Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 13 mai 2008Lecture 10 min
Rythmologie - Toujours la resynchronisation et la FA
B. BREMBILLA-PERROT, CHU de Brabois, Vandœuvre-les-Nancy
ACC
Il n’y a pas eu d’avancée spectaculaire dans le domaine rythmologique à l’ACC 2008, l’essentiel des communications portant à nouveau sur des problèmes de resynchronisation et sur la fibrillation auriculaire (FA). Des communications individuelles ont cependant apporté des éléments intéressants pour la prise en charge des patients parallèlement aux grandes études randomisées menées par l’industrie.
Diagnostic, évolution des troubles du rythme et dépistage des risques inhérents aux troubles du rythme
Fibrillation auriculaire (FA)
• Il faut d’abord noter le très beau travail de l’équipe de Tours (L. Fauchier et coll.) concernant un large suivi de sujets admis dans cet hôpital pour FA, qui ont été suivis plus de 3 ans. La plupart des patients (2 167) avaient une FA paroxystique, 220 avaient une FA persistante (< 7 jours), 167 avaient une FA permanente (FA résistante à un moyen de régularisation). Les auteurs ont montré une survie meilleure en cas de FA persistante qu’en cas de FA paroxystique ou permanente, la mortalité n’étant que de 3,5 % alors qu’elle passe à 15 % dans le deuxième cas. Les facteurs de risque d’évolution vers une FA permanente de pronostic péjoratif étaient classiques : âge plus élevé, nombre de cardioversions plus grand, atteinte valvulaire, prise d’alcool, atteinte thyroïdienne, hypercholestérolémie et présence d’un pacemaker ou défibrillateur.
• L’étude TRENDS menée chez 3 045 patients a montré que le risque thromboembolique devient plus important quand la FA détectée par la fonction Holter du pacemaker dure plus de 5,5 h, en passant de 1,1 à 2,4 %.
La surveillance par la fonction Holter des pacemakers pourrait être un moyen d’identifier plus tôt les sujets à risque d’événements thromboemboliques ; cette étude remet en cause la durée classique de 24 à 48 h qui était généralement associée à une élévation du risque thromboembolique dans la FA.
• Le pronostic délétère de la FA est confirmé en cas de cardiopathie (étude de Santinelli chez 402 patients) ; celui-ci serait particulièrement péjoratif lorsque la FA complique l’évolution d’une cardiopathie ischémique comparativement à un sujet ayant la même cardiopathie mais restant en rythme sinusal. Rappelons qu’il est toujours difficile de savoir si la cardiopathie est la cause de la FA ou si la FA aggrave le pronostic de cette cardiopathie. La présence d’une cardiopathie associée à une FA complique le traitement du trouble du rythme avec restriction de l’usage des antiarythmiques, selon les recommandations des sociétés nord américaines et européennes de 2006. On sait aussi que l’association des deux majore le risque thromboembolique.
• Enfin, de nombreux travaux ont confirmé le rôle délétère de l’alcool et du tabac avec un effet arythmogène à l’étage supraventriculaire et donc risque de FA. Ainsi, 2 verres de vin chez la femme peuvent provoquer l’arythmie et le tabac entraîne une FA.
Mort subite
• Une nouvelle étude sur les morts subites de sujets apparemment sains montre que, chez l’athlète, la détection par l’ECG reste délicate puisque les athlètes ont fréquemment des anomalies et notamment un aspect d’hypertrophie ventriculaire gauche, particulièrement fréquent chez la femme athlète d’origine africaine (West JJ, USA). Les morts subites surviendraient plus fréquemment en fin de compétition sportive dans les sports d’endurance mais le risque d’accident grave est faible avec 5 accidents répertoriés chez 94 000 athlètes en 6 ans en Hollande (Umans V). Chez 220 enfants décédés subitement, il n’a pas été retrouvé de rôle possible des psychostimulants.
