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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 17 mai 2005Lecture 9 min

Suivi des patients porteurs d'un défibrillateur implantable : quel est le rôle du cardiologue traitant ?

P. DEFAYE, CHU de Grenoble

De plus en plus de patients sont et seront porteurs d’un défibrillateur implantable (DAI) en France. Les résultats des grandes études randomisées, aussi bien en prévention primaire que secondaire, de la mort subite, ont permis de bien cadrer les indications. L’accréditation de centres d’implantation et de suivi, publics comme privés, répartis sur l’ensemble du territoire, va permettre à notre pays de rattraper rapidement son retard en nombre d’implantations par million d’habitants par rapport aux autres pays de l’Union Européenne.

Plus de 12 000 patients sont actuellement porteurs d’un défibrillateur en France et tous les cardiologues traitants en comptent dans leur clientèle. La question posée est donc celle du rôle des cardiologues correspondants des centres implanteurs dans le suivi des porteurs de défibrillateur car, statistiquement, ceux-ci seront de toute façon conduits à traiter un patient qui est « accessoirement » porteur d’un défibrillateur. Un certain nombre d’informations est donc évidemment à connaître dans ce contexte.   Les centres d’implantation et de suivi Des recommandations concernant l’implantation et le suivi des porteurs de défibrillateur ont été publiées dans les Archives des Maladies du Cœur et des Vaisseaux en juillet 2004. Elles font référence et concernent le suivi régulier de ces patients devant être réalisé dans ces centres qui répondent à un certain nombre de critères que nous allons résumer. Ce suivi est à réaliser en plus du suivi régulier du cardiologue correspondant. Critères des centres de suivi : - les cardiologues de ces centres doivent posséder des connaissances en stimulation cardiaque et en électrophysiologie ; le DIU de stimulation cardiaque et de rythmologie est recommandé ; - une présence régulière dans un centre de référence pendant un an est nécessaire ; - l’assurance d’une mise à jour régulière des connaissances à l’occasion de congrès spécifiques, grâce à l’information donnée par les industriels concernant les produits est recommandée. Un environnement technologique obligatoire : - ils peuvent être des centres implanteurs ou non ; - ils doivent posséder tous les programmateurs des défibrillateurs ; - une unité de soins intensifs doit être présente dans la structure ; - ces contrôles doivent être possibles 24/24h dans tous ces centres en cas d’urgence. Ces centres de suivi, publics comme privés, doivent être répartis sur l’ensemble du territoire pour que les patients ne soient pas obligés de se déplacer, souvent de loin, en cas de thérapie appropriée ou non. La meilleure organisation est probablement un suivi en réseau avec un centre implanteur et de suivi de référence, et ensuite des centres de suivi dans les villes éloignées. Pour être efficace, ces centres doivent au moins suivre 60 patients par an et 30 par cardiologue. Ces consultations de suivi doivent être faites par les médecins ; l’aide d’un technicien du laboratoire commercialisant le défibrillateur ne doit être qu’informative sur le plan technique. Sa présence n’est pas nécessaire au suivi. Les patients doivent être suivis tous les 6 mois. Le rôle du cardiologue traitant concerne plus le suivi au quotidien du porteur de défibrillateur, avec notamment la possibilité de répondre à toutes les questions posées par ces patients dont le suivi cardiologique est souvent extrêmement lourd. Ils peuvent être également en première ligne pour les consultations d’urgence de ces patients à l’occasion d’un choc approprié ou non (tableau 1). Que faire et que conseiller à un porteur de défibrillateur ? Le rôle du cardiologue traitant est donc d’être en première ligne dans l’interface vis-à-vis du porteur de défibrillateur. Il s’agit la plupart du temps d’un patient très anxieux, et auquel le centre implanteur n’a probablement pas répondu à toutes les questions.   Les questions les plus fréquentes   La conduite automobile Il n’y a pas de recommandations officielles, ni de recommandations émanant des sociétés savantes françaises ou américaines. Tout est donc particulier aux recommandations du centre implanteur. Nous recommandons de ne pas conduire le premier mois ; ensuite tout dépend de la fréquence d’intervention de l’appareil. On ne peut décemment pas défendre à un patient implanté de conduire à titre de prévention primaire, et ce, d’autant plus s’il conduisait avant l’intervention. En prévention secondaire, les recommandations obéissent à la logique : il faut recommander surtout les trajets locaux en voiture et contre-indiquer la conduite en cas de déclenchements fréquents et symptomatiques de l’appareil. On déconseillera, bien entendu, la conduite professionnelle. Tout cela est discuté. En effet, les porteurs de défibrillateurs auraient moins d’accidents de voiture que la population équivalente (même sexe, même âge) sans défibrillateur (3,4 contre 1,9 %).   