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Coronaires

Publié le 18 sep 2007Lecture 8 min

Traitement médical de l'angor stable du sujet âgé : quelle spécificité ?

T. LAPERCHE, Centre cardiologique du nord, Saint Denis

Il est d’usage pour répondre à ce type de question de se tourner vers les résultats d’études randomisées destinées à montrer la supériorité d’un produit ou d’une stratégie thérapeutique par rapport à une référence ou à un placebo. Or dans le cas présent il n’existe pas ou très peu d’études spécifiquement réalisées chez des sujets du troisième âge. Il faut alors extrapoler des résultats d’études réalisées chez les individus tout-venant et se tourner vers les analyses en sous-groupes (si des stratifications ont été faites) pour en tirer des informations. Ce n’est peut-être pas scientifiquement correct, mais cela reste obligatoire pour le praticien puisque c’est une démarche à laquelle il est confronté de façon pluriquotidienne.

Épidémiologie   Un vieillissement de la population… L’amélioration des conditions de vie dans nos sociétés développées a fait croître de façon considérable l’espérance de vie. En France, les sources de l’INSEE donnent en 2006 une espérance de vie de 84,1 ans pour les femmes et de 77,2 ans pour les hommes. La part des personnes du troisième âge en France est donc passée en 50 ans de 3,8 à 7 % de la population totale. Il est d’ailleurs difficile de fixer une limite d’âge inférieure pour définir la personne du troisième âge. Dans cet article nous ferons référence aux patients > 75 ans, mais nous extrapolerons au gré des études aux patients > 65 ans. … favorisant l’émergence des pathologies coronaires Des séries autopsiques nous informent de l’existence de lésions coronaires sténosantes chez 50 % des femmes âgées et chez 70 à 80 % des hommes âgés. La prévalence des cardiopathies ischémiques est évaluée aux États-Unis à 22 % chez les hommes de plus de 75 ans et à près de 13 % chez les femmes du même âge. La maladie coronaire est donc bien présente chez la personne du troisième âge et est responsable d’une authentique dégradation de la qualité de vie. Elle répond souvent à des lésions sévères. Un travail réalisé il y a plus d’une dizaine d’années avait évalué la probabilité d’avoir une coronaropathie sévère (tritronculaire ou sténose du tronc commun) en fonction de l’âge et de 5 variables : - le sexe masculin, - l’existence d’un angor, - la présence d’une séquelle électrique d’infarctus à l’ECG, - un diabète, - une insulinothérapie. La présence de ces 5 variables au-delà de 75 ans équivalait à un risque de lésions sévères de près de 90 % (figure). Probabilité de lésions coronaires sévères selon l’âge des patients et la présence éventuelles de variables (jusqu’à 5 variables : le sexe masculin, l’existence d’un angor, la présence d’une séquelle électrique d’infarctus à l’ECG, un diabète et une insulinothérapie). Prise en charge thérapeutique   La prise en charge thérapeutique n’est pas différente de celle pratiquée chez les sujets plus jeunes. Le contrôle des facteurs de risque pourrait sembler dérisoire dans ce cas, diminue en fait de façon nette le risque des complications. Ainsi, le sevrage tabagique diminue la mortalité globale de près de 50 % après un infarctus, une grande part du bénéfice étant obtenue dès la première année de sevrage. Ce bénéfice serait d’ailleurs supérieur à celui obtenu par les médicaments agissant en prévention secondaire chez les coronariens. Les métaanalyses sur les thérapeutiques antihypertensives ont également démontré le bénéfice indiscutable du contrôle tensionnel sur la minoration des accidents vasculaires cérébraux et de l’insuffisance cardiaque, plus que sur les événements coronariens, mais la mortalité globale est réduite. Le contrôle du diabète et des dyslipidémies réduit à la fois la morbidité et la mortalité. Les traitements anti-ischémiques restent la pierre angulaire de toute ordonnance du coronarien. Paradoxalement, si ces médicaments agissent sur les symptômes, leur bénéfice sur la survie n’a jamais été démontré. Sont à notre