Thérapeutique
Publié le 13 sep 2011Lecture 5 min
La place des nouveaux anticoagulants oraux dans l’arsenal thérapeutique du coronarien en FA
Depuis quelques années foisonnent des articles sur la conduite à tenir chez les patients coronariens en arythmie complète nécessitant un traitement AVK. Diverses recommandations ont pu être écrites qui ne reposent pas sur de grands essais randomisés dévolus à cette question mais proviennent de « petites » études, de sous groupes de patients ou encore d’avis d’experts.
Ainsi, dans les dernières recommandations de l’ESC sur la FA, un paragraphe a été prévu qui fait la synthèse sur ce problème, particulier et fréquent en cardiologie, de la meilleure stratégie anti-thrombotique à tenir chez le coronarien en FA (tableau 1). Sauf que les anticoagulants considérés sont les AVK et rien n’est dit sur les nouveaux anti-thrombotiques qui justement, au moins pour le dabigatran vont très bientôt remplacer ces AVK.
Qu’allons nous faire lorsque nous disposerons du dabigatran ou des autres nouveaux anti-thrombotiques dans la FA chez nos patients qui par ailleurs auraient besoin d’un ou de plusieurs antiagrégants plaquettaires ?
La littérature apporte-t-elle des réponses factuelles ?
Dans l’étude RELY, l’existence d’une coronaropathie n’était pas un facteur d’exclusion et faisait même partie des critères demandés en sus de la FA pour discriminer des patients avec au moins 1 facteur de risque. Ainsi, environ 17 % des patients de RELY avaient un antécédent d’infarctus du myocarde. Mais l’histoire ne dit pas si ce groupe de patients coronariens avérés auront eu un résultat différent versus la population totale étudiée. Quoi qu’il en soit, il ne s’agissait pas de syndromes coronariens aigus pour lesquels une bithérapie était par ailleurs indiquée.
Dans l’étude Rocket-AF, de la même façon, si des coronariens stables ont pu être inclus, les patients présentant un syndrome coronarien aigu n’étaient pas randomisés.
Alors si nous ne pouvons nous baser sur des résultats factuels, il nous faut raisonner avec ce que nous avons.
Les AAP sont-ils utiles chez le coronarien par ailleurs traité par anti-thrombotiques pour une FA ?
La question est très pertinente chez le coronarien stable c’est-à-dire à plusieurs mois, voire à 1 an, d’un syndrome coronarien aigu clinique. Les conclusions des divers travaux sur ce sujet sont discordantes. La méta-analyse d’Andreotti (Eur Heart J 2005) montrait que lorsqu’une indication d’AVK est par ailleurs formelle, chez un coronarien stable, le bénéfice des AAP est difficile à démontrer alors qu’en revanche, l’augmentation du risque hémorragique est clairement établie. Cela était vrai avec les AVK et, mais ceci n’est que l’avis de l’auteur, devrait rester la règle avec le dabigatran ou les autres nouveaux anti-thrombotiques jusqu’à preuve du contraire.
En revanche, dans le SCA, et en particulier à l’aire du stenting, c’est le contraire qui fait loi. Il a été clairement démontré, en effet, que les AVK, mais aussi l’héparine n’empêchaient pas la thrombose de stent et que le traitement efficace de cette redoutable complication était bien les AAP. Les mesures de bon sens doivent s’imposer :
• éviter les switchs AVK-héparine dans la période aiguë ;
• éviter de stenter si ça n’est pas nécessaire ;
• si un stent doit être mis en place, préférer un stent nu ;
• éviter les longues endoprothèses ou la multiplicité des endoprothèses chez ce type de patient.
Pourrait-on se contenter d’AAP chez un coronarien qui aurait par ailleurs besoin d’un traitement anti-thrombotique pour une FA ?
Sur ce point, les choses sont claires : l’aspirine seule a été déboutée dans les dernières recommandations et ceci à juste titre puisque son bénéfice dans la FA n’avait jamais été clairement démontré.
L’association aspirine + clopidogrel dans la FA si elle pourrait faire mieux que l’aspirine seule fait nettement moins bien que les AVK (Active-AF) et de toute façon cette association d’antiplaquettaires dans ACTIVE ne concernait pas des FA à haut risque thrombo-embolique.
Enfin, les nouveaux antiplaquettaires oraux, prasugrel et ticagrelor, seuls ou en association avec l’aspirine n’ont pas été évalués et, à notre connaissance, ne le seront pas.