Le sport Il n’y a pas de contre-indication spécifique, hormis les sports qui sollicitent exagérément les sondes (tennis, ski nautique, chasse, via-ferrata, etc.) ou les sports pouvant occasionner des chocs thoraciques (rugby, hockey, etc.). Pour un défibrillateur bien programmé, la fonction de discrimination doit pouvoir différencier une tachycardie sinusale d’effort d’une tachycardie pathologique.   La vie quotidienne Il faut éviter les chocs sur le boîtier et la zone des sondes ainsi que les lésions cutanées en regard, occasionnées par un coup de soleil par exemple. Pour éviter cela, on recommandera que les défibrillateurs soient bien enfouis en rétropectoral.   Rassurer le patient L’un des rôles fondamentaux du cardiologue traitant est de rassurer le patient en permanence. Le défibrillateur élimine le risque de mort subite. Le patient porteur de défibrillateur doit mener une vie professionnelle normale (hormis la présence de champs magnétiques intenses et des situations particulières). Idéalement, il doit vraiment oublier son défibrillateur. Il est clair qu’à chaque fois qu’il reçoit un choc, approprié ou non, un soutien psychologique peut être utile.   Que dire face aux risques d’interférences ? Il y en a en fait très peu chez les porteurs de défibrillateur. Les champs magnétiques intenses (> 22,5 Gauss), (portique antivol), vont entraîner une suspension des thérapies uniquement pendant le passage sous le portique, ce qui est peu gênant. Le bistouri électrique va pouvoir entraîner des thérapies inappropriées, il faut donc toujours stopper le défibrillateur (fonction défibrillateur) avant une chirurgie utilisant le bistouri électrique. Les signaux de 50 Hz, (ligne haute tension), vont pouvoir induire une suspension momentanée des thérapies ; il faut recommander de ne pas stationner à proximité. En tout cas, une exposition professionnelle à des champs magnétiques va faire discuter un changement ou une adaptation du poste de travail.   Les interférences dans la vie quotidienne Les téléphones portables, portiques antivol des magasins (en dehors du stationnement), fours à micro-ondes — qui ne fonctionnent que s’ils sont fermés — sont sans contre-indication. Certains appareils sont à employer avec précautions. Il s’agit des plaques à induction qu’il ne faut pas recommander à ces patients, des moteurs électriques industriels, la proximité immédiate d’antenne ou d’émetteur de haute puissance ainsi que d’appareils électriques défectueux.   Les interférences en milieu médical Les examens radiologiques, le scanner, le PET scan et les échographies ne sont sans aucune contre-indication. L’utilisation du bistouri électrique, unipolaire comme bipolaire, nécessite l’interruption momentanée de la fonction défibrillateur. L’appareil doit être contrôlé avant et après utilisation du bistouri électrique. D’autres examens et thérapies doivent être maniés avec précaution et contre-indiqués à proximité de l’appareil, notamment la radiothérapie locale qui peut entraîner une mutité du défibrillateur. L’examen IRM est classiquement contre-indiqué bien que des études publiées ou en cours soient moins claires sur l’effet néfaste de cet examen.   Effet de l’aimant Un aimant inhibe les thérapies quand il est en contact avec le défibrillateur quelle que soit la marque de l’appareil. Cela peut être utile pour stopper des décharges inappropriées d’un appareil, en urgence ou en cas de chirurgie d’urgence dans un hôpital non équipé d’un programmateur. L’aimant n’a, contrairement au stimulateur, aucun effet sur la stimulation antibradycardique. Il n’y a aucun risque de déprogrammation ou de dommages du défibrillateur lors de l’application d’un aimant.   Médicaments et défibrillateur   Antiarythmique L’introduction d’un antiarythmique (notamment l’amiodarone) nécessite l’aval du rythmologue correspondant. L’amiodarone peut induire une élévation des seuils de défibrillation ; il peut être utilisé en cas d’interventions trop fréquentes de l’appareil ou de troubles du rythme supraventriculaire associés.   Bêtabloquants Ils sont très souvent utilisés pour limiter les fréquences maximales des patients afin qu’ils n’atteignent pas la fréquence de détection des troubles du rythme ventriculaire (risque alors de traitement inapproprié).   Qu’en est-il des anesthésiants ? La plupart n’ont aucune influence sur le seuil de défibrillation, ils peuvent êtres utilisés au bloc opératoire pour la recherche du seuil de défibrillation (enflurane, pentobarbital, isoflurane, halothane).   