disposition dans cet arsenal thérapeutique les bêtabloquants (dans l’étude ASIST menée avec l’aténolol, 52 % des sujets avaient plus de 65 ans), les anticalciques, les dérivés nitrés, la molsidomine, les agonistes des canaux potassiques et la trimétazidine. Il est souvent d’usage de recourir à une plurithérapie, et de prescrire dans la mesure du possible un bêtabloquant en l’absence de contre-indication. Les associations bêtabloquants–inhibiteurs calciques ou bêtabloquants-dérivés nitrés sont les plus employées, mais les autres anti-ischémiques ont toute légitimité pour être prescrits en association aux bêtabloquants. À côté de ces médicaments à visée symptomatique, l’ordonnance doit comporter d’autres molécules qui, elles, ont démontré un bénéfice sur le pronostic de ces patients en réduisant significativement la survenue d’événements péjoratifs (infarctus, accident vasculaire cérébral, ou décès cardiovasculaires) : l’aspirine, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les statines. Les molécules améliorant le pronostic L’aspirine réduit de façon significative la survenue d’événements cardiovasculaires défavorables, la réduction étant de l’ordre de 30 % par comparaison au placebo. L’efficacité est démontrée pour des doses > 75 mg/j mais pas pour les doses plus faibles. Certains IEC (ramipril et perindopril) ont montré un bénéfice dans la prévention des événements graves chez les sujets à risque, particulièrement chez les sujets âgés. Ainsi, dans l’étude HOPE, les sujets > 65 ans, qui représentaient 55 % des patients inclus, ont tiré un bénéfice plus marqué que la population générale de la prise de ramipril. Dans l’étude EUROPA, pour les patients de la même tranche d’âge, la diminution du risque sous perindopril est de l’ordre de 17 % par comparaison au placebo. Pour les statines, nous disposons de l’étude PROSPER réalisée chez 5 804 sujets âgés de 70 à 82 ans à risque cardiovasculaire, étude qui montre le bénéfice de la pravastatine comparativement au placebo. Il est observé une réduction de 15 % à 3 ans d’un critère combinant décès cardiovasculaire, infarctus et accident vasculaire cérébral. Il faut émettre deux réserves sur cette étude : l’absence de diminution du nombre d’accidents vasculaires cérébraux et une augmentation du nombre de cancers sous pravastatine. Toutefois, cette dernière observation n’a jamais été notée lors d’autres études et ne ressort pas non plus dans les métaanalyses publiées avec les statines. Les dernières recommandations de l’AFSSAPS sur la prise en charge des dyslipidémies incitent à appliquer les règles habituelles chez les patients de 70 à 80 ans, et après 80 ans de prescrire les statines en cas de cumul des facteurs de risque, de bonne tolérance du traitement et d’absence de pathologie interférant avec le pronostic.   Les éventuels problèmes posés par ces médicaments ?   La polymédication Si l’on observe scrupuleusement les règles de bonne pratique, l’ordonnance de nos coronariens âgés doit donc comprendre un ou plusieurs anti-ischémiques, de l’aspirine, une statine et un IEC. Cela fait beaucoup. Ces patients ont le plus souvent d’autres pathologies associées et donc d’autres prescriptions qu’ils ne nous dévoilent pas toujours. Le nombre de médicaments à prendre au quotidien est donc conséquent, ce qui augmente le risque d’erreurs, d’oubli, ou d’interaction. Quel sujet âgé n’a pas une prescription d’anti-inflammatoire, de psychotrope ou de somnifère, d’anti-ulcéreux ou de collyre ? Les personnes âgées sont particulièrement exposées au risque d'effets indésirables liés à la prise de médicaments. Il a été observé que : - les événements indésirables médicamenteux sont deux fois plus fréquents en moyenne après 65 ans, - que 10 à 20 % d'entre eux conduisent à une hospitalisation. L’AFSSAPS vient d’ailleurs d’émettre un bulletin d’alerte en ce sens. Les médicaments du système cardiovasculaire sont visés en première ligne, au même titre que les anticoagulants, les antipsychotiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), y compris les salicylés et les coxibs, les