• Le pronostic du syndrome du QT long congénital serait meilleur après la ménopause ; il y aurait donc un rôle proarythmique des œstrogènes dans cette population féminine (Mathew JS, USA). Il est, en revanche, moins bon en cas d’apparition d’une cardiopathie ischémique.
• Enfin, il y a eu également de nombreuses publications sur la tentative d’identification des sujets à risque de mort subite, notamment après infarctus du myocarde, avec à nouveau des études contradictoires sur l’étude électrophysiologique qui semble garder un intérêt lorsqu’elle est associée à l’étude de l’alternance de T, cette valeur prédictive n’étant pas retrouvée dans une étude américaine menée chez 520 patients, n’étudiant que la stimulation ventriculaire programmée après infarctus étendu. Cela confirme qu’une seule étude ne peut prédire le risque de mort subite mais un ensemble de données cliniques et des examens complémentaires sont nécessaires.
• Notons les résultats inattendus de l’étude CARISMA (Cardiac Arrhythmias and Risk Stratification after Myocardial Infarction), chez 297 patients, sur l’enregistrement de Holters implantables systématiques après infarctus du myocarde (3 à 21 jours) lorsque la fraction d’éjection est < 40 %. Elle fait apparaître un fort pourcentage de BAV du 2e et 3e degré (10 %), bradycardie et arrêt sinusal (12 %) avec un total de 17 % d’épisodes bradycardiques. Il y a également des tachycardies ventriculaires non soutenues (17 %).
Le bloc de haut degré s’est avéré être le seul facteur indépendant de mortalité cardiaque (risque relatif x 7) de même que la bradycardie sinusale (x 5,8).
Cela peut amener à réfléchir sur les modes de prévention des accidents après infarctus du myocarde qui sont essentiellement actuellement centrés sur la prévention de la fibrillation ventriculaire et moins sur celui des bradycardies.
• Dans les autres cardiopathies, la place de l’imagerie continue à augmenter, comme dans la cardiomyopathie hypertrophique où la présence de rehaussement tardif serait associée à des troubles du rythme ventriculaires. Le simple ECG garde toutefois son intérêt ; la présence d’un QRS fragmenté serait associée à un haut risque d’événements rythmiques dans la dysplasie arythmogène du ventricule droit, et en cas d’insuffisance cardiaque.
• Le risque de mort subite associé à une cardiopathie ou une maladie génétique est bien défini. Cela ne représente qu’une faible part des morts subites spontanées habituellement dues à un syndrome coronarien aigu. Le sujet jeune à fraction d’éjection normale et qui serait simplement diabétique serait le sujet le plus à risque de mort subite, d’après une étude américaine ayant recensé 1 615 morts subites entre 2002 et 2006 dans la population de l’Oregon de 677 813 habitants. Le risque est aussi élevé chez le sujet hypercholestérolémique ayant une ischémie silencieuse. Voici une porte entrouverte vers de nouveaux moyens de dépistage et de prévention à grande échelle.
• Un travail intéressant concernant l’IRM cardiaque dans les tachycardies ventriculaires d’allure infundibulaire montre qu’après des travaux initiaux indiquant une incidence élevée d’aspects évoquant une dysplasie arythmogène du ventricule droit, ces anomalies sont tout à fait exceptionnelles dans cette affection. Moins de 10 % des patients ont des anomalies mineures de la chambre de chasse du ventricule droit, dont la signification reste discutable (Markovitz SM, USA).
Enfin, notons les travaux de notre équipe sur l’intérêt de l’exploration électrophysiologique réalisée en consultation externe chez le jeune enfant pour évaluer le pronostic d’un syndrome de Wolff-Parkinson-White ou la nature de tachycardies non documentées.
Traitement des troubles du rythme
Une grande partie des communications est à nouveau réservée aux bénéfices possibles de la resynchronisation cardiaque.