Donc, lorsqu’on a à faire à une FA à haut risque embolique, une bithérapie antiplaquettaire n’est pas suffisante et fait courir un risque.
Peut-on mesurer le risque hémorragique en associant anti-thrombotique et AAP ?
En règle générale, on ne peut concevoir faire un cocktail de plusieurs anti-thrombotiques sans augmenter le risque hémorragique. Globalement, on peut retenir que lorsqu’on rajoute 2 anti-plaquettaires et un anti-thrombotique comme les AVK, le risque hémorragique est multiplié de 5 à 10.
Qu’en est-il si on substitue le dabigatran à l’AVK ? Il n’y a pas beaucoup de données là-dessus, mais on peut « extrapoler » avec précaution. Dans RELY, les accidents hémorragiques graves, en particulier cérébraux ont été moins fréquents avec le dabigatran versus les AVK. Ceci était vrai avec les 2 doses : 110 x 2 et 150 x 2 alors même que la dose de 150 x 2 était plus efficace en terme de prévention thrombo-embolique. On peut donc penser que lorsqu’il faudra associer 2 antiplaquettaires et un traitement anticoagulant pour la FA, le dabigatran devrait exposer à un moindre risque hémorragique que les AVK. Possiblement d’ailleurs, mais ceci n’est que l’avis de l’auteur, parce qu’un surdosage même modéré en AVK, chose fréquente quand on institue ou reprend un tel traitement, est beaucoup plus à même d’entraîner une hémorragie lorsque associé à une bithérapie antiplaquettaire. Or, l’avantage des nouveaux anti-thrombotiques est, en particulier, une courbe effet-dose en plateau qui diminue le risque de surdosage.
En revanche, l’association d’aspirine et de dabigatran va clairement augmenter le risque hémorragique. Dans l’étude PETRO (Am J Cardiol 2007) dans laquelle le dabigatran était testé à plusieurs doses avec ou sans aspirine chez des patients en FA non valvulaire, la dose de 150 mg x 2 associée à l’aspirine entraînait une augmentation significative du risque hémorragique versus dabigatran seul à la même dose (p < 0,02).
Le « signal » qui a émergé dans l’étude RELY doit-il faire peur dans ce contexte ?
Dans la première publication de RELY, on a constaté une augmentation des infarctus du myocarde chez les patients en FA traités par dabigatran : RR 1,38 [1,00-1,91] p = 0,048 dans le groupe dabigatran 150 x 2 vs warfarine. S’il ne faut certainement pas, en particulier par les temps qui courent, occulter cette alerte, il faut se rappeler que chez d’autres patients, traités pour d’autres motifs (Etude RE-COVER dans la TVP), cette augmentation de l’incidence des IDM n’a pas été retrouvée. Par ailleurs, une correction des résultats de RELY sur ce point a été faite dans un numéro ultérieur du New England (N Engl J Med 2010 ;363 :1875-1876) qui après vérification et prise en compte de certains autres évènements initialement non comptabilisés rapporte un taux d’infarctus qui n’est plus statistiquement significatif dans le groupe dabigatran 150 x 2 vs warfarine : RR 1,27 [0,94-1,71] p = 0,12.
La question pourrait être plus pernicieuse dans la mesure où chez les patients en FA les AVK pourraient être particulièrement efficaces pour prévenir l’infarctus alors que d’autres traitements anti-thrombotiques pourtant efficaces dans la prévention thrombo-embolique n’auraient pas cet avantage (Lip GY et al. Am J Med 2010).
En pratique
Il ne s’agira pas de galvauder les indications d’une association antiplaquettaire plus nouveaux anti-thrombotiques, mais lorsque celle-ci sera indiquée et raisonnée en particulier chez le patient porteur d’une FA avec un score de CHADS ou CHADSVASC supérieur ou égal à 2, le dabigatran devrait nous faciliter les choses.
Dans cette situation, les mêmes règles que celles qui étaient conseillées avec les AVK devraient prévaloir : bithérapie + dabigatran pendant une courte période après le stenting puis monothérapie antiplaquettaire + dabigatran puis dabigatran seul. La possibilité des 2 dosages avec le dabigatran devrait représenter dans ce contexte un avantage appréciable : on peut considérer par exemple que ce que l’on conseillait avec les AVK pendant la trithérapie, à savoir « maintenir un INR proche de la fourchette basse » pourrait être remplacé par « utiliser préférentiellement la faible dose de dabigatran », en particulier chez le patient à haut risque hémorragique (tableau 2).
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