antidiabétiques, les anti-infectieux (antibiotiques), les statines et les médicaments utilisés dans la démence. Les effets indésirables qui pourraient être évités sont le plus souvent la conséquence d'une erreur thérapeutique (mauvaise indication, non-respect des contre-indications, posologie excessive ou traitement trop prolongé), d'une mauvaise observance du traitement ou d'une automédication inappropriée chez ces patients, âgés et fragiles, traités pour plusieurs pathologies. À titre d’exemple, nous pouvons citer les collyres bêtabloquants qui peuvent, de façon exceptionnelle, engendrer des effets indésirables systémiques. En effet, en l’absence de précaution, les trois quarts de la dose instillée en collyre passent par le canal lacrymo-nasal et sont rapidement résorbés dans la circulation générale. Il est facile d’éviter une bonne part de cette voie de résorption en obturant le canal lacrymo-nasal pendant une minute environ par une pression de l’index sur l’angle interne des paupières, mais la sûreté du geste n’est pas évidente chez toutes les personnes âgées ! La prudence sera de mise en cas de coprescription d’un traitement bêtabloquant par voie orale. Les alpha-bloquants utilisés dans l’hypertrophie bénigne de la prostate exposent surtout à des effets vasoactifs (vertiges chez 10 à 15 % des patients, hypotension orthostatique chez moins de 10 % des patients). Ces effets se conjuguent, bien sûr, aux effets hypotenseurs des anti-ischémiques. Enfin, il faut impérativement mentionner le risque des médicaments oraux des troubles de l’érection (dérivés de la phosphodiestérase de type 5 : sildénafil, tadalafil, vardéfanil), formellement contre-indiqués en association aux dérivés nitrés, molsidomine et nicorandil. Le vieillissement physiologique Les différents systèmes physiologiques de l’organisme s’altèrent avec l’âge, à l’image du baroréflexe, ce qui conjugué à un certain degré de déconditionnement physique peut accentuer le risque d’hypotension induit par les anti-ischémiques ou les IEC. La chute est souvent un événement redouté chez la personne âgée, et il paraît souhaitable d’évaluer ce risque avant toute prescription de médicament potentiellement responsable d’hypotension orthostatique. Une fonction sinusale ou des voies de conduction défaillantes devront rendre vigilants sur l’utilisation des bêtabloquants ou de certains inhibiteurs calciques ralentisseurs. Les modifications physiologiques et les altérations des différents organes induites par les pathologies surviennent donc plus fréquemment chez le sujet âgé. La pharmacocinétique des médicaments s’en trouve donc affectée. Les modifications portent peu sur l’absorption digestive, mais surtout sur la biodisponibilité. Les médicaments liposolubles ont une distribution plus large au contraire des médicaments hydrosolubles. Le métabolisme hépatique est souvent ralenti, de même que la fonction rénale, ce qui joue sur l’élimination des médicaments. Il faut donc se montrer prudent avec les doses utilisées. Un des exemples les plus démonstratifs concerne les bêtabloquants. Une étude canadienne récente a mesuré l’impact du traitement bêtabloquant chez les sujets âgés un an après la survenue d’un infarctus. Ce travail confirme l’intérêt des bêtabloquants avec une mortalité 3 fois moindre chez les patients qui étaient sous bêtabloquants comparativement aux patients qui n’en prenaient pas. Mais, parmi ceux qui en prenaient, il a été observé une plus grande incidence d’insuffisance cardiaque chez ceux qui étaient sous doses élevées comparativement à ceux qui étaient sous doses modérées ou basses.   En pratique : ne pas avoir d’état d’âme   Les médicaments efficaces chez le coronarien tout-venant le sont aussi chez le coronarien âgé. Une plus grande vigilance est néanmoins nécessaire, car plus que chez d’autres sujets, le risque d’effets indésirables est important et les conséquences de ces effets indésirables peuvent prendre des proportions dramatiques. L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.

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