Ce bénéfice incontestable se maintient au bout de 3 à 4 ans quand il est apparu dans les premiers mois.
Il y a néanmoins des non-répondeurs à la resynchronisation. Plusieurs causes pourraient expliquer cette non-réponse :
- la mise en place de la sonde de stimulation ventriculaire gauche dans le sinus coronaire apparaît essentielle dans le devenir ;
- lorsqu’il y a une large séquelle d’infarctus du myocarde, les risques d’inefficacité sont plus élevés. Il est même préconisé de faire une étude de viabilité myocardique pour prédire les résultats de la resynchronisation, les résultats étant meilleurs s’il y a une viabilité à l’échographie couplée à l’injection de dobutamine ; cet examen permet d’évaluer la réserve contractile (Ciampi Q, Italie ; Senechal M, Canada) ;
- la présence d’une fuite mitrale conditionne un pronostic également variable; la fuite mitrale peut régresser immédiatement ou dans un délai de 6 mois après la resynchronisation chez certains patients, surtout chez ceux où le degré de désynchronisation est le plus élevé (respectivement 209 ± 115 ms, 190 ± 118 ms vs 99 ± 74 ms chez les patients où la fuite mitrale ne régresse pas) (Ypenburg C et coll., Leiden et Liège). Dans ces conditions, l’évolution est favorable et les résultats se maintiennent au cours du suivi. L’absence de régression de la fuite 3 à 6 mois après la resynchronisation est associée à un pronostic défavorable et pourrait l’être à une absence de remodelage ventriculaire ;
- la présence d’une FA ne semble pas diminuer les bénéfices liés à la resynchronisation à condition qu’au moins 92 % des complexes QSRS soient électro-entraînés par la stimulation biventriculaire (Koplan BA, USA). Il n’y a pas de bénéfice supplémentaire entre 92 et 100 %.
En revanche, si moins de 90 % des QRS sont stimulés, le sujet ne retirera pas de bénéfice de sa resynchronisation et il faudra donc envisager une ablation du faisceau de His ou renforcer le traitement bradycardisant.
Les indications de la resynchronisation restent limitées aux sujets en stade III et IV de la NYHA. L’étude REVERSE, qui concernait l’indication de la resynchronisation aux stades I et II de la NYHA, a été dans l’immédiat décevante, le suivi étant peut-être trop court ; 419 patients ont été étudiés ; la population était divisée en deux groupes resynchronisés ou non ; ils avaient une durée de QRS ≥ 120 ms et une fraction d’éjection (FE) ≤ 40 %. Au bout de 1 an de suivi, avec resynchronisation ou non, un bénéfice sur le remodelage ventriculaire a été démontré avec variation du volume télésystolique et diminution des journées d’hospitalisation, mais il n’y a pas eu de modification significative des causes de mortalité.
Une métaanalyse montre que les sujets qui bénéficient d’une simple resynchronisation auraient un pronostic moins bon que ceux qui ont en plus un défibrillateur. À l’inverse, la mise en place d’un défibrillateur prophylactique chez les sujets en insuffisance cardiaque ne suffit pas pour réduire leur mortalité élevée dans l’étude DEFINITE (figure 1). En effet, le défibrillateur ne prend pas en compte tous les problèmes liés l’évolution d’une cardiopathie évoluée. Plusieurs études ont montré certaines causes possibles d’évolution défavorable. Retenons que la mortalité cardiaque est particulièrement importante lorsque le sujet fait des tachycardies ventriculaires spontanées liées à un orage rythmique, ou lorsqu’il y a une insuffisance rénale associée. Le traitement médicamenteux et le suivi de ces patients restent essentiels chez ces patients avec cardiopathie évoluée.
Figure 1. Survie dans l’étude DEFINITE.
