont fait l’objet de peu d’études, en dehors de deux études de médecins militaires, une étude américaine chez de jeunes militaires face au combat, chez lesquels la syncope est habituellement vagale, et une étude française (Cinquetti) qui confirme l’importance de vérifier l’origine vagale en proposant un tilt test sensibilisé par l’injection d’anafranil avec augmentation de la sensibilité du tilt test à 58,8 %. Les études génétiques se développent de façon très importante. Il y a eu des travaux pour l’ensemble des maladies et des troubles du rythme. On remarquera les travaux dans la FA concernant le canal 4q25 correspondant à des gènes codant la connexine 40 et les nombreux travaux sur le SCN5A. L’ensemble des publications montre qu’une mutation avec génotype particulier peut se traduire par différents phénotypes de gravité ou d’expression extrêmement variables. Ainsi, une perte de la fonction du canal SCN5A peut être responsable de différentes maladies (syndrome de Brugada, trouble de conduction, QT long de type III, bradycardie sinusale). D’autres mutations de gènes codant la connexine 40 (GJA5) peuvent s’exprimer sous forme d’une cardiopathie dilatée, d’une cardiopathie hypertrophique, d’une progéria ou d’un trouble du rythme supraventriculaire. Dans la dysplasie arythmogène du ventricule droit, la plakoglobine est diminuée. Les gènes codant la plakoglobine codent aussi certaines TV catécholergiques et la cardiomyopathie hypertrophique. La génétique avance donc. Pour l’instant, elle n’a pas de débouché thérapeutique évident mais elle sert de modèle pour développer de nouveaux anti-arythmiques en fonction du canal potassique ou sodique atteint. En pratique Ce congrès a permis de redéfinir des lignes de conduite, tenant compte du bon sens clinique, des techniques non invasives et de l’imagerie face à des problèmes cardiologiques usuels (FA, stratification du risque) actuellement dictés par des recommandations européennes et américaines qui ne s’appliquent pas à tous les patients. Un peu de sagesse tend à revenir.

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