Conduite à tenir en cas de choc et rôle du cardiologue traitant Il faut surtout rassurer le patient, notamment au premier choc, lui demander de ne pas paniquer et de se reposer avant tout. L’interrogatoire est primordial : - Y a-t-il eu effort ? - Y a-t-il eu une modification du traitement médicamenteux ? - Y a-t-il eu syncope, malaise, angor, dyspnée ? - Quelle sensation a été perçue ? - Il faut tenter d’identifier le nombre de chocs puis tenter d’avoir des arguments en faveur du fonctionnement approprié ou inapproprié de l’appareil. - Le patient est-il fébrile (tachycardie sinusale liée à la fièvre, déstabilisation d’un Brugada) ? Nous recommandons de consulter dans un Centre de surveillance dans les 48 heures en cas de choc isolé et de façon plus urgente en cas de plusieurs chocs successifs avec, si possible, un transport médicalisé. Choc inapproprié lié à un appareil d’électrothérapie : lumbago. Autres situations   Les sonneries liées au défibrillateur Certains appareils émettent des sonneries (bips), notamment quand ils atteignent la fin de vie de la batterie. Il ne faut alors pas s’inquiéter mais conseiller au patient de consulter le centre de surveillance dans la semaine qui suit. Cela signifie généralement qu’il faut changer l’appareil dans les semaines suivantes. Sur certains appareils, les bips peuvent signifier un dysfonctionnement du système (impédance de choc trop élevé ou trop basse, traitements trop fréquents, etc.)   Contrôle de l’état local Il est toujours utile, notamment dans les premiers mois, de surveiller l’état local, témoin de la bonne cicatrisation, ainsi que la survenue d’hématomes au niveau de la loge.   Y-a-t-il des risques liés au choc électrique externe pour FA ? La problématique est celle du risque de dommages irréversibles de la sonde ou du défibrillateur. C’est une situation exceptionnelle mais possible et peut, théoriquement, aussi être responsable d’une élévation du seuil de stimulation. La plupart du temps, la FA peut être réduite par un choc interne commandé par l’intermédiaire du défibrillateur. En cas d’inefficacité ou d’impossibilité, on peut soit stopper la fonction défibrillateur pendant le CEE, soit réaliser un choc externe biphasique antéropostérieur. Il faudra, de toute façon, vérifier ensuite le fonctionnement du défibrillateur après le CEE.   Que faire en situation d’urgence : syncope, malaise, arrêt cardiaque ? Il faut rechercher un trouble du rythme responsable des symptômes malgré le défibrillateur. On mettra donc immédiatement le patient sous surveillance ECG. Les mémoires du défibrillateur seront interrogées le plus rapidement possible. Il ne faut pas hésiter à délivrer un choc électrique externe antéropostérieur biphasique en cas de trouble du rythme ventriculaire, le défibrillateur ayant pu épuiser toutes ses capacités. En cas de chocs répétés, on peut appliquer un aimant chez un patient sous scope, sans tachycardie et fibrillation ventriculaire enregistrée. Il peut s’agir de traitements inappropriés en rapport avec une fracture de sonde ou une fibrillation auriculaire rapide. Toucher un patient lors de la charge ou la délivrance d’un choc n’est pas dangereux, cela va simplement entraîner une douleur ressentie (tableau 2). La fréquence des contrôles Les contrôles de routine dans un centre de surveillance pour un patient asymptomatique sur le plan du défibrillateur doivent être espacés tous les 6 à 9 mois. En revanche, à la suite d’un choc, comme dit précédemment, nous conseillons un contrôle dans les 48 heures en cas de choc isolé et en urgence en cas de chocs répétés. Un contrôle supplémentaire sera réalisé en cas de chirurgie.   En pratique   Le nombre d’implantations de défibrillateurs va croître, dans les années qui viennent, dans notre pays. Les cardiologues traitants serons confrontés de plus en plus souvent aux porteurs de défibrillateurs et à leurs problèmes. Il leur faut donc répondre aux sollicitations des patients. Il faut recommander à ces patients de mener une vie aussi normale que possible. Le suivi de l’appareil dans un centre de surveillance doit être réalisé tous les 6 à 9 mois. Il faut savoir répondre aux situations d’urgence, notamment les situations d’orage rythmique. Le rôle de l’aimant (inhibition des thérapies) doit être connu. Le développement de la télécardiologie va dans le futur simplifier le suivi de ces patients avec la transmission au centre de contrôle des données de l’électrogramme mémorisé au moment de l’événement. Le suivi de ces patients requiert une étroite collaboration entre le cardiologue implanteur et le centre de surveillance ainsi que le cardiologue correspondant.

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