Dans le domaine de la FA, le traitement médical conserve une place
De nouvelles molécules antiarythmiques sont encore à l’étude comme le vernakalant, un bloqueur des canaux sodiques et potassiques qui agirait sélectivement à l’étage atrial et qui permettrait de régulariser une FA récente. Une étude grecque montre que les IEC pourraient être plus ou moins efficaces pendant la prévention de la rechute de la FA dans la cardiopathie hypertensive, en fonction du génotype du patient concernant le polymorphisme du gène codant pour l’enzyme de conversion de l’angiotensine (Tziakas et coll).
Le traitement curatif de la FA par ablation dans l’oreillette gauche continue à faire l’objet de travaux ; ses indications pourraient s’étendre à des sujets > 80 ans, pour une équipe italienne. La cryoablation comme moyen d’ablation semble prometteuse. Plusieurs travaux s’intéressent aux problèmes de récidive après ablation et notent qu’elle est en rapport avec une reconnection des veines pulmonaires.
Dans le domaine des troubles du rythme ventriculaire
Une étude réalisée chez 1 847 patients ayant fait une épreuve d’effort montre une réduction des troubles du rythme ventriculaire avec les statines indépendamment de la présence ou non de signes d’ischémie à l’effort (Dewey F, USA). Kapoor rapporte une mortalité globale chez 1 162 patients ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40 %, moins importante à 6 mois sous aténolol (3,2 %), carvédilol (5,6 %) que sous métoprolol (10,6 %, p < 0,001).
Prévention et traitement des troubles du rythme associés aux cardiopathies congénitales
Ces troubles du rythme deviennent de plus en plus fréquents compte tenu des chirurgies précoces de cardiopathies plus ou moins complexes. Il s’agit surtout de troubles du rythme auriculaire. Le risque thromboembolique est augmenté et le maintien en rythme sinusal est recommandé avec un mauvais pronostic lors du contrôle simple de la fréquence cardiaque. Le traitement antiarythmique est souvent difficile avec des risques de flutter 1/1. L’ablation est donc recommandée, d’autant que les troubles du rythme les plus fréquents sont des flutters auriculaires qui passent par l’isthme cavo-tricuspidien. La chirurgie des troubles du rythme doit être envisagée en même temps qu’une réintervention. Le risque de troubles du rythme étant bien connue, il est aussi recommandé au chirurgien de réaliser une chirurgie préventive des troubles du rythme dès la correction de la cardiopathie, que ce soit par la chirurgie des faisceaux de Kent associés à une maladie d’Ebstein ou par la mise en place d’électrodes épicardiques auriculaires ou ventriculaires pour envisager plus tard une resynchronisation chez des sujets risquant de développer une altération de la fonction ventriculaire gauche comme dans la transposition des gros vaisseaux, les abords vasculaires classiques étant modifiés ou impossibles.
DA individuel
Notons enfin le caractère décevant du défibrillateur automatique à utilisation individuelle (étude HAT) concernant des sujets qui seraient à haut risque de mort subite car il n’y a pas eu de différence de pronostic chez ces sujets ayant fait un arrêt cardiaque à la maison et ayant bénéficié de l’utilisation du défibrillateur par rapport à ceux ayant fait un arrêt cardiaque et où la réanimation a été effectuée par les moyens conventionnels (SAMU, défibrillation).
En conclusion
Les traitements non médicamenteux des troubles du rythme continuent à progresser. Cependant la prévention des troubles du rythme par un traitement médical optimal de la cardiopathie apparaît capitale, que ce soit à l’étage auriculaire ou ventriculaire.
De plus, le traitement non médicamenteux implique toujours un suivi médical attentif. Enfin, certaines données nouvelles sont à prendre en compte avec un risque thromboembolique augmenté dès que la FA dépasse 5,5 h et un risque non négligeable de BAV de haut degré (10 %) ou de bradycardie sinusale (12 %) survenant 1 à 3 semaines après un infarctus associé à une atteinte ventriculaire gauche (< 40 %), qui augmente significativement la mortalité cardiaque.
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